Lu: Marc Jacquemain et Pascal Delwit (dir.), Engagements actuels, Actualité des engagements

Louvain-La-Neuve, Academia Bruylant, 2010, 285 p.

 

L’ouvrage collectif publié sous la direction de Marc Jacquemain et Pascal Delwit entend apporter des éclairages sur plusieurs pans des formes actuelles d’engagement militant et leurs mutations. La présentation de l’ouvrage est effectuée par les deux coordinateurs et par Bruno Frère, qui signe par ailleurs un des chapitres.

 

Cette publication collective s’ouvre ensuite sur un texte d’introduction épistémologique à la question des rapports entre sciences sociales et engagement militant, intitulé “Le visage insupportable de l’époque - travail intellectuel, actualité, engagements”, signé de Philippe Corcuff. L’auteur s’attache à essayer de trouver une équilibration entre engagement du chercheur et recherche d’objectivité scientifique. Il se livre en particulier à une relecture de Max Weber qui tente de sortir l’auteur de la notion de “neutralité axiologique” d’un positivisme rigide dans lequel des lectures réductrices tendent à enfermer . La seconde partie de l’article est constituée de différentes analyses concrètes du rapport entre sciences sociales et engagement militant à partir de cas expérimentés par l’auteur lui-même.

 

- L’ouvrage se divise ensuite en trois parties:

 

La première est consacrée à l’engagement militant et partisan

 

Marc Jacquemain, Patrick Italiano et Geoffroy Matagne signent un article intitulé “Consommation de médias et engagement public”. Les auteurs, à partir d’une enquête quantitative menée en Wallonie, essaient de cerner les relations que peuvent entretenir la consommation de télévision, de presse ou d’Internet et l’engagement militant. Les résulats établis à partir de leur terrain les amènent à poser une relation entre niveau d’instruction, consommation de médias et engagement militant. Ce n’est que dans l’interaction entre ces trois facteurs que le lien entre consommation de media et engagement militant devient véritablement significatif. Ainsi si les plus gros consommateurs de télévision sont également les moins engagés, ce lien est fortement corrélé au niveau d’instruction. A l’inverse, les plus gros consommateurs de quotidiens sont également les plus engagés. L’usage d’Internet est en revanche une variable ambiguë, puisque la forte utilisation d’Internet peut caractériser des personnes faiblement engagées comme des personnes que le sont fortement.

 

Bernard Fournier, Min Reuchamps et Elodie Flaba signent quant à eux un chapitre intitulé “L’interêt politique des jeunes: une conception multidimensionnelle”. L’approche des auteurs consiste, non pas à analyser l’engagement à partir d’une variable, mais à partir de multiples facteurs dans une analyse quantitative menée auprès de jeunes Liégeois: intérêt pour la politique, perception de la politique, valeurs sociales... C’est ainsi à partir de 13 variables que la question de l'intérêt des jeunes pour la politique est posée, dessinant ainsi différents portraits de rapport à l’engagement politique.

 

Emilie Van Haute s’intéresse quant à elle aux résultats d’un travail sur l’adhésion dans deux partis politiques en Flandre: les démocrates chrétiens et les libéraux (CD&V et Open VLD).

 

Pour finir cette partie, Simon Luck présente des éléments d’une enquête ethnographique menée en France sur la Fédération anarchiste et les nouveaux libertaires apparus dans le sillage du mouvement altermondialiste. Il s’attache à montrer la proximité entre les deux groupes du point de vue de leur revendication d’auto-organisation mettant en avant l’horizontalité, la démocratie directe et l’autonomie individuelle. Pourtant, au-delà de ces points communs, il fait ressortir la manière dont les deux groupes s’ignorent et le fait que les anarchistes historiques ne parviennent pas à séduire ces nouveaux militants. L’attachement des anarchistes à une culture militante liée au mouvement ouvrier et empreinte d’un certain virilisme éloigne ces nouveaux militants qui désireraient au contraire renouveler les répertoires d’action. De leur côté, les anarchistes se montrent ciritiques vis-à-vis de ces néo-militants qu’ils considèrent trop séduits par les médias et sans idéal de transformation révolutionnaire et utopique de la société.

 

La seconde partie de l’ouvrage s'intéresse justement à approfondir ces nouvelles formes de militantisme ayant émergé en particulier depuis les années 1990.

 

Christophe Lejeune se penche ainsi sur l’engagement militant sur Internet. Il décrit le fonctionnement de l’Open Directory Project, forme d’annuaire de sites en ligne libre et participatif. Il montre ainsi que l’organisation réticulaire du Web ne conduit pas forcement à des formes d’organisation strictement horizontales, mais qu’elle peut amener à mettre en place des types d’organisation qui conservent des dimensions pyramidales.

 

Bruno Frère analyse pour sa part les disputes au sein de l’économie solidaire autour de la question de la légitimité de tel ou tel acteur à représenter l’économie solidaire. La critique de toute forme de représentation au profit d’une politique du proche conduit les acteurs à ne pas parvenir à investir la question du pouvoir dans sa forme démocratique.

 

Geoffroy Pleyers s’intéresse quant à lui au renouvellement des pratiques militantes opéré par les réseaux altermondialistes. Il entend situer son analyse dans le paradigme d’interprétation ouvert par Alain Touraine et ses collaborateurs, selon lequel le passage d’une société industrielle à une société postindustrielle serait marqué par une évolution vers des revendications et des aspirations d’ordre culturel. L’auteur n’analyse pas seulement les pratiques de ce qu’il qualifie d’alter-activistes, mais également les limites auxquelles elles sont confrontées: difficulté à attirer les personnes issues des classes populaires, éparpillement dans une multitude d’expériences, implication plus grande de certains qui acquièrent ainsi une place prépondérante, temps et investissement qu’exigent les pratiques d’autogestion, absence de règles explicites dans la prise de décision, qui peut favoriser les personnalités charismatiques, illusion de pouvoir construire des relations sans relations de pouvoir, absence de perspective d’un passage des changements individuels et locaux à des transformations globales...

 

La troisième et dernière partie de l’ouvrage s’intitule “Engagement et politiques publiques”.

 

Ludovic Renard étudie le traitement médiatique d’une mobilisation contre un projet controversé de construction d’un terminal méthanier en France. Il avance ainsi la thèse selon laquelle cette affaire serait marquée, de la part des journalistes qui la couvrent, par l’impératif d’éviter un parti pris en faveur d’un camp ou de l’autre.

 

Catherine Fallon, Geoffrey Joris et Catherine Zwetkoff s’intéressent pour clore cet ouvrage à la question de l’action collective dans une société dite du risque.

 

Irène Pereira

 

 

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