Lu: Eva Sas, Philosophie de l’écologie politique

De 68 à nos jours

Editions Les petits matins, 2010, 135 p., 12 euros

 

Eva Sas, militante d’Europe Ecologie-Les Verts, se propose dans ce petit volume d’offrir une introduction aux philosophies de l’écologie. L’ouvrage se présente comme une initiation, écrite dans un langage accessible, à ces penseurs, pour des lecteurs qui n’auraient pas (ou peu) de rudiments sur le sujet.

 

Les références plus strictement écologistes

 

L’ouvrage propose tout d’abord de découvrir les penseurs qui ont nourri l’écologie politique des années 1970: ceux influencés par le personnalisme tels Illich ou ceux proches de la philosophie du sujet sartrien, tels André Gorz.

Ces pensées sont replacées dans leurs liens avec les mouvements écologistes de l’époque.

 

L’auteur présente en particulier certains éléments de la pensée d’Ivan Illich, auteur de “La convivialité”(1973). Elle analyse plus spécifiquement comment l’oeuvre de ce dernier est structurée autour des notions de contre-productivité des outils, de lutte contre le monopole radical et contre la professionnalisation.

 

En ce qui concerne les auteurs actuels liés à la philosophie écologiste, elle effectue une présentation du travail d’Hans Jonas, auteur de l’ouvrage “Le principe de responsabilité”,

dont l’oeuvre eut une influence pour la constitution du principe de précaution. Ce principe

de responsabilité est ainsi formulé: “Agis de façon à ce que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre” (p.71).

L’auteure présente les limites qui, selon elle, marquent le travail de Jonas lié à la tentative

d’une fondation métaphysique de ce principe.

 

Un débat philosophique plus large

 

Néanmoins, l’auteure introduit également dans ce panorama des auteurs non strictement liés directement à l’écologie.

 

Elle s’intéresse, en particulier dans les années 70, à la place de Michel Foucault. Elle décèle deux points communs selon elle entre sa pensée et celle des écologistes. La première consiste dans une critique de la philosophie du sujet de Descartes. En effet, ce dernier peut apparaître comme l’auteur de la modernité qui énonce la radicale séparation entre le sujet humain et la nature réduite au rang d’objet dont on peut se servir.

Le second point commun résiderait dans la place libertaire que ce dernier auteur conférerait à la singularité individuelle contre les normes de pouvoir qui structurent les institutions sociales.

 

Mais pour elle, les tendances libertaires foucaldiennes présentes chez les écolos pourraient être un obstacle à un agir politique commun. D’où l’importance d’un tournant éthique.

C’est l’idéal de démocratie participative habermassienne qui lui semble incarner une voie échappant à la fois à la recherche d’un fondement métaphysique et à l’enfermement dans une singularité absolue.

 

L’ouvrage se termine sur une réflexion plus personnelle tentant de présenter les différentes dimensions qui, à son avis, caractérisent l’écologie politique: en particulier celle-ci articule: responsabilité, autonomie, solidarité et démocratie participative.

 

Une limite de l’ouvrage

 

Il nous semble regrettable que les présupposés philosophiques des pensées des différents auteurs ne soient pas toujours assez mis à jour: cela nous semble suffisamment fait pour ce qui concerne Foucault, Habermas et Hans Jonas.

 

En revanche, cela s’avère plus problématique concernant Illich et Gorz. En effet, ces deux derniers auteurs semblent être renvoyés au paradigme nietzschéen d’une expression de soi.

 

Néanmoins du point de vue, non pas d’une grammaire sociologique, mais d’une analyse philosophique, il semble plus difficile de les rabattre les uns sur les autres. En effet, Foucault s’oppose aux deux autres par son désir de dissoudre le sujet issu de la modernité philosophique, alors que les deux autres auteurs mentionnés se situent dans l’héritage de la philosophie du sujet.

 

D’une certaine manière le personnalisme reste fidèle au second impératif catégorique kantien: “ne jamais traiter la personne humaine seulement comme un moyen, mais toujours en même temps comme une fin”. Or le risque contenu dans le règne de la domination technique est justement celui d’une transformation des individus uniquement en moyen dans une logique purement instrumentale qui est celle de la technique.

 

Néanmoins, la philosophie du sujet à laquelle se rattache Gorz se distingue de celle du personnalisme. Alors que cette valeur absolue de la personne humaine est transcendante au sujet humain - elle s’impose à lui comme un devoir -, dans la conception sartrienne dans laquelle se situe Gorz, c’est le sujet humain qui est le fondement absolu de toutes valeurs. Il n’existe pas de valeurs transcendantes. C’est le sujet qui choisit de manière absolument libre ces valeurs et qui donne ainsi un sens à son existence.

 

Irène Pereira

 

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