Dévoilement, controverses et expérimentations


 

Sociologie critique, sociologie des controverses

et sociologie pragmatique

 

 

 

La sociologie critique, qu’elle soit marxiste ou bourdieusienne, n’entend pas partir de la conscience immédiate que les acteurs ont du monde social ou de leurs opinions individuelles, qui sont en définitive subjectives et relatives. Par une démarche rationaliste, la sociologie critique entend rompre avec ce pseudo-savoir immédiat et chercher dans la structure matérielle de la société, à l’aide en particulier de l’outil quantitatif, la réalité des contraintes sociales qui déterminent les situations. Cette sociologie entend ainsi opérer un dévoilement.

Nous appellerons ici sociologie des controverses plus spécifiquement une sociologie consistant à relativiser le discours scientifique lui-même en le symétrisant avec le discours des acteurs. Le discours scientifique ne posséderait alors pas de point de vue privilégié par rapport à celui des acteurs. Cette forme de sociologie d’inspiration post-structuraliste accorde un privilège démesuré aux discours.

Peut-il y avoir une autre voie pour la sociologie que d’une part la transcendance du discours savant et d’autre part le relativisme perspectiviste du discours des acteurs ? Peut-être est-il possible de chercher une autre voie qui ne se trouve ni dans l’étude des structures, ni dans la simple étude des discours des acteurs ?

 

La sociologie pragmatique vise pour sa part une modélisation des actions. Il s’agit ainsi d’étudier à la fois les discours des acteurs et leurs régimes d’action. Il ne s’agit pas ainsi d’en rester aux controverses discursives, mais de les confronter à leurs mises en oeuvre, à leur expérimentations. Les discours n’apparaissent que comme des justifications de pratiques. L'analyse proposée ne doit pas se limiter ainsi au point de vue subjectif des acteurs étudiés, mais permettre de dépasser une vision unilatérale de la réalité par la confrontation des justifications discursives des acteurs et des critiques qui leurs sont adressées par d’autres acteurs en les soumettant à l’épreuve des pratiques effectives. La sociologie pragmatique s’approprie ainsi la dimension expérimentaliste de la philosophie pragmatiste qui évalue une théorie à l’aune de ses conséquences pratiques. Il s’agit ainsi d’analyser les cohérences internes des grammaires des acteurs à la fois dans leurs dimensions pratiques et théoriques.   

Par exemple, examinons un collectif militant. Une sociologie de type critique pourra s’attacher aux rapports de domination internes à ce collectif en montrant comment certains militants issus des classes moyennes exercent une domination tenant par exemple à leur capital scolaire réinvesti en capital militant sur d’autres acteurs issus des classes populaires et faiblement dotés en capitaux. Une analyse poststructuraliste peut s’intéresser aux controverses entres les acteurs et aux critiques que les uns s’adressent aux autres: critiques internes au collectif, critiques externes au collectif. Une sociologie pragmatique peut s'intéresser dans un premier temps à analyser quelles sont les justifications des acteurs et les critiques qui leurs sont opposées, puis dans un second temps procéder à l’examen de la manière dont les acteurs essaient ou non, dans leur fonctionnement pratique et dans leurs réalisations, de répondre à ces critiques, de les prendre en compte ou non et dans quelle mesure ils y parviennent...

 

 

        

 

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