Conclusions sur la Sixième étude sur le travail de Proudhon:

Lire extraits commentés de la sixième étude sur le travail 

 

Récapitulatif des principaux points développés:

 

L’analyse que Proudhon effectue du travail se caractérise par les points suivants. Le travail est un fait naturel qui implique une pénibilité naturelle car il suppose une dépense de force vitale. L’intelligence humaine et le développement de la culture trouvent leurs conditions de possibilité dans le travail. Le travail est donc la condition d’une conscience intelligente, de ce fait il peut apparaître du point de vue de la subjectivité comme un choix. Néanmoins, parce que le travail a cette dimension d’activité objective pénible, certains êtres humains tentent d’en asservir d’autres afin qu’ils les libèrent de cette contrainte. Il est ainsi nécessaire pour Proudhon de distinguer la pénibilité naturelle du travail et l’institution sociale du travail servile. L’asservissement du travail a pour corollaire le fait que l’on oppose le travail manuel, qui ne supposerait aucune intelligence, à la méditation intellectuelle. Ce dualisme apparaît matérialisé dans le machinisme industriel dans le fait que les activités demandant une habilité sont dévolues à la machine tandis que l’on ne requiert de l’ouvrier aucun savoir-faire technique.

L’affranchissement du travail implique ainsi, outre l’abolition des classes sociales, la mise en place d’une éducation polytechnique, ainsi que la possibilité d’une évolution de carrière tout le long de la vie professionnelle.

 

Prolongement des analyses de Proudhon sur le travail:

 

La critique qu’effectue Proudhon de la division du travail entre maître et ouvrier est celle qui oppose un travail qui implique la mise en oeuvre de l’intelligence et la direction des activités de production et un travail abrutissant. Cette critique trouve son prolongement dans les revendications d’autogestion de la production en particulier durant les années 1968. La critique de la technocratie et de l’organisation autoritaire de la production oppose une forme d’organisation du travail dans laquelle les ouvriers possèdent un pouvoir de décision et de direction sur l’organisation de la production.

 

Quelles actualités des analyses de Proudhon dans les débats sur le travail ?

 

L’intérêt de la position de Proudhon est de développer tout d’abord une approche pragmatiste du travail. Celle-ci remet en cause les dualismes entre force et sens, entre nature et culture, entre corps et esprit. Elle implique d’accorder un primat au travail dans l’émergence de l’intelligence et de la conscience. La continuisme entre nature et culture est ce qui distingue les analyses de Proudhon des conceptions dialectiques de Hegel et de Marx, qui impliquent une rupture entre nature et culture. Les analyses de Proudhon permettent en outre de mettre à jour les implicites spiritualistes des théories de la critique de la valeur travail.

Le second intérêt de la position de Proudhon est de distinguer entre la pénibilité naturelle du travail et l’institution sociale du travail servile. Ainsi Proudhon ne prétend pas qu’une fois que le travail est désaliéné, la pénibilité disparaît, mais qu’il s’agit d’une tâche sociale de tendre à diminuer la pénibilité en réorganisant le travail.

Le troisième intérêt des analyses de Proudhon consiste à permettre de distinguer entre le travail objectivement pénible et le métier manuel. Toute activité manuelle n’est pas à dévaloriser, mais toute activité manuelle ne constitue pas un métier. L’ouvrier de l’industrie peut ne pas posséder un métier, par exemple si la dimension de savoir-faire technique a été supprimée de son activité. C’est la différence entre l’ouvrier qualifié et l’ouvrier non-qualifié.

Le quatrième intérêt tient au fait que ces analyses proposent un angle de critique d’une certaine forme de développement technique. Les techniques qui suppriment la pénibilité objective du travail sont acceptables, il n’en va pas de même de celles qui suppriment les dimensions du travail qui impliquaient un savoir-faire technique.

Le cinquième point porte sur les solutions proposées par Proudhon. Elles trouvent un écho face au statut dévalorisé du travail manuel dans la société française actuelle. Ce qui est avancé par Proudhon a trait à: a) à la question de la distinction entre travaux objectivement pénibles et savoir-faire techniques b) au degrés de spécialisation de l’apprentissage manuel c) aux rapports entre apprentissages manuels et acquisition de savoirs scientifiques d) à l’évolution tout au long de la carrière professionnelle.

 

On peut néanmoins se demander si la place qu’accorde Proudhon au travail manuel n’est pas le reflet d’une société artisanale et n’aurait plus qu’un intérêt limité dans une société industrielle, a fortiori de service ou reposant sur une économie informationnelle. Pourtant, les travaux cités ci-dessous montrent l’actualité que peuvent comporter encore ces analyses dans la société contemporaine:

 

Crawford Mathiew B., Eloge du carburateur, Paris, La Découverte, 2010.

 

Sennett Richard, Ce que sait la main - La culture de l’artisanat - [2008], Paris, Albin Michel, 2010

 

 

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