Naissance de l’Etat moderne - Monarchie de droit divin et administration bureaucratique -

 

 

            Le texte ci-dessous se donne pour objectif d’apporter des éléments en vue d’étayer l’hypothèse suivante. L’Etat moderne articule deux logiques: d’une part celle d’une théologie politique, d’autre part celle d’une rationalité formelle mécanique. 

            Descartes, bien qu’il ne soit pas un théoricien de la philosophie politique, permet néanmoins de comprendre la grammaire de l’Etat moderne parce qu’il est l’un des principaux grammairiens de la modernité. Pour cela, il est possible de se souvenir de la méthode que Platon emploie dans la République, à savoir la mise en évidence d’une homologie structurale entre l’étude de l’individu et l’étude de la Cité.

 

            Le discours de la méthode de Descartes fournit les éléments qui permettent de comprendre la grammaire de l’Etat moderne, c’est-à-dire que l’on peut y saisir de manière pragmatique la logique du fonctionnement de l’Etat.

 

            La philosophie de Descartes introduit un dualisme entre la nature et l’esprit. La grammaire de la nature, telle qu’elle peut être modélisée à partir des sciences modernes galiléennes selon Descartes, est une machine, c’est-à-dire un mécanisme matériel. Toutes les propriétés liées à l’intentionnalité sont retirées de la nature et confinées dans l’esprit humain. Cette dualité entre nature et esprit implique donc celle entre nature et culture, entre nature et société.

 

            Si l’on transpose les thèses de Descartes à la théorie de l’Etat, il est possible de dégager la grammaire suivante. Le monarque de droit divin est le représentant politique de la puissance divine. Tout comme Dieu, sa volonté est absolue. Il faut se souvenir que la volonté humaine est illimitée contrairement à l’entendement et qu’elle est donc ce par quoi l’être humain ressemble à Dieu. La puissance politique apparaît donc comme l’esprit de la société, son intelligence organisatrice[1].

 

            Le sujet, chez Descartes, est caractérisé par la toute puissance de sa volonté et par sa rationalité. Par la mise en place d’une méthode rationnelle, il est en capacité d’acquérir une maîtrise de la nature qui le rend semblable à Dieu. Dans le cadre de l’action politique, il ne s’agit pas de parvenir à une maîtrise de la nature, mais du corps social. L’organisme social peut être réduit à un mécanisme qui permet d’en maîtriser les lois. Cela suppose d’exercer une action rationnelle et méthodique sur ce corps social. Cela c’est le rôle de l’appareil administratif d’Etat. La machine d’Etat organisée rationnellement agit selon une logique rationnelle sur la société de manière à en extraire la puissance. Le colbertisme peut apparaître comme l’illustration d’une telle politique. L’administration d’Etat intervient dans la construction d’infrastructures et dans l’organisation d’une économie reposant sur les manufactures.

 

 

Bibliographie:

Descartes René, Le discours de la méthode

Descola, Par delà nature et culture

Kantorowicz, Les deux corps du Roi

Mumford Lewis, Le mythe de la machine (2 t.)

Platon, La République

Shmitt Carl, Théologie politique

Weber, Economie et société (2 t.)

 



[1] Cette image est déjà présente de la République de Platon: le philosophe-roi est l’intelligence rationnelle qui maintient l’harmonie dans la Cité. La dimension de théologie politique qu’implique la République apparaît par la suite aussi bien chez Rousseau par exemple que chez Durkheim. L’utilisation de la pensée de Rousseau au service de l’Etat républicain reprend les attributs de toute puissance divine que ce dernier confère au souverain. On retrouve également cette dimension de théologie politique dans le républicanisme de Durkheim, à la fois dans sa théorie de l’Etat et dans la fonction qu’il confère à la religion. 

 

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