Proudhon, théoricien du désir de reconnaissance

On trouve dans La lutte pour la reconnaissance d'Axel Honneth la thèse selon laquelle Sorel est un théoricien des luttes pour la reconnaissance. Néanmoins, il est possible de constater que l'on trouve déjà chez Proudhon, dont Sorel est un lecteur, une théorie de la lutte pour la reconnaissance. Celle-ci est en particulier présente dans Qu'est-ce que la propriété ? et dans La guerre et la paix. 

 

- La théorie de la reconnaissance dans Qu'est-ce que la propriété ?

 

La reconnaissance n'est pas reconnaissance d'une différence ou d'une supériorité, mais d'une égalité. Elle constitue donc la base de ce qui caractérise l'égal respect que chacun se porte et donc d'une obligation morale de justice. Proudhon ne considère pas qu'elle propre aux êtres humains, mais commune avec les autres animaux sociaux. Il s'agit donc d'une forme d'empathie: 

 

"Le second degré de la sociabilité est la justice, que l'on peut définir, reconnaissance en autrui d'une personnalité égale à la nôtre. Elle nous est commune avec les animaux, quant au sentiment ; quant à la connaissance, nous seuls pouvons nous faire une idée complète du juste, ce qui, comme je le disais tout à l'heure, ne change pas l'essence de la moralité. Nous verrons bientôt comment l'homme s'élève à un troisième degré de sociabilité auquel les animaux sont incapables de parvenir."

 

- La théorie de la reconnaissance dans La guerre et la paix

(Voir la note 2 sur La guerre et la paix de Proudhon sur le site de l'IRESMO)

 

Conclusion:  Le mouvement ouvrier tel que le théorise Proudhon dans De la capacité politique des classes ouvrières apparait comme un mouvement qui lutte pour son égale dignité et donc contre l'inégalité sociale qui fonde les classes sociales. Il y a donc une unité pour Proudhon entre lutte pour la reconnaissance et lutte pour la justice économique. 

Proudhon appuie en effet sa théorie de la justice sur une physique des forces sociales. Il y a inégalité économique sociale lorsque les forces économiques sont en déséquilibre. La justice suppose l'existence d'un équilibre sociale entre les forces économiques (1). Sur le plan morale, la justice se traduit par une reconnaissance mutuelle d'égale dignité.

Cette forme d'économie où il y a équilibre des forces économiques et justice sociale, c'est le mutuellisme. 


(1) La théorie de la justice comme équilibre conduit à pouvoir rapprocher Proudhon de Montesquieu. Mais Montesquieu limite sa théorie de la justice à un équilibre entre trois fonctions de l'Etat. Pour Proudhon, l'équilibre est à la fois économique et politique. L'équilibre politique n'est pas produit par l'Etat, mais par le fédéralisme libertaire. Il y a donc la recherche d'un équilibre non seulement entre les fonctions politiques, mais sur l'espace du territoire politique. 

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