Aller au-delà de l'indignation et de l'émotion...


Face à la montée de l’islamisme politique et de l’extrême droite, l’indignation et l’émotion dominent. Mais il est sans doute nécessaire de réfléchir sur les causes qui ont produit une telle situation. Pour cela, il faut peut-être accepter de s’interroger sur la mondialisation du libéralisme économique et sur l’ethnocentrisme occidental...

 

Islamisme politique et extrême droite: pourquoi ?

 

Au lieu de se contenter de dénoncer la montée de l’extrême droite et de l’islamisme politique, il est sans doute nécessaire de s’interroger sur les causes de la séduction qu’exercent ces mouvements auprès de jeunes issus des classes populaires. Dieudonné et Soral incarnent d’une certaine manière la synthèse de ces tendances dans la mesure où ils appuient leurs discours sur des éléments communs à ces deux phénomènes politiques.

 

Le libéralisme économique, qui sert d’idéologie au capitalisme, n’a cessé de prôner l’atomisation des individus en considérant que le marché et la société de consommation suffiraient à répondre aux désirs des individus.

 

Mais l’économie capitaliste, génère non seulement des inégalités, mais en outre une insécurité sociale liée aux crises économiques et au chômage. Les individus atomisés sont fragilisés lors des situations de crise économique qui les précarisent.

 

Les discours de l’extrême-droite et de l’islamisme politique proposent aux individus de reconstituer des solidarités adossées à des communautés imaginaires: dans un cas la nation, dans l’autre la communauté des croyants (la Oumma).

 

Auparavant, les tenants du libéralisme économique n’avaient cessé de détruire les institutions de solidarité économique du monde ouvrier. Les coopératives de production et de consommation ont été remplacées par les supermarchés. Les syndicats ont été affaiblis. A la conscience de classe ouvrière, les représentants de l’élite politique et économique ont substitué l’individu consommateur. La culture des divertissements produits par les mass-media participe de ce mouvement d’atomisation des classes populaires.

 

Ce phénomène n’a pas été uniquement propre à la France, il s’est aussi déroulé sur fond de guerre froide. Avec la chute du monde soviétique, l’Islamisme politique est devenu le nouveau visage de la lutte contre l’impérialisme.

 

La résistance à ces phénomènes supposerait alors la recréation de toute une vie populaire, constituée sur la base d’institutions économiques de solidarité, de luttes sociales et d’une contre-culture populaire, capables d’offrir une alternative non seulement à la constitution des communautés imaginaires (“nation”, “communautés de croyants”), mais également au capitalisme mondialisé.

 

Un universel ethnocentrique

 

On souhaiterait que des jeunes atomisés et précarisés adhèrent à des valeurs qui leur sont présentées comme celles de la bourgeoisie libérale occidentale. Comment adhérer à des valeurs dites “universelles” que les manuels scolaires présentent comme des valeurs européennes, voire françaises ?

 

Peut-être faudrait-il mettre en valeur le rôle des classes populaires dans la constitution et la conquête de ces valeurs ? Peut-être faudrait-il accepter de montrer comment dans d’autres aires géographiques que l’Europe, l’esprit critique, la liberté d’expression ou la critique religieuse ont trouvé leur place ? Comment les “subalternes” pourraient-ils se reconnaître dans des modèles qu’on leur présentent comme produits par des hommes issus de la bourgeoisie européenne ?

 

Il faudrait peut être davantage prendre en compte l’étude des “Lumières arabes” ou encore des formes de tolérance religieuse dans d’autres contextes géographiques que l’Europe ou l’absence de transcendance divine dans des courants de pensée de l’Asie du Sud-Est tels que le bouddhisme.

 

Peut-être nous faut-il parvenir à admettre que l’Europe n’a pas le monopole du pluralisme tolérant, de l’esprit critique ou de l’invention de l’Universel et de la démocratie...

 

Irène Pereira

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