L’appropriation des puissances positives de l'être humain par la logique capitaliste.

 

 

La logique capitaliste ne cesse de chercher à s’approprier les puissances de l'être humain pour les instrumentaliser à son profit. Après s’être appuyé sur l’égoïsme, le management tente de prendre appui sur les puissances positives jugées plus efficaces: coopération, créativité, enthousiasme, empathie…

 

L'appropriation qu'effectue le capitalisme n'est pas seulement l'appropriation de la plus-value, c'est l'appropriation des puissances positives de l'être humain. C'est ce que la tradition philosophique marxiste a appelé l'aliénation capitaliste.

 

Le capitalisme par la contrainte, mais plus encore par la « séduction », cherche à s'emparer des puissances de coopération, de création et d'enthousiasme de l'être humain.

 

Les méthodes de contrainte, ce sont par exemple les méthodes disciplinaires utilisées par le management taylorien du capitalisme chinois (voir par exemple l'ouvrage : Collectif, La machine est ton seigneur et ton maître, Agone, 2015).

 

Les méthodes de « séduction », ce sont par exemple les nouvelles formes de management telles que « l'entreprise libérée », le « feel good management » ou encore le « happy management »... Ces nouvelles formes de management entendent s'appuyer sur les neurosciences et mettre en place un « management émotionnel ».

 

- L’appropriation de la « coopération » : Proudhon a montré au XIXe siècle que le capitalisme rémunérait une force individuelle, mais non pas la force collective produit de la coopération des travailleurs (Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?).

 

- L’appropriation de la créativité : Le capitalisme post-industriel est un capitalisme qui fait reposer la croissance sur l'innovation. Il n'a donc pas besoin uniquement de travailleurs soumis, mais également de travailleurs créatifs. Que ce soit par le « lean management », avec le « kaizen » (amélioration continue), ou par l' « open innovation » par exemple, il s'agit de capter les capacités d'innovation et de créativité des travailleurs.

 

La captation par le management émotionnel

 

Le neo-management, comme le marketing et la publicité, utilise en particulier dans cette entreprise de captation des puissances humaines, les émotions. En effet, la dimension irrationnelle, car en partie inconsciente des émotions, leur permet d'être déclenchées sans que la conscience de l'individu ne puisse intervenir comme filtre et y résister. En outre, avoir accès aux émotions des individus, via par exemple l'empathie, c'est associer l'entreprise à des valeurs positives, telles que l'altruisme.

 

- L’appropriation de l'intelligence intrapersonnelle ou du care : Avec les « soft skills » (compétences comportementales), ce que l'on cherche à capter des salariés, c'est leur capacité à comprendre autrui et à pouvoir ensuite le conduire à mettre au service de l'entreprise sa puissance vitale.

 

- L’appropriation de l'enthousiasme et l'utilisation de l'état de flow : L'action, qui est mue par l'enthousiasme du sujet, est marquée par une très grande puissance. En mettant cette puissance à son service, l'entreprise cherche à obtenir la performance optimale du sujet.

 

- L'instrumentalisation de l’attachement : Le sentiment d'attachement est également un affect qui intéresse le monde de l'entreprise, qu'il s'agisse de fidéliser le client à une marque ou qu'il s'agisse de provoquer chez le salarié un attachement affectif à l'entreprise. En effet, le monde de l’entreprise actuelle demande une plus grande flexibilité de l’emploi, mais en même temps elle demande aux salariés un attachement à l’entreprise. C’est par un management émotionnel que pourrait être réduite la contradiction.

 

Par l'intelligence artificielle, le techno-capitalisme essaie de produire une simulation des puissances vitales du sujet telles que l'empathie (robot compagnon) ou la créativité (robots artistes).

 

De l'enthousiasme d'apprendre à l'enthousiasme managérial

 

Des penseurs de l'éducation, comme André Stern, en s'appuyant sur les travaux du neurologue Gerald Huther, ont mis en avant la puissance de l'enthousiasme dans la capacité à apprendre.

 

Mais c'est cette puissance de l'enthousiasme qui intéresse également le management avec le management par l'enthousiasme ou le « happy management ».

 

En effet, une des difficultés auxquelles les entrepreneurs capitalistes se plaignent de se heurter, c'est la motivation insuffisante des salariés. Il s'agirait alors de les motiver par l'enthousiasme.

 

Le « Wow management » s'appuyant sur le fun ne serait pas a priori dans la mentalité de notre austère management. Mais que faire lorsque l'on apprend durant la première moitié des années 2010 que 6/10 des premières entreprises mondiales pratiquent ce type de management?

 

 

Conclusion :

 

En fait, la logique du nouvel esprit du capitalisme pousse à anticiper les nouvelles tendances sociétales, tant dans les pratiques managériales que dans la consommation, pour optimiser la performance et le profit. Il s'agit pour cela de se caler sur les innovations sociales des « créatifs culturels ».

Ainsi, on assiste depuis le début des années 2010 à une tendance de l'économie capitaliste à se positionner sur les secteurs ouverts par les créatifs culturels : happy management, entreprise libérée, économie collaborative, entrepreneuriat social, start up et innovation sociale, économie circulaire, innovation frugale, émotions positives...

 

 

Quelques sources en ligne :

 

Benoit Christophe, Motivez par l'enthousiasme, Editions Organisation, 2005.

URL : http://www.eyrolles.com/Chapitres/9782708132375/chap2_Benoit.pdf

 

« Le management Whaouh ou l'art de susciter l'enthousiasme », 2011. URL : http://www.chefdentreprise.com/Article-A-La-Une/Le-management-Waouh-ou-l-art-de-susciter-l-enthousiasme-2740.htm

 

Meyssonnier Rébiha, « La gestion des formes d'attachement des salariés à leur entreprise », 2003. URL : http://www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2003meyssonnier084.pdf

 

 

 

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