Les études de genre sont bien souvent réduites à une perspective sur les femmes. Mais, il existe une autre approche, les masculinity studies, qui se centre sur l'étude de la masculinité hégémonique et des masculinités subalternes. Cette perspective part de l'idée, comme les whiteness studies, qu'il est nécessaire de porter la focale sur la déconstruction de la norme dominante en mettant en lumière les privilèges sociaux qu'elle construit et à l'inverse les exclusions qu'elle produit.
L'étude de la masculinité hégémonique dans le cadre scolaire met en lumière en particulier le rapport paradoxale que la construction de la masculinité dominante entretient avec la norme scolaire produisant ainsi une interprétation des difficultés scolaires des garçons. L'école, où la majorité des enseignantes sont des femmes, impliquerait pour les garçons de se soumettre à un ordre féminin alors que la construction de la masculinité hégémonique implique la dévalorisation du féminin.
Traduction de : Enrique Javier Díez Gutiérrez, Revista Iberoamericana de Educación, vol. 68 (2015), pp. 79-98.
1. Masculinité hégémonique
En accord avec Kimmel, Connell et Messerschimdt et Schongut, la masculinité hégémonique est associée à l'hétérosexualité et au contrôle du pouvoir par les hommes, à la renonciation au féminin, à la validation de l'homosocialité – c'est-à-dire, la relation avec ses pairs – comme celle qui est réellement importante et qui constitue le canon de comparaison, l’approbation de l'homophobie, et le soutient de l'(hetero)sexisme.
La notion de masculinité hégémonique suppose l'existence de différentes formes de masculinité. En outre, toutes les formes de masculinité n'occupent pas les mêmes positions de pouvoir, car le concept de masculinité hégémonique se construit toujours par opposition à différentes masculinités subalternes, un type de relation qui se répété également dans le lien avec les femmes.
Cette masculinité hégémonique semble toujours définie et socialisée à partir de ce qu'elle n'est pas, en termes de constante opposition et d'examen minutieux auquel sont soumis les hommes, en particulier l'hétérosexualité et le silence ou censure affective, qui sont des réquisits basiques pour le maintien de leur statut.
De cette manière, Demetriou identifie les fonctions de la masculinité hégémonique. La première consiste à réaliser « l'hégémonie externe » de la domination masculine sur les femmes. La seconde est une « hégémonie interne » assurant l'ascendance social d'un groupe d'hommes sur tous les autres hommes. Cependant, la masculinité ne se construit pas uniquement en relation avec la subordination féminine, mais également par la subordination d'autres formes de masculinité.
La masculinité hégémonique est une stratégie de domination effective bien qu'invisible, et surtout, assumée par les sujets et justifiée et soutenue par ceux qui ont intérêt à maintenir le modèle social hégémonique, lequel implique le consentement d'une partie importante de la société.
En dépit du fait que le modèle que propose la masculinité hégémonique est quelque chose que peu atteignent, beaucoup d'autres – qui n'occupent pas cette position – aident à soutenir ce modèle. Cela arrive, principalement parce qu'en dépit de ne pas occuper le premier plan, ils bénéficient de la soumission de masculinités « inférieures » et de l'oppression des femmes. Cela joue dans ce que l'on appelle les « masculinités complices » qui constituent une forme complémentaire de la masculinité hégémonique – dont la plupart des hommes font partis – qui sans pratiquer de manière explicite et ostentatoire la masculinité hégémonique, aspirent et désirent faire partie de ce type de masculinité exemplaire et qui en le faisant profite d'une partie des dividendes de la masculinité hégémonique. Un exemple de cela est la production médiatique des « masculinités exemplaires » comme le sont les stéréotypes représentés par les sportifs, les stars de cinéma et autres personnages publics qui sont promus dans les médias et que les élèves apprennent à collectionner et à admirer.
Les élèves continuent par tradition à être socialisés scolairement pour se développer de manière active publiquement et toujours se différentier de tout ce qui peut être désigné comme féminin et comme non-hétérosexuel. Mais dans le contexte où les femmes peu à peu également jouent un rôle dans l'espace public, s’insèrent dans le monde du travail et où la relation lié au masculin change, il faut générer des conditions qui aiguisent les expressions des styles masculins hégémoniques et traditionnels, en recourant à la radicalisation de l'une de leurs composantes centrales : l'exercice de la domination et du contrôle sur ceux qui sont considérés comme plus faibles – les femmes, les filles et les garçons, les hommes qui sont dans une position de prestige inférieur. De cette manière, ils cherchent à démontrer et à ré-affirmer la masculinité et la virilité perdue, face à ceux qui supposément questionnent sa place dans le patriarcat. Viveros rappelle que lorsque l'on n'a rien, la masculinité devient un des attributs dont un garçon peut se vanter, construisant des identités masculines beaucoup plus violentes et défensives.
A ce qu'il semble, néanmoins, c'est que ce type d'archétype traditionnel de masculinité, loin d'être en déclin, se voit renforcé et continue à inspirer la conduite des adolescents et des jeunes, se reproduisant dans les espaces scolaires, qui deviennent un des espaces principaux de formation de la masculinité.
2. Les masculinités dans le cadre scolaire
Les écoles ont été reconnues comme des contextes sociaux clés dans la production de la masculinité hégémonique.
Depuis les années 1980, de nombreux travaux ont été publiés avec l'objectif d'analyser les itinéraires subjectifs et culturels de l'apprentissage sociale de la masculinité dans les centres éducatifs, de manière à déconstruire la manière dont l'école contribue chez les enfants, les adolescents et les jeunes à la construction de la manière d'être des hommes sous une forme qui ne favorise pas une plus grande égalité entre hommes et femmes. Mais également, c'est important le rôle que le personnel enseignant joue dans l'espace scolaire dans la manière d'aborder les questions d'égalité de genre, dans la mesure où leurs propres perceptions de la masculinité et de la féminité sont déterminantes.
Comme l'ont montré différentes recherches, l'assignation différentielle des activités et des rôles, repartissant clairement ce qui est propre aux garçons et ce qui est propres aux filles, se reproduit également à l'école. Ainsi, on éduque les garçons pour dominer et avancer dans l'espace public, montrer leurs réussites, leurs talents et leurs ambitions, comme image de leur valeur personnelle, en réprimant leurs affectes vus comme des signes de faiblesse et de peu de virilité. Les filles, au contraire, on les socialise pour la reproduction et pour rester dans la sphère privée, et on les éduque pour qu'elles renoncent à leur valeur personnelle, en réprimant leurs désirs d'autonomie et de réalisation personnelle.
Les variables principales qui configurent la masculinité traditionnelle hégémonique dans l'école est en relation avec la force corporelle, le détachement académique, l'absence d'émotion et l'obligatoire hétérosexualité comme aspect central de la configuration de la personnalité, ainsi que le désir de contrôle et de compétition.
Le corps joue un rôle fondamental dans la construction de la masculinité, étant donné que c'est un facteur autour duquel sont générés les différences et qu'elles sont naturalisées.
Martino a analysé le rôle important que joue le corps dans la construction de la subjectivité masculine : les aspects normatifs de la taille du pénis, le fait d'être attirant et de ne pas être rapproché d'aucun type de déviation par rapport à l'hégémonie hétérosexuelle. L'activité physique permet de le montrer à travers le sport et de l'exhiber aux autres. De nombreuses recherches ont montré la pertinence particulière du sport comme stratégie basique de formation de la masculinité hégémonique.
Il est fréquent que dans les institutions scolaire bien jouer au football, par exemple, est un signe de haut statut dans la hiérarchie masculine, car cela permet de mettre en jeu des valeurs propres à la masculinité hégémonique comme la compétitivité, l'agressivité, la discipline, la force physique, la valeur de souffrance, la démonstration de courage et de prise de risque. De fait, les professionnels du football sont perçus par les enfants comme des modèles masculins de désirabilité sociale.
En outre, les sports hégémoniques permettent d'opposer la masculinité hégémonique à la féminité. Ainsi, aussi bien les filles comme les garçons qui n'ont pas d'habilités particulières dans leurs pratiques sont continuellement rejetés et relégués hors du jeu. Le professeur, qui s'occupe de l'éducation physique de manière traditionnelle et qui entraîne à ces jeux compétitifs, doit générer des interactions sociales avec les étudiants qui renforcent les caractéristiques de base de la masculinité hégémonique.
Mais également, les filles et les garçons se socialisent par des attitudes différentes face à l'école, au travail scolaire et à l'apprentissage.
Les recherches réalisées à ce sujet montre l'importance que revêt pour les garçons l'apparente indifférence au travail scolaire, à l'apprentissage et aux résultats scolaires, et cela à cause d'un désir manifeste d'impressionner et de maintenir l'acceptation sociale de leurs amis masculins. Ou, en tout cas, il s'agit de montrer que le succès obtenu est « une réussie sans effort », montrant avec cela qu'ils possèdent des ressources d'intelligence sans effort.
Apparaissent ici les stéréotypes qui caractérisent les garçons comme désordonnés, démotivés, distraits, inquiets et avec un grand détachement vis-à-vis des normes scolaires, tandis que les filles sont caractérisées comme organisées, appliquées dans les travaux scolaires, plus centrées sur les apprentissages, plus soigneuses et avec des conduites qui ne sont pas autant dérangeantes.
De cette manière sont assises les bases pour un modèle de la réussite basé non pas sur l'effort et le travail constant, mais sur le brio et la génialité personnelle, montrant les mâles face à leurs pairs comme des triomphateurs et des gagnants qui ne forcent pas.
La masculinité hégémonique se construit également dans les espaces scolaires informels, comme le temps de loisirs entre les cours, en montrant et en exhibant leurs connaissances en matière sexuelle, obligatoirement hétérosexuelle, devant le groupe de pairs. De cette manière, les garçons usent du discours sur cette sexualité, lié surtout au plaisir génital et délié de l'émotion, pour valider publiquement leur masculinité.
Les recherches insistent sur les fantaisies sexuelles de leurs discours, dans lesquelles les femmes sont présentées comme des objets passifs des nécessités et des désirs masculins. Mais ils font également étalagent de geste sexuels envers les filles, d'insultes et de blagues sexistes et d'un discours homophobe, avec le but de se montrer comme des sujets sexuellement dominants et avec un refus ouvert de l'homosexualité. Les insultes proférés au moyen de l'expression « PD » permettent de contrôler la sexualité des garçons et les modes de masculinité qu'ils peuvent adopter à l'école. En outre, qualifier l'autre d'« homo » permet de consolider sa propre position. A partir de cette perspective, il est nécessaire de mettre l'accent sur l'importance que les garçons accordent à l'importance de maintenir leur réputation d'hétérosexuelle et la peur qu'ils manifestent d'être vus comme des homosexuels par le groupe de pairs.
Dans la construction de la masculinité, la composante générique de la compétition, associée à la force, et parfois y compris la violence, est un des faits centraux par lesquels les garçons réaffirment leur masculinité et rendent latents leur mépris vis-à-vis de ces personnes qui se trouvent en positions inférieures, comme dans le cas des homosexuels et des femmes. La compétition est une valeur masculine, une démonstration d'honneur et de courage qui se présente à travers la lutte et dans lequel se jouent des rôles importants, le fort et le faible, le gagnant et le perdant.
Les moyens de communication montrent une version stéréotypée de la représentation hégémonique, où la figure qui domine est celle de l'homme à succès, compétitif et violent, qui accentue et amplifie l'apprentissage social et scolaire des valeurs dominantes.
Selon l'analyse de Lomas, nous pouvons constater comment l'archétype traditionnel de la masculinité hégémonique continue d'inspirer la conduite des enfants et des adolescents qui voient dans l'usage compétitif du pouvoir et dans le mépris et le refus du cadre scolaire une manière d'affirmer leur identité masculine face à l'ordre féminin de l'école.
« Bien jouer au football, exceller en force et en habilité dans les jeux de caractère compétitifs, « avoir du succès » avec les filles, bien que cela ne suppose pas d'apprécier leur amitié ou de prendre en compte leurs idées et sentiments, faire les quatre cents coups en évitant les punitions et utiliser des paroles et des expressions vulgaires et obscènes, constituent dans ce contexte certaines des actions quotidiennes des garçons dans les écoles et les institutions, qui contribuent à transformer la culture masculine de la cours de récréation et de la salle de classe en une certaine éthique (et une épopée) masculine de la transgression et de la résistance face à l'ordre scolaire féminin.
L'école constitue ainsi un espace symbolique habité par des leaders dont les conduites sont un reflet des conduites et des valeurs associées au modèle dominant de la masculinité hégémonique traditionnelle.
Malgré quelques changements et l'émergence d'identités masculines alternatives à la masculinité hégémonique, l'archétype traditionnel de la virilité continue à être le référent dominant de l'apprentissage social de la masculinité de la majorité ds garçons dans les écoles, et cela est à l'origine de la majorité des épisodes de violence scolaire qui ont lieu dans nos écoles et institutions.
3. Caractérisation de la masculinité hégémonique à l'école
Naturellement, cette masculinité hégémonique a besoin d'être maintenue et d'être défendue constamment. Pour cela, on qualifie les « autres masculinités » comme des « déviances » de l'idéal hégémonique, qui participe d'elles peut encourir de hauts coûts émotionnels et sociaux, se voyant qualifié de « marginal ».
Sur cette configuration de la masculinité dans l'école influe de multiples variables. L'ethnie, la classe sociale, le contexte culturel, la culture de la famille, la culture scolaire, l'âge et l'orientation sexuelle agissent comme des facteurs qui font de cette construction un processus non linéaire et avec de nombreuses extensions et effets collatéraux.
Il faut également prendre en compte la situation contextuelle car toutes les écoles n'opèrent pas avec les mêmes paramètres, en effet chaque école dispose de son propre régime de genre qui est formé par des attentes, des règles, des routines et un ordre hiérarchique. Tout cela créé différents répertoires d'action avec des profonds effets dans le processus de construction de la masculinité. Comme l'explique Swain, l'ensemble des ressources et habilités d'interaction qui sont nécessaire pour parvenir à un statut dominant dans la hiérarchie masculine de l'école, ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qui le facilite dans une autre.
En même temps, les recherches également signale l'importance du groupe de pairs. La configuration de l'identité masculine est une « entreprise collective » unie à l'acquisition d'un statut au sein du groupe de pairs où sont en jeu des pratiques sociales et discursives qui servent à valider et amplifier la masculinité hégémonique.
En outre, nous devons prendre en compte que les référents dans les postes de pouvoir et de responsabilité qu'ont les garçons et les filles dans les écoles, spécialement dans les équipes de direction, tendent à reproduire les stéréotypes de genre, où les postes de commandement bas et intermédiaires sont occupés par les femmes tandis que les plus hauts restent réservés aux hommes. En outre, il existe des cas de femmes à des postes de direction qui adoptent des styles masculins de commandement, avec une négation ou répression de leur côté féminin, en se conduisant et en conduisant l'organisation selon un modèle traditionnel patriarcal. Cela aide à la consolidation de ce modèle de masculinité traditionnelle hégémonique chez l'élève, dont les référents et modèles d'identification dans l'espace scolaire reproduisent les modèles stéréotypés de pouvoir traditionnels.
Si actuellement, on continue de considérer un « bon élève » comme celui qui se rapproche de la caractérisation masculine propre à la société patriarcale (mérites, décision, compétence), le modèle traditionnel de l'enseignant conduit également à la reproduction des rôles de genre traditionnels. Comme le montre Ullah et Ali, les éducateurs génèrent des identités de genre/sexuelles et des hiérarchies telle qu'elles renforcent la « masculinité hégémonique », et ces relations de pouvoir/connaissance de genre finissent par se transformer en connaissances scolaires. En outre, de nombreuses recherches alertent que tant les professionnels de l'éducation en activité que les futurs professionnels de l'éducation continuent de recevoir une vision androcentrique comme neutre et bénéfique pour les deux genres, et continuent d'être formés dans un usage sexiste du langage qui maintient l'invisibilité, l'exclusion, la subordination et la dévalorisation des femmes.
Loin d'être en déclin, il semble que l'archétype traditionnel de la masculinité se voit aujourd'hui renforcé par un contexte scolaire qui continue de sous-valoriser la culture et le savoir des femmes dans ses contenus scolaires, dans l'usage du langage et dans ses styles de relation et de coexistence, qui valorise des sports et des jeux de compétition physique dans lesquels on justifie des stratégies peu solidaires et coopératives, qui servent à mettre en échec l’ennemi et à vaincre, en accord avec un ordre symbolique en grand mesure équivalent avec l'ordre symbolique des guerres et de la soumission de ceux qui perdent au combat. On construit ainsi un archétype viril qui se traduit par un mâle jeune, téméraire, dur, courageux, fort et ferme, qui réprime l'empathie et les réactions trop affectives vis-à-vis des autres personnes, montrant une tolérance inhabituelle contre les autres formes de masculinité. Comme le dit Lozoya, il se peut que la virilité a perdu son caractère monolithique, mais a gagné en profondeur.
4. Déconstruire les masculinité hégémonique dans le cadre scolaire
Ainsi, un des nouveaux défis de l'éducation à l'égalité se situe non seulement dans le dépassement des archétypes féminins imposés, mais également dans le fait d'ajouter le dépassement des archétypes et des stéréotypes masculins et dans le désir qu'ils génèrent, car ils paraissent continuer d'exercer dans notre société une attraction dangereuse.
Cela est quelque chose qui devrait être abordé par le système éducatif, car il reste associé, à des effets positifs dans le parcours scolaire de l'élève garçon qui non seulement supposerait de changer les critères qui conduisent à l'échec ou à la médiocrité scolaire – car être un élève appliqué n'est pas considéré comme masculin et génère de l'impopularité entre élèves comme nous l'avons vu – mais cela conduirait à éviter d'importantes conséquences sociales négatives, parmi lesquels se détache le sexisme, la perpétuation de l'homophobie et la violence de genre.
Cet archétype traditionnel de la masculinité, marqué par une manière unidimentionnelle d'être « des vrais hommes »- soutenu par l'exercice de la force et du pouvoir, par l'occultation des sentiments, par l'ostentation hétérosexuelle, par l'obsession de la taille du pénis et par la conquête sexuelle, par la réussite, et par la misogynie et l'homophobie – suppose un risque et préjudice pour le développement intégral des élèves dans les écoles. Les autres masculinités alternatives, hétérogènes et divergentes, émergent dans les actuelles sociétés multiculturelles et complexes. Pour cela, il est urgent que les professeurs se forment pour travailler à partir d'une éducation qui leurs permettent de se construire comme des hommes et des femmes dans une société dans laquelle l'égalité est déjà un droit.
Diaz-Aguado et Martin comprennent que cela doit supposer un processus d'apprentissage de la culture liée à la masculinité traditionnelle hégémonique, avançant dans une éthique du soin partagé, de l'éducation émotionnelle et contre la violence de genre, dans un processus dans lequel tous et toutes nous gagnons.
L'éthique du care partagé passe par le fait d'organiser, à partir de l'action éducative, comment on doit collaborer pour faire voir que le manque de corresponsabilité des hommes dans les tâches domestiques et dans le soin des filles et des garçons n'est pas seulement un vol du temps personnel de sa compagne, mais également une forme d'abus et de perversion de la relation avec les autres et dans le manière de vivre avec l'autre, une injustice qui non seulement rend difficile la vie quotidienne, mais qui se transforme en stratégie pour freiner l'égalité des opportunités.
Pour cela, l'objectif éducatif doit être d'éduquer notre élève pour comprendre que tous les membres de la famille ont des droits et des obligations, que la coexistence doit se construire depuis un équilibre dans les responsabilités domestiques et dans la distribution du temps, et qu'avoir des compétences relatives aux tâches domestiques permet de se réaliser et ne pas dépendre et d'abuser de personne. Pour cela, il est nécessaire introduire des apprentissages et des contenus dans le curriculum scolaire, et non pas comme matière de second ordre, mais comme un contenu important et pertinent qui soit fonctionnel et significatif dans le processus éducatif.
Le modèle de masculinité que nous devons enseigner à l'école, et dont nous devons donner l'exemple à partir de la communauté éducative, c'est celle de l'homme qui a besoin d'augmenter ses connaissances, ses compétences pour se constituer comme une personne autonome, qui peut partager sa vie avec une femme libre et non avec une épouse qui lui sert de mère de substitution, qui peut se charger de l'intendance domestique et du soin des personnes et qui défend un modèle plus juste d'unité de coexistence qui n'est pas celui d'aide, mais de la corresponsabilité domestique.
Mais cela n'est pas suffisant pour que l'école ne soit pas sexiste, car cela exige de contrer des influences qui proviennent du reste de la société, en déconstruisant l'histoire sur le plan cognitif et en l'analysant depuis la perspective des différences de genre, dépassant l'invisibilité des femmes dans les contenus que l'on étudie, ainsi qu'en apprenant à détecter et à corriger les stéréotypes et les distorsions sexistes. Il est nécessaire d'introduire dans le curriculum l'apprentissage des tâches qui d'habitude sont associées aux femmes, l'appréciation des savoirs et des styles traditionnellement attribuées aux femmes, et les modèles d'hommes qui s'éloignent des figures héroïques, limités à des contextes belliqueux, il s'agit de s’intéresser aux personnes de la vie de tous les jours et aux formes quotidiennes de vie domestique et de soins, en analysant la répartition des rôles et du pouvoir dans chacune d'entre elles.
Éduquer les élèves dans l'éthique du care implique également le soin dans l'usage du langage et du dialogue, dans l'expression des sentiments et des affects dans le contexte d'autres manières d'aimer, dans la critique et le refus explicite des attitudes de dévalorisation des filles et dans l'opposition à tout type de violence symbolique, psychologique et physique contre les personnes.
Il est urgent pour elle de mettre en marche des actions éducatives spécifiques avec les garçons, qui aident à déconstruire les idées et les conduites associées à la masculinité hégémonique, et simultanément, contribuent à montrer d'autres manières d'être des hommes qui s'éloignent de l'archétype traditionnel de la virilité.
Le curriculum scolaire non seulement enseigne des connaissances, mais également transmet des attitudes et des valeurs. Dans ce contexte, l'éducation l'inéluctable tâche d'élaborer une culture de l'équité et du respect qui travaille également avec les garçons et les professeurs hommes.
Pour cela, il est essentiel de construire un scénario scolaire quotidien dans lequel il soit possible, à travers une adéquate éducation sentimentale des élèves que les uns et les autres construisent leurs différentes identités sexuelles et culturelles, sans exclusions et sans privilèges, sans harcèlement et sans violences parce que les garçons également pleurent.
Il est nécessaire d'appliquer à la conception et au déroulement du curriculum des propositions d'éducation émotionnelle qui enseignent aux garçons à ne pas cacher leur émotivité et à canaliser l'expression de leurs sentiments, sans que cela suppose la perte de contrôle et de pouvoir. En même temps, on a besoin de la déconstruction sur le plan émotionnel de l'association des supposées « valeurs féminines » à la faiblesse et à la soumission, et des « valeurs masculines » à la force, au contrôle total, la dureté émotionnelle ou l'utilisation de la violence.
Dans sa reproduction ou son dépassement, les valeurs observées par les personnes que les adolescents utilisent comme modèles de référence pour construire leur identité ont une influence spéciale pour construire leur identité, c'est pour cela que le rôle du professeur et des personnes significatives de la communauté éducative est aussi important. De là, nous devons promouvoir un changement radical d'attitude et de perception face à la violence : que les comportements violents se perçoivent comme une aberration occasionnelle et la corresponsabilité dans le soin devienne habituel.
En outre, cela implique de déconstruire le composant comportemental du sexisme associé à la tendance à exercer la discrimination et la violence. Pour le prévenir, il est nécessaire d'apprendre à construire l'égalité depuis la pratique en fournissant des expériences suffisantes d'interaction entre les élèves à partir d'un statut d'égalité, au sein de ceux qui coopèrent entre eux pour parvenir à des objectifs partagés et apprennent à dépasser de manière positive et éducative les conflits qui surgissent dans ce processus. C'est-à-dire développer la co-éducation à travers l'apprentissage coopératif et inclure dans les plans d'amélioration la coexistence de programmes intégraux de prévention de tout type de violence, ce qui inclut la violence de genre.
Arconada propose un décalogue éducatif scolaire face à la violence de genre qui passe par : 1) percevoir la violence de genre comme un problème social et non individuel, 2) par comprendre que la base de la violence est l'inégalité et la dévalorisation des femmes, 3) par l'affirmation que l'égalité est un droit et non une revendication, 4) par la reconnaissance du droit a une expérience scolaire sans violence et 5) qu'une politique de tolérance zéro face aux actes de violence sexiste dans le milieu scolaire fait parti des droits humains, 6) par le développement d'un projet éducatif qui favorise l'estime de soi féminine et 7) la capacité à construire des couples égaux à partir de la responsabilité sur un projet existentiel, 8) de propager de nouveaux modèles masculins, non basés sur les privilèges contre les femmes, 9) de repenser les modèles d'attirance et de relation amoureuse, et 10) de favoriser l'implication masculine contre la violence de genre.
Évidement, nous ne pouvons oublier que ce modèle de masculinité non dominante implique de perdre du pouvoir et des privilèges pour les hommes, ce qui est inévitable si nous voulons construire une société d'égalité comme meilleure garantie face à une quelconque idée de violence de genre, face à laquelle les élèves (et professeurs) à doivent se positionner de manière explicite. Pour cela, le décalogue proposé se termine en affirmant :
« Nous voulons que notre élève croisse en connaissant les solutions contre la violence de genre, aussi bien ce qui est relatif aux appuis sociaux pour les femmes victimes de mauvais traitements, comme dans les peines établis contre les mâles maltraitants et spécifiquement dans la diffusion d'expériences de femmes qui refont leur vie après la maltraitance et sortent gagnante en dignité, sécurité et liberté. L'école est un espace spécifique et inévitable pour identifier les inégalités en raison du genre et pour se former à vivre dans l'égalité. Le droit individuel et citoyen de nos élèves à être capable de cela, ne peut pas être « refusé » par aucun type d'intégrisme familial ».
Néanmoins, ces nécessaires changements cognitifs, émotionnels et d'attitudes englobent également les professeurs, tant en formation initiale que dans la formation continue, et implique toute la communauté éducative et sociale. Tant que l'éducation pour l'égalité n'est pas un défi social et collectif, l'école se contentera d'un travail à peine plus que de témoignage, bien que néanmoins crucial.
Écrire commentaire