Traduire les mouvements sociaux pour construire des coalitions

 

 

Le sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos est à l'initiative d'une université populaire des mouvements sociaux qui a pour objectif de faire dialoguer scientifiques et activistes, de faire converger les mouvements sociaux.

 

L'université des mouvements sociaux

 

Depuis 2003, Boaventura de Sousa Santos est à l'initiative de l'Université populaire des mouvements sociaux. Il s'agit d'une initiative qui vise à faire dialoguer des universitaires engagés, des artistes et des militants. Elle a également pour objet de permettre à des militants œuvrant pour des luttes différentes et qui ne dialoguent pas nécessairement, voire qui peuvent être confrontés des tensions entre eux, de dialoguer.

 

Les sessions de l'Université populaire des mouvement sociaux ont pour objectif de dégager les points de divergence et de convergence entre les acteurs et actrices afin de pouvoir aboutir à des perspectives d'action commune.

 

Le document suivant présente la méthodologie de l'Université populaire des mouvements sociaux :

http://www.universidadepopular.org/site/media/Metodologia/Orientations_Methodologiques_UPMS_-_FR_-_30-04-15.pdf

 

Permettre une traduction entre mouvements sociaux

 

L’œuvre de De Sousa Santos met en valeur le dialogue interculturel. Il a théorisé la notion d' « herméneutique diatopique » qui consiste à faire entrer en dialogue deux traditions culturelles différentes. Il ne s'agit néanmoins de faire dialoguer les traditions progressistes au sein de cultures différentes. L'approche de De Sousa Santos se situe au-delà de l'opposition entre universalisme et relativisme. Il s'agit de défendre un pluriversalisme. Il s'agit d'admettre qu'il existe des idéaux émancipateurs communs aux différentes cultures tout en respectant la diversité des mises en œuvre.

 

Dans le cas des mouvements sociaux, ceux-ci peuvent connaître des tensions que leur mise en dialogue peut aider à résoudre :

 

« Il y a peu nous avons eu un atelier à Lima durant deux jours. Quelle en fut la thématique ? Ce fut un atelier partagé avec un mouvement indigène et un mouvement de femme. Pourquoi ? Parce que pour les mouvements indigènes, toutes les femmes féministes sont lesbiennes et cela est mal, et pour les femmes féministes, les indigènes sont les pires machistes du monde, bien pire que les blancs. Avec de tels préjugés comment les femmes et les indigènes peuvent-ils participer ensemble à une marche, à une protestation ou à une lutte ? Au bout de deux jours à Lima, nous avons pu en arriver par consensus à deux points, qui peuvent paraître évidents, mais qui empêchaient les femmes du groupe Flora Tristan, qui est une organisation féministe, de s'articuler avec le peuple indigène. Les indigènes ont appris que toutes les femmes féministes ne sont pas lesbiennes et qu'être lesbienne est simplement une orientation sexuelle comme une autre. Les féministes ont appris qu'il y avait une organisation indigène de femmes, de femmes indigènes, qui luttent pour l'égalité, la liberté et la libération, mais qui refusent de se déclarer féministes. » (in Pensiamentos et Poderes (2016) http://www.boaventuradesousasantos.pt/media/Pensamientos%20y%20Poderes%202016.pdf

 

Produire des revendications communes

 

L’herméneutique diatopique peut se traduire par une recherche d'invariants communs à plusieurs situations qui semblent contradictoires. Elle conduit alors à dépasser la sectorisation intersectionnelle, pour reconstruire par exemple une solidarité au niveau de la classe des femmes.

 

Ainsi, alors que les féministes blanches, en France, réclamaient le droit à l'avortement, les femmes à l'île de la Réunion étaient confrontées à des avortements et des stérilisations forcées (voir Françoise Verges, Le ventre des femmes, Paris, Albin-Michel, 2017). Pourtant, il est possible par delà la contradiction apparente de ces deux situations qu'elles posent une revendication de maîtrise de la maternité par les femmes.

 

De même, lorsque certaines féministes accusent certaines cultures – en particulier celles des pays du sud – d'être plus machistes que la « culture occidentale », il est possible de relever que ce ne sont pas les cultures qui sont porteuses du machisme, mais les rapports sociaux patriarcaux, qui sont transversaux à toutes les cultures. En effet, ils ne se situent pas au niveau des cultures, mais trouvent leur source dans des rapports d'exploitation économiques domestiques.

 

Sites Internet et références complémentaires :

 

Site de l'Université populaire des mouvements sociaux

http://www.universidadepopular.org/site/pages/pt/em-destaque.php?lang=PT

 

Site de Boaventura de Sousa Santos

http://www.boaventuradesousasantos.pt/pages/pt/homepage.php

 

Projet Alice : http://alice.ces.uc.pt/en/

 

 

Boaventura de Sousa Santos, « Épistémologies du Sud », Études rurales [En ligne], 187 | 2011, . URL : http://etudesrurales.revues.org/9351