Vocabulaire : Les oppression subtiles

 

 

Certaines formes d'oppression sont visibles comme la violence physique ou l'injure verbale. Mais il existe des formes d'oppression plus subtiles. Cela d'autant plus qu'elles ne sont pas toujours consciemment perçues comme telles par leur auteur.

 

-Oppression : La notion d'oppression désigne une forme de préjudice lié à des propos ou des comportements qui visent certaines catégories sociales de personnes socialement minorées (ex : femmes, personnes LGBT, classes populaires, personnes racisées ou ethnicisées, personnes en situation de handicap, les masculinités subalternes...)

 

Analyses conceptuelles:

 

- Les formes de micro-messages : Les micro-messages peuvent prendre plusieurs formes : verbal (ce qui est dit), para-verbal (comment c'est dit), non-verbal (langage corporel), omission (ce qui n'est pas dit ou pas fait), contextuel (à qui c'est dit ou fait), louange ou critique (feedback).

 

- Les micro-actions (Simon Lemoine): distingue la micro-action qui est neutre de la micro-violence qui impose une contrainte à un sujet. Les individus sont pris également dans dispositifs qui les orientent vers des micro-violences. 

 

Les micro-gestes (Jean Duvillard): Les micro-gestes professionnels, les enseignants par exemple, recouvrent: la posture gestuée, la voix, le regard, le placement et déplacement, l'usage du mot.  

 

- Les effets des oppressions subtiles :

 

L'intériorisation: La personne qui les subie intériorise les stéréotypes négatifs. On parle alors de menace du stéréotype. Cela conduit à une baisse de l'estime personnelle et à une image négatif de soi. Cela a des effets sur les performances de l'individu : effet Pygmalion négatif ou prophétie auto-réalisatrice.

 

Les micro-inégalités : Les micro-discriminations provoquent des micro-inégalités. Cette accumulation de micro-inégalités peuvent contribuer à construire des inégalités socialement visibles.

 

- Les différentes tactiques :

 

- La stéréotypisation : Elle consiste à s'adresser à une personne en la renvoyant à une identité stéréotypée, en particulier négative (ex : « tu es une femme, c'est normal que tu n'arrives pas à…). Il existe certaines formes spécifiques telles que l'ethnicisation ou l'exotisation qui sont en lien avec l'origine culturelle ou le phénotype de la personne.

 

- L'invisibilisation : elle consiste par exemple à ne pas représenter un groupe socialement discriminé dans les médias ou à le sous-représenter (ex: les personnes en situation de handicap dans les fictions, certains groupes migratoires...).

 

- La sur-représentation : le groupe se trouve représenté, voire omniprésent, dans le discours, mais d'une manière stéréotypée négativement. (ex: certaines catégories migratoires quand il s'agit de parler de la délinquance). 

 

- Les techniques conversationnelles : Plusieurs études se sont intéressés aux différences conversationnelles entre homme et femme. On peut souligner par exemple : la longueur de la prise de parole, couper la parole, imposer le silence aux femmes, le choix des sujets de conversation.

 

Corinne Monnet, « La répartition des tâches entre les hommes et les femmes dans le travail de la conversation », NQF, 1998. URL : http://1libertaire.free.fr/CMonnetConversation.html

 

- L'invalidation : Elle consiste systématiquement à dénier les arguments ou les ressentis de la personne appartenant à un groupe socialement minorée.

 

- Le tone policing : Cela consiste à reprocher à une personne socialement minorée de s'énerver lorsqu'elle dénonce les micro-agressions qu'elle subie.

 

- La discrimination passive : Consiste à traiter deux personnes de manière égale alors que celles-ci sont dans des situations inégales en termes de ressources. Cela conduit à maintenir ou renforcer le désavantage entre elles.

 

- Le double standard: Il consiste dans la tendance à évaluer différemment deux individus en fonction des préjugés qui s'attachent à leur groupe sociaux relativement à une même situation (par exemple, des hommes et des femmes).  

 

- Le micro-avantage (ou discrimination active) : Cela consiste a donner un avantage (par une parole – éloge – ou par un acte) à une personne socialement avantagée et donc contribuer à accroître les situations d'inégalités. Certaines discriminations actives peuvent s'avérer en réalité contre-productives, pour des groupes socialement minorés, comme les sur-notés ou leur donner des travaux plus faciles qu'aux autres au lieu d'essayer de les aider à améliorer leur niveau. 

 

Il en existe d'autres formes encore comme : les micro-violences, les micro-insultes, les micro-agressions, les micro-attaques...

 

Les micro-pratiques de résistance: 

 

Elles ont été décrit par des auteurs tels que par exemple: Goffman (dans Asiles), De Certeau (dans L'invention du quotidien) ou encore Scott (dans La domination ou les arts de la résistance)...

Ces pratiques passent souvent par des tactiques de dissimulation et des micro-transgressions. 

 

Références: Voir en particulier le travail de la chercheuse Mary Rowe sur les micro-inégalités (qui intègre entre autres celui de Cherter Pierce sur les micro-agressions): 

https://ombud.mit.edu/sites/default/files/documents/micro-affirm-ineq.pdf

 

Sur la micro-violence: Simon Lemoine. Entretien: 

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-vagues/la-violence-15-la-micro-violence-ordinaire

 

NB :Les techniques de manipulation ( propagande, manipulation des consommateurs...) relèvent plutôt des pratiques aliénation quand elles ne s'adressent pas à une catégorie sociale précise de personnes. Voir par exemple : Joule et Beauvois, Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, PUG, 2014.