Intersectionnalité et trajectoires scolaires

 

 

L’étude des trajectoires scolaires constitue une illustration du concept d’intersectionnalité. En effet, cette notion met en lumière que les oppressions ne se cumulent pas nécessairement.

 

Le poids de l’origine socio-économique est en France extrêmement marqué dans la trajectoire des élèves comme l’ont montré entre autre les différentes études PISA :

 

"Dans tous les pays et économies participant à l’enquête PISA 2015, les élèves de 15 ans les plus défavorisés (quartile inférieur de l’indice du milieu socio-économique) sont moins susceptibles de réussir à l’école que leurs camarades plus favorisés (quartile supérieur de l’indice du milieu socioéconomique). La différence de résultats entre ces deux groupes d’élèves est particulièrement marquée en France, où la relation entre performance et milieu socio-économique des élèves est l’une des plus fortes parmi les pays et économies participant à l’enquête PISA 2015. En d’autres termes, plus on vient d’un milieu défavorisé en France, moins on a de chances de réussir à l’évaluation PISA 2015 (voir le tableau I.6.3a)." (OCDE 2015)

 

C’est la variable sociale la plus prépondérante d’explication des inégalités sociales de trajectoires en France comme dans d’autres pays:

 

« Le milieu socio-économique des élèves est une variable plus étroitement liée à la performance que leur statut au regard de l’immigration, et c’est au sein même des pays que cette corrélation s’observe le plus nettement. Les établissements présentant une plus forte concentration d’élèves immigrés se situent souvent dans des quartiers pauvres. Aux États-Unis, les élèves issus de l’immigration représentent ainsi 21 % de la totalité des effectifs d’élèves, mais 40 % des effectifs scolarisés dans des établissements défavorisés » (OCDE, 2015).

 

Néanmoins, cela ne veut pas dire que d’autres variables sociales comme le sexe ou l’origine migratoire n’ont pas un poids dans la trajectoire scolaire.

 

Le poids de l’origine migratoire, à milieu social comparable, apparaît nettement plus clairement lorsqu’on le combine avec le sexe des élèves. Les élèves d’origine immigrés sont plus souvent issus de familles de milieux populaires. Néanmoins, lorsqu’on neutralise la classe sociale en comparant uniquement les élèves de milieux populaires et qu’on croise avec les variables de sexe et d’origine migratoire, on observe des trajectoires scolaires plus courtes chez les élèves garçons d’origine immigrés de classes populaires:

 

“Il apparaît donc dans ces résultats non pas un biais ethnique, mais deux forts biais ethno-genrés dont les effets se compensent statistiquement, l’un à l’avantage des filles d’origine maghrébine, l’autre au détriment des garçons de même origine. Les données recueillies dans l’enquête « Trajectoires et Origines » apportent des précisions supplémentaires, en enrichissant les catégories d’origine prises en compte : le biais ethno-genré au désavantage des garçons d’origine maghrébine est confirmé et il se retrouve chez les garçons d’origine subsaharienne ; alors que le biais ethno-genré à l’avantage des filles d’origine maghrébine est confirmé seulement chez les filles issues des flux migratoires marocain, tunisien, ainsi que pour le flux subsaharien. Il ne se manifeste pas pour les filles d’origine algérienne, dont les parcours sont certes meilleurs que ceux de leurs pairs garçons, mais d’une façon pas plus marquée que pour la moyenne des filles par rapport aux garçons (INED, 2010, p. 44)” (Françoise Lorcerie, « École et ethnicité en France : pour une approche systémique contextualisée », SociologieS ).

 

Ce biais ethno-genré se retrouve également dans l’immigration d’origine portugaise en France:

 

“ Les descendants d’immigrés natifs de Turquie et du Portugal sont nombreux (plus de 38 %) à avoir acquis un diplôme professionnel court (CAP-BEP), contre un quart de la population majoritaire (et respectivement 31 % et 27 % des descendants d’originaires d’Afrique sahélienne ou d’Algérie). [...] Ces diplômes professionnels restent également prisés par les filles d’immigrés venus du Portugal (par ailleurs plus souvent diplômées du supérieur que les garçons du même groupe).” (Etude Trajectoire et Origine, 2010, p.49)