Socio-ethique professionnelle des enseignants

 

 

Introduction :

 

Le domaine de l’éthique peut être définit par distinction avec celui juridique de la loi en s’appuyant sur ce qu’écrit Aristote sur l’équité comme vertu du juge à partir du Livre V de l’éthique à Nicomaque. En effet, la loi générale est trop large pour s’appliquer aux cas particuliers : d’où la nécessité d’une jurisprudence construite par les juges. Ainsi, dans le domaine professionnel, on peut distinguer la déontologie et l’éthique. La déontologie s’appuie sur un code ou une charte qui définit des règles claires auxquels doivent se soumettre les praticiens. L’éthique au contraire s’applique à des situations où il n’y a pas de règles claires, ou qu’elles semblent entrer en conflit entre elles, et où le praticien doit délibérer et choisir par lui-même une manière d’agir. Sur ce plan, une des méthodes pour parvenir à déterminer les valeurs morales auxquelles adhérent un individu et qui peuvent orienter ses choix de valeur peuvent être déterminés par la « clarification des valeurs ».

(Sur la méthode de clarification des valeurs appliquées à l’enseignement, il est possible de se référer à : Eduscol, « La méthode de la clarification des valeurs ». URL :

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/24/2/Ress_emc_clarification_464242.pdf) .

 

Le référentiel de compétence des enseignants inclut une compétence éthique et donc une formation des enseignants à l’éthique : « 6. Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques ».

 

La socio-éthique professionnelle constitue une approche particulière au sein de l’éthique professionnelle. Elle consiste à considérer que les décisions éthiques pour les enseignants ne peuvent s’effectuer sans prendre en compte une analyse de la réalité sociologique qui constitue le contexte d’exercice du métier. Le référentiel de compétence des enseignants comprend des éléments qui font directement référence à une telle socio-éthique : « P 3. Construire, mettre en œuvre et animer des situations d'enseignement et d'apprentissage prenant en compte la diversité des élèves (…) Prendre en compte les préalables et les représentations sociales (genre, origine ethnique, socio-économique et culturelle) pour traiter les difficultés éventuelles dans l'accès aux connaissances ».

 

Ainsi la socio-ethique professionnelle articule trois pôles : un cadre juridique, un contexte sociologique et une réflexion philosophique de type éthique.

 

Plan du texte :

- 1) Le cadre juridique de la socio-ethique professionnelle des enseignants

- 2) Le contexte sociologique de la socio-ethique professionnelle des enseignants

- 3) Cadre philosophico-pédagogique de la socio-ethique professionnelle des enseignants

- 4) Socio-ethique dans l’enseignement de l’EMC et des questions socialement vives

- 5) Socio-ethique dans les pratiques pédagogiques des enseignants

 

1. Le cadre juridique de la socio-ethique professionnelle des enseignants

 

1.1. Les droits humains : le bloc de constitutionnalité et la loi

 

1.1.1. Les déclaration des droits de l’homme et du citoyen : les droits civils

 

L’article premier rappelle : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ».

 

1.1.2. Le préambule de 1946 : les droits sociaux

 

L’article 13 dispose que : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat ».

 

1.1.3. La loi de 2008 contre les discriminations :

 

La loi dispose que : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe (...) de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur (...) de son handicap (...) de son orientation sexuelle, de son identité de genre (...) de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ».

 

Il existe plus de 20 critères de discrimination nous avons laissé dans la citation ceux qui étaient les plus pertinents dans le contexte scolaire.

 

1.2. Les textes de l’éducation nationale

 

1.2.1. Les dispositions du code de l’éducation

 

L’article L 111-1 : « L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation (...) contribue à l'égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfant partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements

d'enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l'école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale ».

 

L’article L121-1 précise : «  Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur sont chargés (...) favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d'orientation. Ils concourent à l'éducation à la responsabilité civique (...) Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu'à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. (…) Les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d'information sur les violences et une éducation à la sexualité ainsi qu'une obligation de sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles et à la formation au respect du non-consentement ».

 

1.2.2. Le référentiel de compétence des enseignants

 

Le premier item du référentiel est le suivant : «  1. Faire partager les valeurs de la République - Savoir transmettre et faire partager les principes de la vie démocratique ainsi que les valeurs de la République : la liberté, l'égalité, la fraternité ; la laïcité ; le refus de toutes les discriminations ».

 

Concernant la lutte contre les discriminations, le référentiel ajoute : « - Se mobiliser et mobiliser les élèves contre les stéréotypes et les discriminations de tout ordre, promouvoir l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes. (…) identifier toute forme d'exclusion ou de discrimination, ainsi que tout signe pouvant traduire des situations de grande difficulté sociale ou de maltraitance ».

 

1.2.3. Les programmes d’enseignement moral et civique (nouveau programme de 2018)

 

Les finalités de l’EMC : «Les quatre valeurs et principes majeurs de la République française sont la liberté, l'égalité, la fraternité et la laïcité. S’en déduisent la solidarité, l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le refus de toutes les formes de discriminations. L’enseignement moral et civique porte sur ces principes et valeurs, qui sont nécessaires à la vie commune dans une société démocratique et constituent un bien commun s’actualisant au fil des débats dont se nourrit la République ».

 

A cela, les programmes ajoutent : «   La culture civique portée par l’enseignement moral et civique articule quatre domaines : la sensibilité, la règle et le droit, le jugement, l’engagement »

 

1.2.3. Les missions des écoles supérieures du professorat et de l’éducation 

 

L’article L721-2 dispose que : «  Elles organisent des formations de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations, à la scolarisation des élèves en situation de handicap ainsi que des formations à la prévention et à la résolution non violente des conflits ».

 

Remarque conclusive sur le cadre juridique :

 

Il est possible de noter deux objectifs socio-ethiques du service public de l’éducation :

- L’égalité des chances et la lutte contre les inégalités sociales  (Code de l’éducation)

- La lutte contre les discriminations (Code de l’éducation et Référentiel de compétence des enseignants)

 

2. Le contexte sociologique de la socio-ethique professionnelle des enseignants

 

2.1. Les discriminations et inégalités sociales systémiques

 

Les discriminations contribuent à la construction des inégalités sociales. On peut ainsi parler de discriminations sociales et d’inégalités sociales systémiques lorsque celles-ci se retrouvent dans plusieurs champs de la société : école, emploi, espace public, espace domestique, champ politique…

 

Certains groupes dans la société sont plus sujets à des discriminations sociales et des inégalités sociales systémiques : les femmes, les minorités de genre et sexuelles, les minorités ethno-raciales, les classes populaires, les personnes en situation de handicap.

 

Les discriminations multiples (ou intersectionnalité) : cette notion est utilisée par le droit européen pour s’intéresser au cas spécifique des personnes qui subissent plusieurs discriminations et qui n’est pas toujours un cumul, mais souvent une situation spécifique. (Isabelle Daugareilh, « Les discriminations multiples », Hommes & migrations, 1292 | 2011, 34-46).

 

Il est ainsi possible de remarquer que les élèves en situation de handicap sont sur-représentés dans les familles de milieu modeste : «Près de 6 enfants en situation de handicap sur 10 présentant des troubles intellectuels ou cognitifs vivent dans une famille de catégorie sociale défavorisé ». ( Rapport CNESCO- http://www.cnesco.fr/fr/dossier-handicap/constats/ )

 

2.2. Les discriminations et les inégalités sociales institutionnelles au sein de l’Education nationale

 

La discrimination institutionnelle : « « Souligne que les institutions intègrent, dans leur fonctionnement routinier une multitude de normes et de pratiques ayant des effets discriminatoires, en dépit de leur apparente neutralité » (Bereni, Laure, et Vincent-Arnaud Chappe. « La discrimination, de la qualification juridique à l'outil sociologique », Politix, vol. 94, no. 2, 2011, pp. 7-34).

La notion de discrimination institutionnelle est utilisée par les sociologues en France, mais n’est pas reconnue par la loi contrairement à certains pays comme la Province de l’Ontario au Canada.

 

Les enquêtes internationales, de type PISA, mais aussi les enquêtes nationales, montrent que la France est un pays caractérisé par une forte reproduction des inégalités sociales à l’école. Cela signifie que parmi l’ensemble des pays de l’OCDE, la France est l’un de ceux dont l’origine sociale des élèves est le plus corrélé à la trajectoire scolaire.

 

Les recherches nationales et internationales pointent en particulier comme facteur explicatif de la situation en France l’existence de fortes inégalités territoriales entre les écoles. (Voir l’étude du CNESCO d’Octobre 2018 : http://www.cnesco.fr/fr/inegalites-territoriales/ ). Ce qui a conduit à un avis du défenseur des droits pour discrimination territoriale concernant les écoles de la ville de Saint Denis pour non-remplacement des enseignants (Roux Felix, « Discrimination territoriale ? Les mobilisations de parents d’élèves en Seine-Saint-Denis » - https://www.metropolitiques.eu/Discrimination-territoriale-Les-mobilisations-de-parents-d-eleves-en-Seine.html )

 

Les filières d’orientation scolaire et du baccalauréat se caractérisent par une distribution marquée des élèves en fonction de leur origine sociale : le baccalauréat professionnel avec un sur-représentation d’enfants d’ouvrier et la filière S avec une sur-représentation des enfants de cadres supérieurs. (Voir : L’inégal accès au bac des catégories sociales - https://www.inegalites.fr/L-inegal-acces-au-bac-des-categories-sociales?id_theme=17 )

 

Le fonctionnement de l’institution scolaire et son organisation produisent également une discrimination institutionnelle dans l’orientation des filles et des garçons dans les filières d’orientation professionnelles qui sont peu mixtes (Voir par exemple : «Les filles stagnent dans les filières scientifiques de l’enseignement supérieur » - https://www.inegalites.fr/Les-filles-stagnent-dans-les-filieres-scientifiques-de-l-enseignement-superieur?id_theme=22)

 

Cette discrimination institutionnelle apparaît également dans l’orientation des élèves en fonction de leur origine migratoire : les garçons de certaines origines migratoires sont sur-représentés dans les filières professionnelles courtes (ex : Portugal, Maghreb, Afrique Sub-saharienne)

(Voir : Etude TeO - https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19558/dt168_teo.fr.pdf )

 

La France a été condamné plusieurs fois pour refus de scolarisation des enfants Roms par le défenseur des droits ou au niveau européen (https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/actus/actualites/le-defenseur-des-droits-condamne-fermement-la-discrimination-subie-par-des-enfants)

 

Le fonctionnement de l’institution scolaire a été également pointée concernant la scolarisation des enfants en situation de handicap en dépit de la loi de 2005 qui considère que le principe doit être la scolarisation des élèves en milieu ordinaire, ce qui a conduit là également à plusieurs condamnations par les tribunaux. ( Par exemple, en novembre 2017, l’État a été condamné pour non scolarisation et ne pas avoir fourni d’AVS à un enfant autiste - https://www.francetvinfo.fr/sante/enfant-ado/handicap-l-etat-condamne-pour-ne-pas-voir-fourni-d-auxiliaire-de-vie-scolaire_2498593.html )

 

2.3. Les micro-discriminations et la pratique pédagogique des enseignants

 

Définition de la micro-discrimination : « On peut qualifier [les] microdiscriminations de discriminations infralégales, dans le sens où elles relèvent de la définition des discriminations mais sont en deçà du seuil que le droit fixe pour interdire de telles pratiques. Or, d’une part, dans l’univers scolaire, la majorité des actes d’ordre discriminatoire relèvent de telles microdiscriminations infralégales. Par exemple, le fait de solliciter plus certains élèves que d’autres n’est pas punissable par la loi. Pourtant, nous savons que ce type de microdifférenciation contribue à produire d’importantes inégalités d’apprentissage ». (Réseau national de lutte contre les discriminations à l’école, « La discrimination à l’école : de quoi parle-t-on ? », Mars 2014).

 

Le référentiel de l’éducation prioritaire de 2014 met en avant un certain nombre de pratiques pédagogiques qui sont conseillées en éducation prioritaire pour éviter les micro-discriminations (Référentiel de l’éducation prioritaire de 2014 - https://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/accueil/Referentiel_de_l_education_prioritaire.pdf ).

 

Il s’agit en particulier pour les enseignants d’enseigner explicitement (Voir Annexe à la fin de l’article : Ressources pour enseigner explicitement) . Cette demande faite aux enseignants d’enseigner plus explicitement, et qui fait relativement consensus dans la recherche, se retrouve également dans le socle commun et dans les programmes.

 

Enseigner explicitement suppose que les comportements attendus doivent être énoncés explicitement et qu’ils doivent être renforcés positivement. Cela suppose également sur le plan cognitif, que l’enseignant doit être attentif à faire expliciter par les élèves les procédures pour réaliser la tâche et le sens de ce qui est fait à l’école. Il s’agit de développer chez tous les élèves une attitude de « secondarisation » (Bauthier) et des capacités à la méta-cognition qui caractérisent les élèves experts.

 

En effet, diverses catégories d’élèves peuvent être en situation de « discrimination passive » simplement parce que l’enseignant n’explicite pas les attentes. Cela peut être le cas pour les élèves dont le milieu social est culturellement éloigné de la culture scolaire qui est celle des classes sociales intellectuelles. Cela peut être le cas des élèves dont les parents, qui sont étrangers, ne maîtrisent pas les codes de l’institution scolaire française. Enfin, cela peut être le cas d’élèves en situation de handicap – comme les élèves autistes – qui ont du mal à comprendre les implicites dans le discours.

 

3. Cadre philosophico-pédagogique de la socio-ethique professionnelle des enseignants

 

Il est possible de considérer que le philosophe et pédagogue brésilien Paulo Freire constitue d’une certaine manière l’initiateur de la socio-ethique professionnelle des enseignants à travers en particulier son ouvrage Pédagogie de l’autonomie (Eres, (1997), 2013).

 

En effet, à travers sa réflexion philosophico-pédagogique, Paulo Freire essaie de clarifier la finalité de l’agir enseignant en relation avec le contexte social :

 

« L’éthique dont je parle est celle qui se sait confrontée aux manifestations discriminatoires en termes de race, de genre, de classe. C’est pour cette éthique inséparable de la pratique éducative – peu importe si nous travaillons avec des enfants, des jeunes ou des adultes – que nous devons lutter. » (Paulo Freire, Pédagogie de l’autonomie)

 

«  Je suis professeur pour soutenir constamment la lutte contre toute forme de discrimination, contre la domination économique des individus ou des classes sociales » (Paulo Freire, Pédagogie de l’autonomie).

 

Cette dimension socio-ethique de la mission de l’enseignant est aussi souligné François Galichet : « D’une part, le service public de l’éducation doit « contribuer à l’égalité des chances ». Or la question de l’égalité des chances pose immédiatement le problème de la contradiction entre l’égalité formelle qui a toujours été assurée par l’école publique ( tous les élèves reçoivent le même enseignement dans les mêmes conditions avec les mêmes moyens) et l’égalité réelle, qui suppose de compenser les inégalités antérieures et extérieures à l’école - notamment socio-culturelles - , donc de « favoriser les défavorisés », de préférer l’équité à l’égalité stricte » (. Galichet, François. "Éthique et déontologie de l’enseignement." Responsabilités professionnelles et déontologie. Les limites éthiques de l’efficacité (2002)).

 

4. Socio-ethique dans l’enseignement de l’EMC et des questions socialement vives

 

1. La lutte contre les stéréotypes, les préjugés et les discriminations

 

Le référentiel de compétence des enseignants considère que la lutte contre les stéréotypes sociaux et les discriminations constitue une compétence transversale des enseignants quelque soit la discipline enseignée ou la situation pédagogique. Il est en effet possible d’aborder les discriminations avec la littérature jeunesse ou avec l’affiche en arts plastiques, le développement durable avec des problèmes de mathématiques et durant les cours de sciences, l’égalité filles/garçons avec les activités d’EPS, l’histoire des inégalités et des discriminations en histoire…

 

Il est possible en effet de mettre en place une pédagogie de projet qui articule toutes les disciplines scolaires entre elles et où l’EMC soit le coeur dans la mesure où « L’enseignement moral et civique articule des valeurs, des savoirs (littéraires, scientifiques, historiques, juridiques, etc.) et des pratiques. » (Programme d’EMC 2018).

 

L’enseignement moral et civique constitue à cet égard un moment plus privilégié pour cela car une partie de ce programme est explicitement consacré à cette mission. Il est néanmoins possible de mettre en garde les enseignants contre une difficulté qui consiste à restreindre cette problématique à la lutte contre les inégalités filles/garçons. Cela s’explique entre autres par l’abondance des supports pédagogiques que l’on trouve pour aborder ce sujet. Dans une moindre mesure, on trouve également des supports qui abordent le racisme et le handicap. En revanche, il est possible de regretter le manque de supports pédagogiques qui abordent la question des inégalités sociales et de la pauvreté. Alors même que la pauvreté est une situation à laquelle est confronté 1 enfants sur 5 en France.

 

Paulo Freire appelle « conscientisation » cette activité éducative par laquelle l’enseignant met en œuvre une activité pédagogique qui vise à faire comprendre le fait que les discriminations ne sont pas des situations inter-individuelles, mais qu’elles doivent être comprises comme des réalités sociales systémiques : « « Dans le « contexte théorique », en prenant de la distance à l’égard du concret, nous cherchons la raison d’être des faits » (« Un entretien avec Paulo Freire », 1973). Pour Paulo Freire, le développement de la conscience critique est liée à cette prise de conscience du caractère systémique des discriminations sociales.

 

Ce développement de la conscience critique mise en avant par Paulo Freire rejoint le programme de l’EMC qui précise  que la culture civique suppose : « La culture du jugement est une culture du discernement. Sur le plan éthique, le jugement s’exerce à partir d’une compréhension des enjeux et des éventuels conflits de valeurs ; sur le plan intellectuel, il s’agit de développer l’esprit critique des élèves, et en particulier de leur apprendre à s’informer de manière éclairée ». (EMC 2018)

 

Pour cela, l’activité pédagogique qui est mise en avant, par Paulo Freire, pour favoriser le développement de la conscience critique est le dialogue. Ce que l’on retrouve également dans le programme d’EMC : « La discussion réglée et le débat argumenté ont une place de premier choix pour permettre aux élèves de comprendre, d’éprouver et de mettre en perspective les valeurs qui régissent notre société démocratique » (Programme d’EMC, 2018).

 

2. Le positionnement de l’enseignant : l’obligation de neutralité et le refus de toutes les discriminations

 

Il est nécessaire de noter que le statut général des fonctionnaires garanti à l’enseignant les droits suivants : « liberté d'opinion politique, syndicale, philosophique ou religieuse, droit de grève, droit syndical ».

 

Cela dit dans le cadre de ces missions professionnelles, il est tenu à la neutralité religieuse, politique, économique et philosophique. C’est l’obligation de neutralité.

 

Tout d’abord, il est nécessaire de remarquer que le référentiel des enseignants en France affirme que les enseignants doivent lutter contre les discriminations (item n°1 et n°6 du référentiel). Par conséquent les enseignants sont neutres, mais il ne le sont pas relativement à la lutte contre les discriminations. Si on analyse les rapports à ce sujet concernant l’Education nationale, il est possible de noter que sont ciblées en particulier les discriminations : en raison de la situation économique (pauvreté), du sexe, de l’orientation sexuelle et de l’apparence de genre, le racisme et l’antisémitisme, en raison de la situation de handicap.

 

Mais il est nécessaire d’aller encore plus loin dans la réflexion. Quelle peut-être l’attitude d’un enseignant face à des discours publics d’organisations militantes ou de personnalités politiques qui développent des propos à caractère discriminatoires ? Un rapport de 2016 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance enjoint la France à lutter contre la rhétorique raciste de certaines personnalités politiques. De manière générale, il faut noter que le droit européen concernant la non-discrimination refuse les discriminations comme celles liées au sexe ou à la « race » ou encore à l’orientation sexuelle. De ce fait, il apparaît que la lutte contre les discriminations se situe au-dessus de l’obligation de neutralité des fonctionnaires. Elle ne relève pas d’un choix partisan politique, mais de conventions internationales. Ainsi, on pourrait imaginer qu’un gouvernement national puisse changer le droit interne pour y faire admettre des discriminations. Mais il ne relève pas d’un seul gouvernement national de pouvoir modifier des conventions internationales.

 

3. La culture citoyenne implique une culture de l’engagement

 

Le programme d’EMC précise en effet : « La culture de l’engagement favorise l’action collective, la prise de responsabilités et l’initiative. Elle développe chez l’élève le sens de la responsabilité par rapport à lui-même et par rapport aux autres et à la nation ». (EMC, 2018)

 

Pour Paulo Freire, la conscientisation vise à développer la culture de l’engagement des élèves à l’encontre des discriminations et des injustices sociales.

 

Le développement chez les élèves de la culture de l’engagement peut passer par la participation à des projets de lutte contre les discriminations en lien avec des jeux concours par exemple (comme Zero Clichés organisé par le CLEMI) ou encore d’autres activités en lien avec des associations.

 

Mais cette culture de l’engagement interroge également le rapport de l’enseignant lui-même à l’engagement. Dans Souffrance en France, le psychologue du travail Christophe Déjours s’est interrogé sur la continuité qu’il pouvait exister entre la soumission dans les entreprises à une organisation du travail pathogène et l’obéissance lors des massacres de masse. On peut en effet douter que celui qui accepte de se soumettre à des ordres injustes dans le cadre professionnel, se mette à y désobéir dans des situations plus extrêmes que sont le crime de masse. Les attitudes qui conduisent dans des situations exceptionnelles au crime de masse seraient alors déjà présentes dans la vie quotidienne, avec néanmoins du fait des circonstances, des conséquences moindres.

 

L’institution scolaire s’est donnée pour objectif de prévenir, en particulier par l’étude de la Seconde guerre mondiale, ce type de conséquences. Pourtant, l’on peut s’interroger sur l’efficacité de ce devoir de mémoire qui renvoie les mécanismes de l’obéissance illégitime à des situations historiques exceptionnelles. En effet, on peut se demander si la question du refus de l’injustice n’a de place dans la vie de l’enseignant que par ce type d’exemple, s’il lui est réellement possible de transmettre un esprit critique capable de se réaliser dans une pratique chez un élève. En effet, si on admet que les mécanismes de la « banalité du mal » sont déjà à l’œuvre dans notre quotidien et que notre vie de tous les jours nous donne la possibilité de nous exercer à les combattre, pourquoi un enseignant apathique serait alors en capacité de susciter chez ces élèves une action au quotidien contre l’injustice.

 

D’une certaine manière, la notion d’ « esprit critique » contient bien en germe le problème dont il est ici question. Il suffirait de susciter un certain type d’ « esprit » pour produire une pratique. Mais rien n’est moins certain. L’enseignant qui accepte au quotidien, en tant que citoyen l’injustice, ne risque d’être guère à l’aise pour inciter les élèves à avoir une action que lui même n’effectue pas. De ce fait, on peut bien alors se demander quelle serait la valeur de cet esprit critique que posséderait un enseignant qui ne serait lui-même jamais capable de le traduire dans des actes de refus, de résistance ou de lutte concrets.

 

De fait, la « congruence » (Rogers) entre les paroles et l’action qui constitue une vertu de l’enseignant amène en ce qui concerne la culture de l’engagement à s’interroger sur l’engagement de l’enseignant tout d’abord dans sa vie professionnelle face à l’injustice.

 

Il est possible de rappeler que le droit à constituer un statut de lanceur d’alerte qui est définit de la manière suivante : « « lanceur d’alerte »et énonce les situations susceptibles d’être signalées : un lanceur d’alerte est « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance » (article 6 de la loi du 9 décembre 2016) ».

 

Le statut des fonctionnaires disposent en outre que : « Le fonctionnaire "doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public." ( Loi n°83.634 du 13 juillet 1983, article 28).

 

Au-delà de l’éthique professionnelle de l’enseignant, la notion de « culture de l’engagement » interroge l’enseignant sur son également citoyen et associatif – cette fois en tant que citoyen, en dehors de son activité professionnelle- dans la lutte contre les discriminations. Car comment pourrait-il aller encourager les élèves à s’engager dans leur vie comme citoyen si en tant que citoyen l’enseignant n’a pas lui-même également un engagement ?

 

De fait la culture de l’engagement amène se demander quelle est la place dans la vie professionnelle et citoyenne de l’enseignant de l’engagement civique.

 

5. Socio-ethique dans les pratiques pédagogiques des enseignants

 

La socio-ethique professionnelle s’intéresse aux questions d’éthique auxquels sont confrontés les enseignants dans la lutte contre les discriminations et les inégalités sociales dans leur pratique pédagogique. Pour déterminer ces inégalités de traitement qui conduisent à des micro-discrimination, la socio-ethique professionnelle s’appuie sur la sociologie des interactions scolaires : en fonction du sexe (Mosconi, Collet…), de la classe sociale (ESCOL), de l’origine migratoire (Dhume…). Les questions éthiques peuvent se poser dans le rapport aux élèves, aux parents ou encore aux collègues.

La socio-ethique s’appuie sur deux principes. Le premier consiste à analyser les situations professionnelles auxquelles sont confrontés les enseignants en les recontextualisant sociologiquement. Le deuxième principe est philosophique : il consiste à interroger philosophiquement des situations qui peuvent paraître ne pas poser des problèmes éthiques aux enseignants parce qu’ils ont pris l’habitude de les régler selon des principes qui relèvent de l’ethos professionnel dominant. Ce que l’on pourrait appeler les mœurs professionnelles enseignantes. C’est à dire que l’enseignant applique ce qu’il entend ou voit faire autour de lui, mais sans s’interroger sur la portée ethique de son comportement.

Pour développer une socio-ethique professionnelle, nous allons nous appuyer sur des « cas pratiques » et des « dilemmes professionnels » (Jeffrey, Denis. "Enseigner l’éthique aux futurs enseignants." Le développement de l’agir éthique chez les professionnels en éducation. Formation initiale et continue (2015): 25-43). Pour ces cas pratiques, nous appuierons sur des récits d’étudiant-e-s stagiaires ou des situations observées pendant des visites dans le premier degré (maternelle et primaire).

 

Schémas d’analyse des cas pratiques en socio-ethique :

- Description d’un cas pratique (situation-problème professionnel)

- Formulation du problème

- Analyse sociologique (références sociologiques)

- Réflexion ethique (cadre juridique, textes institutionnels, travaux philosophiques)

- Pistes pédagogiques (appuyées sur la recherche)

 

Analyse de quelques situations pouvant être analysées à partir d’une approche socio-ethique :

 

1. Le comportement genré en classe

 

La question du comportement des élèves en classe est bien souvent choisi par les étudiants stagiaires en formation est bien souvent choisie comme situation problème-professionnelle.

 

Cas pratique :

L’enseignant-e est sollicitée très souvent par plusieurs élèves qui perturbent le cours et donc qu’elle rappelle souvent à l’ordre. Ils prennent beaucoup la parole ou la sollicitent souvent pour lui demander de l’aide. Pourtant, ces élèves ne sont pas forcement les plus en difficulté scolaire dans la classe.

 

Problème : L’enseignante doit-elle accorder plus d’attention à ces élèves pour mieux gérer sa classe au détriment d’autres élèves qui sont peut-être plus en difficulté scolaire ?

 

Analyse sociologique :

 

Les enseignant-e-s confrontées à cette situation ne conscientise pas souvent en premier lieu qu’il s’agit souvent dans les situations-professionnelles où elles évoquent des élèves qui leurs posent des problèmes de comportement qu’il s’agit de garçons.

Pourtant la littérature sociologique met en lumière la place que prennent dans les interactions en classe, les élèves garçons. Les enseignant-e-s pouvant choisir bien souvent pour canaliser le comportement de ses élèves de leur donner plus souvent la parole.

(Collet, Isabelle. "Faire vite et surtout le faire savoir. Les interactions verbales en classe sous l’influence du genre." Revue internationale d'ethnographie 4 (2015): 6-22).

Des travaux sociologiques montrent en outre qu’il existe une corrélation forte entre l’attachement fort aux stéréotypes de sexe et la moindre réussite scolaire. L’attachement des élèves garçons aux comportement de la « masculinité hégémonique » (Connell) serait donc un facteur de moindre réussite scolaire. (Bouchard, Pierrette, Jean-Claude St-Amant, and Marie-Louise Lefebvre. "Garcons & filles: stereotypes & reussite scolaire." Canadian Journal of Education 24.1 (1999): 81.)

Enfin, les transgressions des élèves filles sont jugées plus sévèrement que celle des garçons. C’est le double standard. (Masclet Camille, « Normes scolaires et normes de genre : la construction des déviances féminines dans la discipline scolaire », dans revue ¿ Interrogations ?, N°8. Formes, figures et représentations des faits de déviance féminins, juin 2009)

 

Réflexion socio-ethique : L’approche socio-ethique vient questionner la tendance à accorder plus d’attention aux garçons dans la salle de classe tend du point de vue de l’égalité fille/garçon que de la réussite scolaire de tous les élèves. En effet, il ne s’agit pas seulement de la question des interactions différentiées entre filles et garçons car certains élèves incarnant une « masculinité subalterne » (Connell) font également l’objet de moins d’attention de la part de l’enseignant-e.

 

Pistes pédagogiques : En effet, le fait d’accorder plus d’attention aux élèves garçons perturbateurs est-elle la meilleure solution pour faire face à leur comportement ? Certains enseignant-e-s décident au contraire d’accorder moins d’attention à ces comportements en faisant comprendre que ce n’est pas par ce type de comportement que l’élève aura l’attention de l’enseignant, mais en renforçant au contraire des comportement positifs.

(Pour travailler l’égalité filles-garçons : Enseigner l’égalité filles/garçons, Dunod, 2018).

 

2. La différentiation pédagogique et les classes sociales

 

La question de la différentiation pédagogique revient également souvent comme l’un des problèmes professionnels mis en avant par les enseignant-e-s stagiaires.

 

Cas pratique :

L’enseignant-e a dans sa classe des élèves qui ont un niveau différent et également des différences de rythme. Certains finissent beaucoup plus vite que les autres. L’enseignant-e souhaite aider les élèves en difficulté, mais elle ne veut pas non plus délaisser les meilleurs élèves qui doivent progresser. C’est pourquoi l’enseignant-e met en place une différentiation pédagogique qui doit faire progresser tous les élèves.

 

Problème : Faut-il chercher à différentier en faisant davantage progresser les élèves en difficulté en leur accordant plus de temps ou différentier en visant une progression de tous les élèves ?

 

Analyse sociologique :

Les étudiant-e-s ont tendance à penser que la différentiation pédagogique est en soi la solution pédagogique à la lutte contre les inégalités scolaires et sociales. Pourtant, la différentiation pédagogique n’est pas en soi une garantie réduction des inégalités scolaires et sociales. C’est ce que montre la notion de « différentiation active » (Rochex).

La différentiation active peut avoir lieu entre les écoles du centre et les écoles de la périphérie. Les enseignants ont des attentes moins élevés en éducation prioritaire que dans les écoles de centre ville (Van Zanten, Agnès. L'école de la périphérie: scolarité et ségrégation en banlieue. Presses universitaires de France, 2012. )

La différentiation active peut également amplifier des inégalités scolaires au sein d’une même classe (Laparra, Marceline, and Claire Margolinas. "Quand les maîtres contribuent à leur insu à renforcer les difficultés des élèves." (2011): 111-130. )

Dans le cas des élèves en situation de handicap, les enseignants ont tendance à penser qu’ils sont à l’école avant tout pour se socialiser plutôt que pour apprendre (CNESCO, Rapport sur la situation de handicap - http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2015/12/rapport_handicap.pdf )

 

Réflexion socio-ethique : Cette situation fait surgir un dilemme professionnel concernant le principe d’équité entendu comme égalité géométrique, au sens d’Aristote, c’est-à-dire comme une proportionnalité.

- S’agit-il d’accorder à chaque élève selon son niveau la même attention et de leur proposer des exercices qui les fassent progresser de manière égale ? Mais dans ce cas, il n’y a pas de réduction des inégalités sociales par l’école. L’école maintient les inégalités sociales, sans les amplifier, mais elle reproduit les élites sociales.

- Ou s’agit-il d’accorder plus de temps aux élèves en difficultés, et donc moins d’attention aux élèves qui ont moins de difficultés ? Il s’agit du principe de différence (Rawls). Des inégalités sont justes si elles améliorent le sort de ceux qui sont dans la situation sociale la plus désavantagée.

- Ainsi F. Galichet distingue  parmi les enseignants entre autres: « - ceux qui dispensent un enseignement efficace mais inéquitable ( ils améliorent le niveau de tous, mais de certains beaucoup plus que d’autres) (...) - ceux enfin qui dispensent un enseignement efficace et équitable ( ils font monter nettement le niveau de tout le monde , et en outre restreignent les écarts) ».

 

Pistes pédagogiques : L’éthique ne permet pas de répondre de manière claire à cette question qui relève en partie de la liberté pédagogique de l’enseignant. La socio-ethique apporte une réponse plus claire à cette question dans la mesure où pour la socio-ethique la lutte contre les inégalités sociales constitue un principe fondamental de l’éthique enseignante. De ce fait, la socio-ethique de l’enseignant applique le principe de différence qui consiste à considérer qu’une différentiation pédagogique est juste seulement si elle améliore le sort des élèves les plus en difficultés.

( Pistes pour la différentiation pédagogique : CNESCO, Différentiation pédagogique- recommandations - https://www.cnesco.fr/fr/differenciation-pedagogique/recommandations/ )

 

3. La langue d’origine et l’explication des difficultés scolaires

 

Cas pratique :

Une élève a des difficultés scolaires. Sa famille, immigrés économiques, est allophone et cette élève parle une langue étrangère chez elle. L’enseignant-e analyse ses difficultés scolaires comme relevant du fait qu’elle ne parle pas français à la maison. En outre, l’enseignant-e essaie de tenir compte des particularités culturelles de l’élève pour analyser son comportement. Pour elle, la timidité de cette petite fille est liée à sa culture d’origine qui tend à faire en sorte que les filles soient plus réservées.

 

Problème : Faut-il chercher à expliquer les difficultés scolaires en lien avec les cultures d’origine afin d’essayer d’éviter les biais ethnocentrés ?

 

Analyse sociologique :

Il peut exister la croyance chez les enseignants que le bilinguisme ou le plurilinguisme a un impact dans la réussite scolaire des élèves : cependant rien ne prouve que le fait de parler une autre que langue que le Français dans le cadre familial serait un facteur de difficultés scolaires. (Kohl Magali, Beauquier-Maccotta Bérengère, Bourgeois Marie et al., « Bilinguisme et troubles du langage chez l’enfant : étude rétrospective », La Psychiatrie de l’enfant, 2008/2 (Vol. 51), p. 577-595.)

 

Réflexion socio-ethique :

- La psychologie culturelle et la pédagogie inter-culturelles ont mis en avant l’importance pour les enseignants de prendre en compte la diversité culturelle dans leurs analyses des comportements scolaires des élèves. Il s’agit pour l’enseignant de ne pas faire preuve d’ethno-centrisme.

- Mais, on peut craindre également que cette approche partant d’une volonté de bien faire contribue également à véhiculer des stéréotypes culturelles et des préjugés, ainsi qu’à essentialiser les élèves dans une identité culturelle supposée et stéréotypée.

- D’un point de vue socio-ethique, il est ainsi possible de se demander s’il n’est pas préférable de chercher la source des difficultés scolaires dans des explication cognitives et didactiques, plutôt que de chercher des explications culturalistes aux difficultés scolaire des élèves.

 

4. Enseignement physique et sportif et mixité filles/garçons

 

Cas pratique : En sport, les garçons ne veulent pas se mettre avec les filles dans l’équipe de foot car ils disent que sinon, ils vont perdre. Quand l’enseignante les mets dans la même équipe, les filles ne touchent pas la balle. L’enseignant-e décide de faire des équipes non-mixtes comme cela les filles pourront jouer sans être gênées par les garçons.

 

Problème : Faut-il privilégier la mixité au risque que cela soit au détriment de certains élèves ou faut-il mettre en place certaines activités en non-mixité pour faire participer tous les élèves ?

 

Analyse sociologique :

A l’école maternelle et primaire, il n’existe pas de différences avérées dans les performances physiques des filles et des garçons. Certaines études ont essayé de s’intéresser aux effets de la mixité et de la non-mixité en EPS. Une étude réalisée en Suisse en EPS montre que les garçons non-plus non pas le même rapport à la mixité et à la non-mixité des activités sportives selon leur niveau dans la pratique. Les élèves qui ont un niveau moyen ou faible tendent à préférer les activités en mixité. (Antoine Bréau & Vanessa Lentillon-Kaestner, « Les garçons face à la mixité et à la non mixité en EPS ». JRIEPS 40, janvier 2017).

 

Réflexion socio-ethique :

Le code de l’éducation souligne que la mixité filles/garçons constitue une des valeurs de l’école Républicaine. Néanmoins la loi de 2008 sur les discriminations rappelle que la mise en œuvre d’activités pédagogiques en non-mixité n’est pas interdite si cela est fait dans l’objectif de lutter contre les discriminations.

On peut néanmoins se demander si les activités en non-mixité constitue toujours la solution la plus adéquate dans la mesure où elles peuvent conduire à renforcer les stéréotypes de genre et la menace du stéréotype. Mais à l’inverse, une activité en mixité sans régulation peut s’avérer contraire aux objectifs d’égalités entre filles et garçons.

 

Pistes pédagogiques :

La non-mixité peut être une solution temporaire pour aider les élèves filles à prendre confiance en elle, mais elle n’est pas un objectif en soi. Il peut donc être intéressant également de réfléchir à des aménagements de la pratique sportive qui valorise davantage la coopération que la compétition entre les élèves. (Voir : Enseigner l’égalité filles/garçons, Dunod, 2018)

 

5. Ecole et familles de milieux populaires

 

Cas pratiques : L’enseignant-e enseigne en REP. Lorsqu’elle demande à voir les parents peu répondent à ses mots et se rendent au rendez-vous proposé. Son analyse de la situation, c’est que les parents sont démissionnaires et ne s’intéressent pas à la scolarité de leurs enfants .

 

Problème : L’explication de l’attitude des parents doivent elles être cherchées dans des déficiences individuelles ou dans des causes sociales ?

 

Analyse sociologique : Les travaux sur les familles de milieux populaires et l’école montrent que les enseignants ont souvent des préjugés négatifs à l’égard des familles. Pourtant, la thèse selon laquelle les familles de milieux populaire ne sont pas mobilisés autour de la réussite scolaire de leurs enfants n’est pas corroborés par les travaux sociologiques (Périer Pierre, École et familles populaires : sociologie d’un différend. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005. URL : École et familles populaires : sociologie d’un différend.)

 

Réflexion socio-ethique :

La question philosophique qui se trouve posée à travers cet exemple consiste dans le fait de chercher la cause du comportement des personnes dans des qualités ou des défauts moraux qui leur sont individuellement imputables ou dans l’étude des facteurs sociologiques qui peuvent influer sur leur comportement. L’approche socio-ethique implique en elle-même la prise en compte des conditions sociales. Comme l’explique Paulo Freire, qui reprend en cela Sartre, l’être humain n’est pas déterminé, mais il est conditionné socialement : « De telles considérations impliquent directement une vision erronée de l’Histoire et de la conscience : d’un côté, la compréhension mécaniciste de l’Histoire qui réduit la conscience à un simple reflet de la matérialité ; de l’autre, le subjectivisme idéaliste qui hypertrophie la conscience dans les faits historiques. Femmes et hommes, nous ne sommes pas des êtres simplement déterminés. Nous ne sommes pas libres des conditionnements génétiques, culturels, sociaux, historiques, ni de ceux liés au genre ou à l’appartenance à une classe sociale, qui nous marquent profondément et constituent nos centres de référence » (Pédagogie de l’autonomie).

 

Pistes pédagogiques : Le référentiel de l’éducation prioritaire met en avant l’importance de la construction de la co-éducation avec les familles. (Voir : « Coopération avec les parents », in Référentiel de l’éducation prioritaire - https://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/accueil/Referentiel_de_l_education_prioritaire.pdf )

 

Bibliographie générale en éthique professionnelle des enseignants :

 

Desaulniers, Marie-Paule, and France Jutras. L'éthique professionnelle en enseignement: fondements et pratiques. Vol. 14. Puq, 2012.

Prairat, Eirick. La morale du professeur. Presses universitaires de France, 2013.

 

Annexe : Ressources pour enseigner plus explicitement :

 

Centre Alain Savary - « L’essentiel en 4 pages » - http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/education-prioritaire/ressources/theme-1-perspectives-pedagogiques-et-educatives/realiser-un-enseignement-plus-explicite/enseigner-plus-explicitement-un-dossier-ressource

 

Canopé – Enseigner explicitement - https://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/actualites/enseigner_plus_explicitement_cr.pdf

 

Canopé – Video « enseigner explicitement » - http://www.cndp.fr/crdp-orleans-tours/dossiers-thematiques/des-ressources-pour-enseigner/lenseignement-explicite-au-cycle-1.html