Qu’est-ce qu’une pédagogie émancipatrice ? Aliénation et émancipation en pédagogie

 

 

Qu’est-ce qu’une pédagogie émancipatrice et à l’inverse qu’est-ce qu’une pédagogie qui produit de l’aliénation ?

 

 

1) Education et humanisation :

 

L’éducation est un processus par lequel l’être humain en tant qu’être biologique devient un être humain en tant qu’être de culture. « L’homme est la seule créature qui soit susceptible d’éducation » (Kant). C’est un processus d’humanisation. Mais qu’est-ce que c’est s’humaniser ? C’est un processus qui par lequel on devient capable d’agir comme un sujet moral.

 

En fait, il s’agit plus spécifiquement de s’interroger sur le type d’éducation digne d’un être humain. Ce qui corresponde à ce qui fait la dignité morale de l’être humain. Un être humain n’est pas une chose que l’on peut acheter ou vendre. Cela veut dire que l’éducation se distingue du dressage de l’animal ou de la programmation de la machine. Car la dignité humaine est constitutive même de la notion d’éducation.Cela signifie que l’éducation relève par principe d’une morale déontologique.

 

A l’inverse l’aliénation est un processus par lequel l’être humain est dépossédé de ce qu’il doit être. C’est un processus qui lui enlève sa dignité. L’animalisation ou la réification sont donc des formes que peuvent prendre l’aliénation de l’être humain.

 

2) L’oubli de l’humain en éducation

 

On assiste actuellement à un phénomène inquiétant, c’est l’oubli de l’humain dans les débats en éducation. Ces débats sont uniquement posés comme des discussions techniques concernant l’efficacité des méthodes pédagogiques.

 

Autre point, c’est que l’on assiste à la montée d’un anti-humanisme théorique en éducation.

 

Ce fut le cas du behavorisme qui a voulu réduire l’éducation des humains au dressage des animaux. Dans une telle conception de l’éducation, celle-ci ne repose pas sur une conception humaniste de l’être humain, mais sur une conception qui refuse de prendre en compte la dignité morale de l’être humain.

 

C’est le cas des neurosciences lorsqu’elles affirment que le cerveau serait réductible à un algorithme. Dans ce cas, l’éducation serait réduite à de la programmation comme on programme un ordinateur. On assiste donc à un processus de réification.

 

Il est donc possible de constater que le behavorisme et les neurosciences cognitives doivent être refusées comme idéologie dominante en éducation quand ces théories de l’apprentissage imposent une vision qui conduit à un réductionnisme moral de l’être humain. Celui-ci n’est plus une personne, mais il est réduit à un animal à dresser ou un ordinateur à programmer.

 

Cet oubli de l'humain se traduit par le fait que la pédagogie est réduite à un ensemble de techniques efficaces pour faire apprendre les élèves.  Alors que la pédagogie devrait être une praxis (théorie et action) qui vise à développer la capacité des êtres humains à se comporter comme des sujets moraux.

 

Cette oubli de l’humain est une conséquence de la domination d’une rationalité utilitariste orientée avant tout vers la recherche de l’efficacité, de la rentabilité et du profit. Ce qui devient important uniquement c'est de développer chez l'être humain non pas les capacités qui font sa dignité, mais celles qui permettrons de gagner de l'argent. 

 

3) Quelles sont les caractéristiques d’une éducation émancipatrices ?

 

Une éducation émancipatrice est une éducation qui n’aliène pas les caractéristiques qui font l’humanité de l’être humain, à savoir en particulier son statut de personne morale. C’est une éducation au contraire qui permet de développer la capacité à être un sujet moral. Qu’est-ce qu’un sujet moral ? C’est une personne qui est capable de faire des choix (liberté) axiologiques (morale) de manière éclairée (connaissance et esprit critique) et d’agir en conséquence (capacité d’agir). La pédagogie est la praxis qui permet de réaliser une éducation émancipatrice.

 

a) La cohérence des moyens et des fins : Par conséquent, une pédagogie émancipatrice ne peut pas utiliser des moyens contraire à ses finalités. Si l’éducation doit développer la capacité à se comporter comme un sujet moral, alors une pédagogie émancipatrice ne peut pas utiliser des moyens contraire à ses fins.

 

En effet, on sent bien l’incohérence à penser l’être humain comme un sujet moral digne de respect et à utiliser pour l’éduquer des moyens qui nient sa dignité. Par exemple, il serait fort cynique de théoriser que l’on peut utiliser le mensonge ou la maltraitance comme moyen d’émancipation.

 

Néanmoins, on constate chez nombre de personnes actuellement la confusion entre le bien-être de l’enfant et le respect de sa dignité. Les animaux sont des êtres sensibles. Il est donc possible de viser leur bien-être. Mais faire du bien-être une valeur qui oriente l’éducation humaine, c’est confondre l’animal en tant que sujet sensible et l’être humain en tant que personne morale. On se situe en dessous de ce que la dignité de la personne humaine suppose.

 

b) La place du savoir : Peut-on théoriser que tous les contenus de savoirs se valent ou même qu’ils pourraient être inutiles dans l’émancipation ? Une telle thèse conduit là également à une incohérence. En effet, si tous les contenus se valent, il faudrait admettre qu’étudier Mein Kampf pourrait être aussi émancipateur que d’étudier l’oeuvre de Rousseau. A fortiori si le savoir n’a aucune place dans l’émancipation, alors l’ignorance serait préférable au savoir. Peut-on être émancipé en étant ignorant ou en vivant dans l’illusion et le mensonge ? Voilà qui semble là aussi contradictoire. Par conséquent, l’émancipation en pédagogie n’est pas une forme vide sans contenue.

 

c) La finalité de l’émancipation : La notion de finalité concernant l’émancipation peut-être pensée comme un idéal régulateur et non comme une fin que l’on atteint une fois pour toute. L’émancipation est donc un processus qui vise l’humanisation de l’humain. De ce point de vue, une pédagogie émancipatrice est une pédagogie qui participe de ce projet non pas seulement dans le cadre des espaces éducatifs dédiés, mais dans la société en générale. Elle vise à faire en sorte que les êtres humains puissent advenir comme sujets moraux conscients capables de penser, de faire des choix et d’agir eux-mêmes. De fait, toutes les formes d’aliénations sociales et d’oppressions sociales doivent être combattues par une pédagogie émancipatrice en tant qu’elle empêche le processus d’émancipation des êtres humains, leur réalisation en tant que sujets moraux.

 

Conclusion :

 

Une pédagogie émancipatrice est une pédagogie qui met au coeur de son projet le développement de l’être humain en tant que sujet moral capable de penser et de faire des choix. Or on assiste actuellement sous l’effet de la domination de la raison instrumentale du développement d’un oubli de l’humain en éducation au profit de conception de l’éducation qui visent la réification de l’être humain.