Ethique de la critique : individu et institution en résistance éthique

 

 

Quel est le poids de l’individu et de l’institution dans la résistance éthique ?

 

Le poids des organisations et des institutions relativement à l’action individuelle

 

Les approches morales tendent à centrer la responsabilité sur l’individu. Les contraintes exercées par les structures et les institutions sont niées au profit uniquement de la responsabilité individuelle. Mettre en lumière le poids des structures et des institutions sur l’action individuelle serait vu comme déresponsabilisant.

 

Néanmoins, une telle position conduit à nier la place de la transformation des structures sociales, des institutions et des organisations de travail. Une telle approche enlève toute dimension socio-politique, et donc critique, à l’éthique.

 

Telle n’est pas la position de Paulo Freire qui affirme que si l’être humain n’est pas déterminé par les structures sociales et les institutions, néanmoins sont action se trouve conditionnée par la situation dans laquelle il ou elle se trouve.

 

Ainsi, par exemple, on ne peut pas se contenter pour aborder la question de la souffrance au travail de mettre en avant uniquement un harcèlement moral interindividuel, mais il faut tenir compte des formes de harcèlement moral institutionnel.

 

Le fonctionnement des institutions bureaucratique, où chacun n’est qu’un rouage dans un ensemble plus vaste, peut conduire aisément à une situation de déresponsabilisation des individus.

 

Responsabilité individuelle et banalité du mal

 

Néanmoins, à l’inverse, nier toute responsabilité individuelle conduit à admettre une situation comparable à celle de Eichmann. Ce dernier, pour se dédouaner de sa responsabilité individuelle, affirmait qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres.

 

La figure de Eichmann a servi d’exemple paradigmatique à Christophe Dejours dans Souffrance en France. La banalité du mal décrit par Hannah Arendt à propos du cas Eichmann ne s’applique pas qu’à la seconde guerre mondiale. Pour Dejours, la « banalité du mal » est à l’oeuvre dans les organisations de travail actuelles. En cela, les personnes conduites au suicide à France Telecom illustre les conséquences d’une telle banalité du mal.

 

La Souffrance éthique est alors défini par Dejours comme le fait qu’un individu soit conduit à agir selon des valeurs contraires à ses propres principes moraux.

 

La résistance à la banalité du mal

 

Néanmoins si l’on s’est beaucoup interrogé sur la soumission à l’autorité (dans la lignée de Milgram), pour autant, il faut également noter que tout le monde ne s’est pas soumis et qu’il existe également des personnes qui ont résisté, voire désobéit. C’est le sujet par exemple du livre de Philippe Breton, Les refusants.

 

La question n’est plus alors : qu’est-ce qui caractérise ceux qui deviennent des bourreaux, mais qu’est-ce qui caractérise ceux qui résistent ?

 

Dans Aurais-je été résistant ou bourreau ?, Pierre Bayard cite le cas de Milena Jesenska qui peut être présentée comme une anti-Eichmann. L’analyse qu’en fait Pierre Bayard consiste à affirmer que dans son cas la résistance se caractérise par le fait face à une situation d’envisager une solution qui auparavant ne paraissait pas possible. On peut dire de Milena Jesenska qu’elle fait preuve de créativité éthique.

 

L’analyse des cas pratiques en éthique

 

Ainsi l’analyse et les perspectives d’action face à des cas pratiques éthiques, en éthique de la critique, comporte une réflexion sur la place des dimensions interindividuelle, institutionnelle et structurels.

L’action dans l’éthique de la critique tente d’envisager des actions au niveau micro-social, mais également d’agir au niveau institutionnel ou structurel. L’action syndicale permet d’agir par exemple au niveau institutionnel.

 

Conclusion :

 

La question de la résistance éthique ne vise pas à nier le poids des structures et des institutions qui conditionnent les actions humaines. Mais la notion de résistance éthique s’interroge également sur la place de la responsabilité de l’individu face à des situations d’oppression dont il/elle est témoin.

Ce qui caractérise justement l'action individuelle dans l'éthique de la critique, c'est le fait que cette action est tournée vers la dénonciation, en particulier des effets des rapports sociaux de pouvoir structurels et des institutions.