Pédagogie critique de la vulnérabilité : Le handicap et l’erreur anthropologique de la philosophie

 

 

L’histoire dominante de la philosophie a pensé l’être humain à partir d’une norme considérée comme la perfection, il est temps de montrer en quoi le handicap doit nous aider à repenser de manière fondamentale notre conception de l’humanité.

 

- L’homme de Vitruve  ou l’image de l’erreur anthropologique de l’humanisme classique

 

L’homme de Vitruve est un dessin célèbre de Léonard de Vinci qui se veut représenter l’être humain dans sa perfection esthétique. L’homme de Vitruve est un homme blanc et en apparence valide. De ce fait semblent exclu de cet idéal de perfection : les femmes, les personnes en situation de handicap, sans doute également les personnes de type non-européen…

 

D’une certaine manière, la représentation de Léonard de Vinci rejoint un certain présupposé sous-jacent à la pensée de l’humanisme classique concernant l’être humain. Pour définir ce qu’est un être humain, on part d’un idéal de perfection….

 

- Des continuités de cette erreur anthropologique

 

Si l’on réfléchit au plan d’extermination des personnes en situation de handicap par les nazis, le plan Aktion 4, on voit qu’il repose sur cette erreur anthropologique. Là encore les nazis définissent une norme de la perfection humaine – ici les aryens – et décident d’éliminer toutes les personnes qui ne correspondent pas à cette norme de perfection.

 

La philosophie utilitariste, comme celle de Peter Singer, montre également un autre type de difficultés. Cette fois il ne s’agit pas tant de penser l’être humain à partir d’un idéal de perfection, mais de prendre un critère universel qui permettrait de hiérarchiser la valeur des vies humaines et animales. Dans un tel calcul utilitariste des peines et des plaisirs, il devient là encore possible de sacrifier la vie de personnes en situation de handicap qui peuvent être jugée de valeur inférieures à celle de certains animaux. C’est ici la capacité à éprouver de la souffrance qui est considérée comme l’étalon universel.

 

Le néolibéralisme continue cette erreur anthropologique. Il repose sur une conception de l’humain relevant d’une norme de perfection liée à l’idée de performance. La norme du néolibéralisme c’est celle de l’homme valide, en bonne santé, disponible et ultra-performant. Ceux et celles qui ne correspondent pas à cette conception de l’individu telle qu’elle est défini par le néolibéralisme, se trouvent à risque d’être exclus du monde du travail.

 

- Repenser l’humanité

 

Qu’est-ce qui fait notre humanité ? Une réflexion sur l’humanité de l’être humain ne doit pas partir d’une pseudo-norme de perfection humaine.

 

L’humanité de l’être humain doit être pensée à partir au contraire des formes les plus extrêmes de handicap. En quoi le fait de reconnaître comme des personnes ayant une égale dignité toutes les formes de handicap relativement à la norme validiste ou capacitiste, est-elle la marque même de l’humanité ?

 

Notre conception de l’humain doit nous permettre d’accueillir comme ayant une égale dignité tous les être humains quelque soit leur handicap et c’est sur cette conception de l’humanité que doivent être organisées nos sociétés.

 

Il s’agit donc de repenser nos sociétés non pas sur la base de la norme néolibérale de l’individu performant, mais sur la base d’une solidarité sociale qui permette de garantir une égale dignité réelle à toutes les personnes quelques leur situation de handicap et/ou de maladie et/ou encore de vieillesse....

 

 

Il s’agit donc de penser l’organisation sociale à partir des formes les plus extrêmes de dépendance physique et non pas à partir d’une norme de perfection qui est l’individu performant néolibéral.