Violence institutionnelle et pédagogie critique

 

 

Comment analyser les « troubles du comportement des élèves » ?

 

1. Violence institutionnelle et rapports sociaux

 

L’analyse institutionnelle s’est intéressée à l’analyse des rapports de pouvoir au sein des institutions. Néanmoins, on peut remarquer que l’analyse institutionnelle, tout comme la psychothérapie institutionnelle et la pédagogie institutionnelle, n’ont peut-être pas suffisamment distingué entre les relations sociales et les rapports sociaux.

 

En effet, en s’appuyant sur la dynamique de groupe de Kurt Lewin, ces courants ont analysé les relations de pouvoir au sein des groupes. Ainsi, la violence est analysée en pédagogie institutionnelle en termes de conflits entre les élèves.

 

Or la violence au sein des institutions (ex : école, hôpital…) peut être davantage être appréhendé en termes de violence institutionnelle qui reproduit des rapports sociaux de pouvoir. Ainsi les institutions peuvent reproduire des rapports sociaux de classe sociale, sexiste ou encore raciste. Elles peuvent également reproduire des rapports sociaux au travail.

 

Ainsi, face aux « problèmes » de comportement d’élèves, il faut se demander si ces élèves font partie d’un groupe structurellement confronté à des violences sociales et institutionnelles. Par exemple, l’école étant une structure qui reproduit les inégalités sociales de classe, elle est un espace de violence institutionnelle pour les élèves de classe populaire.

 

2. Violence sociale, violence institutionnelle et pathologisation des comportements individuels.

 

Les réactions des groupes socialement victimes de violence (travailleurs, femmes, racisés, LGBT…) peuvent voir leur réaction face à ces situations pathologisées.

 

Ainsi des élèves de racisés de classes populaires peuvent se voir étiquetés comme étant des élèves ayant des troubles du comportement. Ainsi, le DSM (manuel de diagnostique des maladies mentales) contient un diagnostique de « trouble oppositionnelle  du comportement » qui se caractérise entre autres par des comportements de désobéissance. De même, le DSM contient un trouble de l’adaptation qui peut être apposé aux travailleurs/travailleuses qui ne parviennent pas mentalement à s’adapter aux restructurations de leur poste de travail.

 

3. Résistance et pédagogie critique

 

La pédagogie critique au contraire n’analyse pas ces comportements comme des pathologies, mais comme des réactions normales à des violences sociales et institutionnelles. Ainsi Paul Willis, dans L’école des ouvriers, qualifie de résistance, le comportement des élèves de milieu populaire

 

Néanmoins, la difficulté comme l’a montré Paul Willis c’est que si ces comportements sont des réactions normales, ils contribuent paradoxalement à reproduire les inégalités scolaires.

 

Cela pose encore une autre difficulté : si la violence sociale et institutionnelle sont en elles-mêmes pathologique et que c’est l’institution qu’il faut soigner, alors comment est-il possible de renforcer les capacités des opprimé-e-s à se défendre face aux violences sociales et institutionnelle ?

 

Le rôle de la pédagogie critique doit être justement :

a) de remettre en question la pathologisation des comportements qui sont des réactions à des violences systémiques

b) conscientiser sur les logiques sociales qui permettent des distinguer les violences et les comportements qui relèvent de relations sociales et ceux qui relèvent de rapports sociaux de pouvoir.

c) de développer des capacités d’empowerment individuels et collectifs des groupes socialement discriminés face à ces violences : identification des violences, éducation aux droits, création de groupes de soutiens, valorisation de l’engagement dans les mouvements sociaux….

 

Sur ce plan, la pédagogie critique ne s’adresse pas qu’à des élèves, mais à tout personne confronté à une entreprise ou à une institution par exemple en tant qu’usager ou que patient.

 

Bibliographie :

 

Bruno Robbes, Démarrer en pédagogie institutionnelle.

Paul Willis, A l’école des ouvrier

 

Giroux, Les enseignants comme intellectuels transformateurs