Ricoeur et Freire : le devenir de la conscience

 

Paul Ricoeur et Paulo Freire ont tous deux accordé un rôle spécifique à la conscience dans un processus d’émancipation.

 

Paul Ricoeur : Le conflit des interprétations

 

Dans Le conflit des interprétations, Ricoeur oppose les philosophies de la conscience qui accordent une valeur au sujet et à la conscience aux philosophies du soupçon (Marx, Nietzche, Freud). Ces dernières effectuent ce que Ricoeur appelle une « archéologie de la conscience » (par référence entre autres à la notion d’archéologie telle qu’elle est utilisée par Foucault). Il s’agit de dévoiler les logiques inconsciente qu’elles soient psychiques, sociales ou vitales.

 

Néanmoins, pour Ricoeur, l’archéologie de la conscience ne conduit pas à remettre en question la valeur accordée à la conscience. Mais, il ne s’agit plus d’une conscience immédiate comme celle du Cogito de Descartes, mais d’une conscience réflexive comme chez Hegel. C’est ce qu’il appelle « la téléologie de la conscience » (de télos, la finalité). Car s’il s’agit de dévoiler des logiques inconscientes, c’est pour aller vers plus de conscience.

 

Paulo Freire : La conscientisation

 

Tout comme Ricoeur, Paulo Freire accorde une valeur à la prise de conscience. Il se rapproche lui aussi de Hegel en opposant la conscience primaire (ou naïve) à la conscience critique qui est la finalité d’une éducation émancipatrice. Néanmoins, cette conscience critique (conscientisation ou critical consciousness) est une conscience sociale critique. Elle consiste dans la prise de conscience des rapports sociaux de pouvoir qui structurent la société.

 

En cela, l’archéologie de la conscience telle qu’elle s’effectue chez Freire s’appuie sur le matérialisme historique de Marx : « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. »

 

La conscientisation, c’est la prise de conscience que les êtres humains ne sont pas spontanément libres, mais ils ne sont pas déterminés non plus, ils sont socialement conditionnés. Cette prise de conscience du conditionnement social doit permettre le dépassement de la conscience fataliste qui naturalise la réalité sociale.

 

 

La conscientisation, c’est la prise de conscience que la réalité sociale n’est pas une réalité naturelle et immuable, mais une construction historico-sociale liée à des rapports sociaux de force. Il devient alors possible selon Freire d’imaginer des possibles (« les inédits possibles ») qui pourront orienter une transformation sociale (« l’inédit viable »).