Comment les privilégiés s’approprient les oppressions des personnes socialement opprimées ?

 

Comment reconnaître les stratégies d’appropriation des expériences sociales d’oppression ? Comment y répondre ?

 

Avec le fait qu’être pour la « justice sociale », cela devient « cool » chez les jeunes de classes moyennes, on voit des jeunes hommes qui cumulent tous les privilèges se prétendre opprimés. Ils développent pour cela différentes stratégies d’appropriation des oppressions.

 

Qu’est-ce qu’être opprimé ?

 

Etre opprimé, c’est éprouver des souffrances subjectives liées à des expériences vécues personnellement de violences sociales physiques ou psychologiques, à des expériences sociales de discriminations et d'inégalités sociales.

 

Qu'est ce que c'est être une femme, une personne transgenre, une personne racisée, une personne de classe populaire (voire en situation de pauvreté), une personne au genre non-conforme, une personne handicapée ou en situation de maladie invalidante ?

 

Ce n’est pas avant tout une réalité biologique. Ce n'est pas avant tout une auto-catégorisation. Ce n’est pas produit par la performativité du langage. C'est une expérience sociale vécue en propre.

 

Cette expérience de vie: ce sont des violences sociales vécues personnellement, des discriminations vécues personnellement, des inégalités sociales vécues personnellement… C’est donc une subjectivité et un corps qui ont été construit par des expériences d’oppression sociale.

 

Lorsque Simone de Beauvoir écrit « on ne naît pas femme, on le devient », elle fait référence à toutes ces expériences sociales vécues d’oppression.

 

Lorsque les femmes se réunissent dans des groupes de conscience et de parole, elles partagent des expériences vécues.

 

Ces catégories socio-politiques disparaîtront quand l'expérience de violence, de discrimination et d'inégalités sociales des groupes sociaux opprimés disparaîtra

 

S’approprier la vie des personnes socialement opprimées.

 

Les personnes qui effectuent ces stratégies d’appropriation sont le plus souvent des hommes qui cumulent tous les privilèges sociaux, et qui se servent en particulier de leur capital culturel pour maîtriser tout le vocabulaire de la « culture woke » et l’utiliser à leur profit pour se faire passer eux aussi pour des victimes.

 

Il existe plusieurs stratégies d’appropriation des oppressions des personnes opprimées par des privilégiés qui veulent se faire passer pour des pseudo-victimes.

 

L’une des réponses possibles à ces stratégies d’appropriation, c’est de confronter la personne à ses privilèges et à son absence d’expérience réelle d’oppression sociale.

 

1) La stratégie des ascendants (ex : grands-parents) : certaines personnes n’ont pas vécues directement le classisme, mais sortent l’expérience de leurs ascendants comme leurs grand-parents. Il suffit dans ce cas de leur demander quelles expériences ils ont vécu directement ?

 

Exemple : Ne pas pouvoir partir en vacances étant enfants pour raisons économiques ? Devoir aider leurs parents en travaillant ? Vivre avec des objets récupérés car la famille n’a pas les moyens d’acheter ce qui lui faut ? Vivre dans un logement insalubre ? Être obligés de travailler à côté de leurs études ? Ect….

 

 

2) La stratégie de l’auto-catégorisation : elle est utilisée plutôt concernant les questions de genre. Il s’agit de s’auto-catégoriser par exemple comme « non-binaire », mais sans expression de genre non-binaire….Ect...

 

Là encore quelle est l’expérience sociale vécue ?

 

- Cette personne a-t-elle vécue comme beaucoup de femmes : l’expérience de violences sexuelles ?des discriminations et inégalités sociales au travail du fait de son genre ? Ect...

 

- Cette personne a-t-elle vécue comme beaucoup de personnes à l’expression de genre non-conforme : des discriminations à l’emploi ? des injonctions sociale à la conformité ? Ect...

 

- Cette personne a-t-elle vécue comme beaucoup de personnes homosexuelles : des violences physiques et verbales ? le fait d’avoir à se cacher pour échapper à ces violences ?...Ect...

 

3) La stratégie des amis  ou de la conjointe : certaines personnes ne vivent pas directement une oppression, mais répondent en mettant en avant leur conjointe ou des amis. Là encore, il est possible de les renvoyer à leur absence d’expérience d’oppression en propre. C’est le cas par exemple pour les oppressions validistes.

 

Là encore, il est possible de demander à cette personne : a-t-elle vécue de ne pas pouvoir suivre une scolarité et/ou des études normalement et d’en payer le coût social ensuite  ? D’être obligé de cacher son état de santé pour ne pas vivre des discriminations au travail ou ne pas être stigmatisé socialement ?

 

Ces types d’appropriation fonctionne également pour l’appropriation des oppressions éthno-racialisation. La personne a-t-elle vécue en propre l’expérience d’avoir de manière récurrente des problèmes de papiers d’identité par exemple...

 

Pour certains, les luttes des personnes socialement opprimées sont un jeu d’auto-catégorisation ou d’auto-définition. Mais pour les personnes réellement socialement opprimées, c’est une question de survie physique et psychique. De manière générale, une des caractéristiques des privilégiés, c'est leur absence de décence. 

 

Certains privilégiés vont même jusqu'à s'approprier les expériences d'oppression pour faire une carrière militante et/ou professionnelle et donc capitaliser sur les expériences d'oppression.