Rancière, Et tant pis pour les gens fatigués



Paris, Amsterdam, 2009

 

Si Jacques Rancière se montre bien souvent critique vis-à-vis des sciences sociales, cette série d'entretiens publiés entre 1976 et 2009, présente des thèses qui n'en sont pas moins intéressantes à méditer pour le chercheur en sciences sociales et qui constituent une bonne introduction à la pensée de Rancière.

 

Quelques points me paraissent particulièrement intéressants dans l'oeuvre de Rancière:

 

- La critique d'une conception scientiste et rationaliste de la place du savant qui tend à considérer qu'il est en position de dévoiler aux dominés ce qu'ils ignorent d'eux-mêmes. Rancière s'attaque ici à des positions qui vont de Marx à Bourdieu, en passant par Althusser. Mais cette critique est aussi valable dans une certaine mesure contre le platonisme et son représentant dans la gauche radicale actuelle, Alain Badiou.

En cela, il me semble que cette position peut être rapprochée, pour des raisons quelques peu différentes, de la critique du platonisme chez Dewey, de la critique des savants qu'effectue Bakounine dans Dieu et l'Etat, ou de l'affirmation d'une continuité entre discours savant et sens commun qui se trouve à l'oeuvre dans la sociologie pragmatique.

 

- L'affirmation de la démocratie comme radical présupposé d'égalité entre les citoyens et le refus de faire intervenir tout critère de compétence.

 

- La définition du politique, opposé à la police et au consensus, comme cette lutte pour dire ce qui est et pour, au contraire, ne pas naturaliser ce qui relève de la lutte idéologique. Il me semble que ce point peut être rapproché de ce que le sociologue Luc Boltanski développe dans son ouvrage De la critique à propos de la lutte pour dire ce qu'est la réalité et du rôle que jouent l'Etat, les sciences sociales et la critique à ce sujet. 

 

Irène Pereira, août 2010

 

Voir en ligne un entretien que nous avions réalisé avec Jacques Rancière pour le mensuel AL, en 2007:

http://raforum.info/spip.php?article4532