Paris, Aux Lieux d'être, 2008, 197 p.
Patrick Gaboriau est anthropologue. Il est actuellement chercheur au CNRS, après avoir entre autres enseigné à Berkeley. L'ouvrage se présente sous la forme de chapitres abordant différents aspects des rapports entre science et politique. Deux points nous ont plus particulièrement intéressée dans l'ouvrage.
Le premier concerne les observations et les analyses faites par l'auteur sur le champ académique en s'appuyant sur son expérience personnelle, d'une part de chercheur longtemps hors-statut et d'autre part d'enseignant ayant eu une expérience de travail aux Etats-Unis. Cela lui permet de porter un regard lucide et sans complaisance sur le fonctionnement du monde académique français et ses orientations actuelles.
Le second point qui a attiré plus particulièrement notre attention est le chapitre que l'auteur consacre au rapport entre journalisme et sciences sociales. Pour cela, une fois encore, l'auteur se sert de son expérience personnelle comme base d'une réflexion épistémologique. En effet, chercheur spécialisé sur la pauvreté et la situation des SDF, il a publié une enquête Clochard (Juillard, 1993) en situation d'observation directe objectivante au même moment où sortait l'ouvrage d'un journaliste, Hubert Prolongeau, sur le même sujet. Ce dernier, pour sa part, s'inspire des méthodes de Gunther Wallraff: "Dans la peau de...".
Patrick Gaboriau montre ainsi ce qui différencie les deux ouvrages, qui pour les profanes tendent à se confondre. Par exemple, les années passées à étudier le même sujet, les nombreux ouvrages et études lus sur le sujet et les mois d'observation caractérisent le scientifique tandis que le journaliste effectue quatre mois d'observation complété par la lecture d'une bibliographie restreinte. Autres différences parmi celles que cite l'anthropologue: la précision des sources citées par le scientifique, les précautions prises lorsque des chiffres sont avancés. L'auteur montre en outre comment le journaliste mêle pour sa part observation directe, rumeurs et imagination, ce qui fait de son texte une production entre fiction et réalité.
Irène Pereira
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