Lu: Appadurai A., Géographie de la colère

Paris, Payot, 2009 (éd.originale: 2006), 207 pages

Arjun Appadurai est l'un des auteurs phares du courant postcolonial dans sa version la plus culturaliste. Le présent ouvrage fait suite au célèbre Après le colonialisme, Les conséquences culturelles de la globalisation [1996].

 

Dans ce second opus, comme il le précise, Appadurai entend prendre en compte les critiques qui lui ont reproché de présenter la mondialisation de manière trop angélique. Il entend donc s'attaquer à la face sombre de la mondialisation: les violences inter-ethniques et religieuses, ainsi que le terrorisme. 

Il est possible de remarquer la proximité avec les préoccupations d'Amaratya Sen dans Identité et violence.

 

Appadurai ne voit pas dans la mondialisation la fin des Etats-nations et l'avènement de la forme réseau. Pour lui, le réseau est peut être moins pertinent que l'analogie avec la cellule pour caractériser les nouvelles formes d'organisation. Ainsi oppose-t-il les entités vertébrées, telles que l'Etat, aux entités cellulaires, telles que les groupes terroristes ou au contraire les organisations de la "globalisation par le bas", qui sont les associations de citoyens qui luttent localement contre certains effets néfastes de la mondialisation. 

 

L'auteur s'attache en particulier à comprendre comment il est possible d'expliquer l'émergence de formes de violences inter-ethniques et religieuses dans des grandes démocraties libérales. Il a en particulier en tête l'exemple de l'Inde.

 

Ainsi, il se montre critique par rapport au libéralisme, dont il pense qu'il est incapable de faire réellement une place aux minorités. Celles-ci ne sont d'ailleurs pas un fait, mais une construction historique. Or ces violences contre les minorités tiennent en particulier selon lui, d'une part à la peur que les faibles et les peu nombreux inspirent en général, et d'autre part à l'exacerbation du narcissisme des petites différences.

 

Par ailleurs, il ne voit pas dans la situation actuelle l'effet d'un choc des civilisations, mais celui d'une lutte entre des idées de civilisation. Il s'agit d'une lutte entre des représentations.

 

Il met également en avant le paradoxe qui fait que nombre des migrants issus des pays du Sud peuvent à la fois souhaiter accéder au niveau de vie américain et honnir ce même mode de vie qu'ils jugent dépravé. 

 

On sort néanmoins quelque peut étonné qu'Appadurai réduise l'analyse des phénomènes nationalistes et du terrorisme dans le contexte de la mondialisation à des traits anthropologiques généraux de type psycho-sociologiques et à des effets de représentations.  

 

Irène Pereira

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