Si la vérité fait l’objet de discussions quant à son critère, il n’y a pas de discussions, nous semble-t-il, quant aux caractéristiques de cette notion. Que ce soit par ceux qui la considèrent comme indispensable ou ceux qui en font la critique, l’idée de vérité est considérée comme absolue: la vérité est unique, elle ne change pas, elle n’admet pas d’approximation, de plus ou de moins... Pour les uns, c’est ce qui fait sa valeur et son intérêt épistémique, pour les autres c’est ce qui fait son caractère religieux et qui devrait conduire à ce que les êtres humains renoncent à cette notion.
Pourtant, il nous semble que dans les deux cas, il est fait une confusion entre nos connaissances, qui peuvent être plus ou moins justifiées, et la vérité. Les dogmatiques pensent que nous avons des connaissances vraies, qui nous permettent en particulier de fonder notre savoir. Une telle thèse est problématique puisqu’elle conduit, par exemple lorsque nos théories scientifiques changent, à dire qu’elles ne sont plus vraies. En réalité, elles ne l’ont jamais été. Elles étaient seulement les théories les plus justifiées que nous avions à un moment donné.
Les relativistes intégraux sont bien conscients de ce caractère changeant de nos connaissances et ils en tirent pour conséquence que nous devons renoncer à l’idée de vérité. Mais là également ils commettent une erreur. Que nos connaissances soit seulement probables ne signifie pas que nous pouvons nous passer de l’idée de vérité sans dommage. Cette notion apparaît nécessaire comme condition de possibilité de la discussion et donc de la vie sociale. Nous ne pouvons pas nous passer de la notion de vérité comme idéal régulateur, utile à la vie. Même le relativiste prétend énoncer des vérités absolues, comme le fait qu’il faudrait se passer de la vérité.
Ainsi la notion de vérité est une exigence de la vie pratique. On peut supposer que la vérité est un idéal certes illusoire, car nous ne l'attendrons peut-être jamais, mais utile. Peut-être ne s'agit-il que d'un idéal de l'imagination. Mais à l'inverse, il ne nous semble pas possible d'affirmer que des erreurs, contraires à la réalité, pourraient être utiles à notre survie. Car si une connaissance nous est utile et donc si elle est justifiée, c'est qu'elle nous permet de survivre. Or il semble incohérent de supposer que nous puissions survivre en nous abstrayant des conditions de possibilité du milieu dans lequel se developpe la vie c'est-à-dire en allant contre la réalité. Ainsi ce qui justifie la notion de vérité, ce n'est pas un principe de non-contradiction transcendantal, mais des nécessités pragmatiques.
Il apparaît ainsi bien nécessaire de maintenir d’une part la vérité-correspondance à la réalité comme idéal régulateur vers lequel tendent nos connaissances et d’autre part le fait que nos connaissances ne sont que les thèses les plus justifiées que nous ayons. Cette thèse est certes elle aussi relativiste, mais il ne s'agit pas d'un relativisme où tout se vaut: il existe des thèses qui sont plus ou moins justifiées. La confrontation de la pratique à la réalité, nous permet de distinguer entre ce qui est contraire à la réalité, et donc faux, de ce qui est peu justifié de ce qui l'est plus.
Irène Pereira
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Centrifugal Juicer (jeudi, 11 avril 2013 06:18)
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