On oppose bien souvent la théorie de la vérité comme correspondance à la réalité et la théorie de la vérité comme cohérence, d’une part la vérité matérielle et d’autre part la vérité formelle (ou validité). Pourtant une telle thèse ne nous paraît pas tout à fait exacte.
Il nous semble que, dans son sens fort, la théorie de la vérité-cohérence est un critère, opposé à celui de l’intuition, pour déterminer la correspondance à la réalité. Ce n’est que de manière dérivée que l’on est parvenu à opposer vérité-correspondance et vérité-cohérence.
Il nous semble en effet que, lorsque Leibniz notamment, fait de la non-contradiction et de la démonstration, et non de l’évidence issue d’une intuition intellectuelle, le critère de la vérité, c’est bien parce qu’il entend par ce moyen établir la vérité matérielle.
Le premier lien qui est établi entre non-contradiction et réalité, c’est que le principe de non-contradiction semblait indiquer des impossibilités physiques. Par exemple, une montagne sans vallée (1), est une impossibilité logique et c’est donc pour cela qu’elle est une impossibilité réelle. Le principe de non-contradiction semble être une règle immanente au réel.
Le second lien entre vérité-cohérence et vérité correspondance réside, nous semble-t-il, dans la tentative de prouver l’existence de Dieu à partir de sa non-contradiction. Il s’agit de la preuve ontologique de l’existence de Dieu. Elle consiste à affirmer que si Dieu n’est pas contradictoire, s’il est possible, alors il est réel. Le concept d’un Dieu sans existence est contradictoire. En effet, il est inclus dans le concept de Dieu, qui est un être parfait, qu’il ait toutes les perfections. Il a donc dans son concept l’existence. Donc si Dieu sans existence est impossible, c’est que Dieu existe.
La thèse de la cohérence comme critère de la vérité-correspondance devient problématique à partir du moment où la thèse selon laquelle on peut passer du possible au réel est remise en cause. C’est notamment la critique qu’effectue Kant. L’existence n’est pas une caractéristique conceptuelle. L’existence n’est pas incluse dans le concept. La preuve, c’est qu’il n’existe pas, du point de vue conceptuel, de différence entre la chose réelle et la chose pensée. Pour obtenir la chose réelle, il faut ajouter à son concept l’existence.
Ainsi, est-il possible de parler la validité d’un raisonnement, et non de vérité formelle. La notion de vérité devant selon nous être réservée uniquement à la correspondance avec la réalité. En logique, un raisonnement correct relativement à des règles d’inférence propre à un type de logique particulière (classique ou non-classiques) établit ainsi la validité du raisonnement.
Irène Pereira
(1) Il nous semble ainsi que l’opposition entre l’intuitionnisme de Descartes et le formalisme de Leibniz porte avant tout sur la fondation. Alors que Descartes fonde son système sur une intuition première évidente, à savoir le Cogito, Leibniz le fonde sur la démonstration de l’existence de Dieu par la non-contradiction. Néanmoins, on retrouve également chez Descartes cette utilisation de la non-contradiction comme permettant de prouver l’existence au moment de la preuve ontologique de l’existence de Dieu.
Remarque 1: Le formalisme, contre l’intuitionnisme, permet de concevoir une connaissance sans sujet. Alors que l’intuition sensible ou intellectuelle suppose un sujet, la connaissance formaliste permet de se passer du sujet de la connaissance.
Remarque 2: Cette opposition entre le concept et l’existence est une thématique commune à l’existentialisme et au vitalisme. L’existence, d’une part au sens d’expérience subjective, ou d’autre part, de vie biologique, ne peut être analysée de manière conceptuelle.
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