Quel est, d’un point de vue pragmatiste, l’intérêt de la philosophie et de son enseignement ?
L’intérêt de l’étude de la philosophie se trouve tout d’abord dans le décryptage qu’elle permet des présupposés et des logiques à l’oeuvre dans les discours et les actions des acteurs. Les controverses sociales ou les justifications des états de fait et des pratiques établies reposent sur des présupposés philosophiques.
L’étude des oeuvres philosophiques et des logiques argumentatives philosophiques permet d’acquérir une connaissance plus claire des positions qui s’affrontent sur des questions et des justifications utilisées. Si l’on prend par exemple le cas d’une pratique comme le référendum comme moyen de trancher une question juridique, elle présuppose que la politique ne peut être l’objet d’un savoir scientifique qui pourrait établir le vrai sur une question d’ordre juridique. A l’inverse, le référendum consiste à admettre que toutes les opinions des individus majeurs, disposant de leurs droits civiques, se valent et que l’addition du plus grand nombre de ces voix (la majorité) constitue la méthode la plus légitime que nous ayons pour trancher ce type de questions.
Néanmoins, si l’étude de la philosophie permet de faire apparaître les présupposés philosophiques d’une position ou même si elle peut nous indiquer différentes positions possibles sur un sujet, peut-elle nous aider à trancher les controverses ?
Elle ne le peut que dans la mesure ou, d’une part, elle indique l’incohérence interne d’une position adoptée ou, d’autre part, dans la mesure où elle met en valeur des conséquences pratiques d’une position qui ne seraient pas assumables par celui qui tient cette position. C’est généralement dans l’un ou l’autre de ces cas qu’un philosophe peut être amené à changer sa position philosophique sur un point ou un autre.
En dehors de ces deux cas, lorsqu’il s’agit de deux positions qui, par leur cohérence interne, semblent équivalentes, c’est la foi en l’une ou l’autre des positions, et non sa rationalité qui amène à la soutenir. Mais, cette foi doit avoir conscience de ses limites, c’est-à-dire de n’être qu’une opinion relative. Néanmoins, cette foi est nécessaire pour la mise en pratique de l’une ou l’autre position. En définitive, face à deux positions vraisemblables, seule l’expérimentation pratique permet de trancher la valeur de l’une ou de l’autre.
Donc l’intérêt de la philosophie est double: explicitation des positions et cohérence de la pensée avec elle-même. Mais la philosophie peut se transformer en un vain jeu si elle ne consiste qu’en la confrontation de points de vue vraisemblables qui ne donnent lieu à aucune expérimentation pratique. C’est donc à partir des questions pratiques que doivent se poser les questions les plus théoriques. Dans son usage le plus commun, l’étude des positions philosophiques apparaît principalement comme explicitation des présupposés des prises de positions pratiques.
Irène Pereira
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