Introduction :
L’objet de ce texte est d’essayer de proposer une formalisation des opérations logiques permettant de problématiser un sujet de dissertation. Bien souvent, les méthodologies proposées fournissent des recettes empiriques ou s’appuient sur l’intuition de l’élève pour lui faire comprendre la méthode de dissertation. L’élève parvient alors à problématiser un sujet par induction, en observant un modèle.
Si la problématisation de la dissertation fait appel à des intuitions portant sur le contenu, pour autant il est possible d’essayer de dégager des règles qui permettent de formaliser, et donc d’objectiver, les opérations qui conduisent à problématiser un sujet de dissertation en philosophie.
Pour cela, on s’appuiera ci-dessous sur une analyse sous forme de théorie des ensembles (que l'on pourrait visualiser également à partir de diagrammes de Venn) et en formalisant sous forme syllogistique les raisonnements.
1- L’analyse des relations entre les notions du sujet :
Si on prend les sujets de dissertation de philosophie en terminale, ils sont libellés sous la forme d’une question fermée à laquelle il est spontanément possible de répondre « oui » ou « non ».
Un sujet de dissertation établie une relation d’attribution entre deux notion : A peut-il être attribué à B ? ou B peut-il être inclus dans A ?
Exemple : La richesse est-elle source de bonheur ?
- Le sujet peut être compris comme : a) La richesse permet-elle d’atteindre le bonheur ? b) Le bonheur peut-il être atteint au moyen de la richesse ?
Comme il s’agit d’une relation, celle-ci est donc susceptible d’une relativité c’est-à-dire qu’il est possible de problématiser en partant de la notion A ou de la notion B.
La notion problématique : Il s’agit de la notion à partir de laquelle on problématise le sujet de philosophie : c’est la notion qui fait problème.
La formulation du sujet indique néanmoins la plupart du temps que la problématisation semble porter sur une notion plutôt que l’autre.
Les deux notions doivent être envisagés non comme des éléments, mais comme des ensembles pouvant comprendre elles-mêmes des sous-ensemble.
Par exemple dans le sujet:
La richesse est-elle source de bonheur ?
La formulation du sujet fait porter l’interrogation de manière privilégiée sur la notion de richesse.
Soit R= Richesse
Soit B= Bonheur
a) B « est inclus dans » R « ou » B « n'est pas inclus dans » R
b) R « est inclus dans » B « ou » R « n'est pas inclus dans » B
Dans a), la notion problématique est la notion de richesse. Dans b), la notion problématique est la notion de bonheur.
La formulation du sujet invite plutôt à procéder à la problématisation en partant de a).
Le problème philosophique provient du caractère incertain de la relation d’une notion par rapport à l’autre.
Par exemple, il n’est pas certain que le bonheur soit un attribut que la richesse peut nous procurer : par conséquent, la richesse peut-elle nous procurer la totalité du bonheur, ou seulement une partie du bonheur, ou rien de ce qui fait le bonheur.
Il se peut en définitive que la relation entre A et B ne soit pas une relation d'inclusion et de non-inclusion, mais d'intersection:
Soit, B peut être inclus dans A en satisfaisant tout les critères de A,
Soit, B peut être inclus dans A en satisfaisant une partie des critères de A
Soit, B peut posséder une intersection avec A, mais une partie des sous-ensemble de B ne sont pas inclus dans A.
II- L'analyse des notions du sujet
L’analyse des notions du sujet est nécessaire pour extraire le problème philosophique.
Il s’agit en particulier de déterminer trois points si on formalise la problématique sous forme syllogistique :
-
quel est le terme moyen ?
-
quelle est la notion qui s’oppose à la notion majeure ? (la notion majeure (A) est la notion qui n’est pas choisie comme notion problématique. L’opposée peut-être notée non-A)
-
si la notion majeure peut-être divisée en sous-ensemble, quels sont les sous-ensembles dans lesquels il est possible que la notion problématique ne soit pas incluse ?
Inversement, si la notion problématique comprend des sous-ensembles quels sont ceux qui ne sont pas inclus dans la notion majeure ?
Ex : La richesse est-elle source de bonheur ?
La richesse : il s’agit d’une grande quantité d’argent ou de biens matériels
Le bonheur : état de satisfaction complet à la fois du corps et de l’esprit.
Le terme moyen : biens matériels/corps : les biens matériels permettent une satisfaction des besoins corporels.
La richesse pourrait apporter un bonheur sur le plan matériel, mais non pas sur le plan moral. Donc la richesse est un inclus seulement dans un des ensemble qui permettrait de définir le bonheur.
Ex : L’art est-il une illusion ?
La notion majeure : L’illusion. L’illusion est ce qui s’oppose à la réalité
La notion non-A est donc la réalité
La notion problématique : L’art peut apparaître comme une copie de la réalité.
Le terme moyen « copie » : la notion de copie implique l’idée d’illusion, de représentation qui n’est pas totalement la réalité.
L'art pourrait renvoyer à la fois à la réalité et être source d'illusion.
Ex : La croyance est-elle démontrable ?
La notion problématique peut-être divisée elle aussi en sous-ensembles.
La croyance: a) il peut s'agit d'une opinion ou d'une foi b) mais la notion de croyance peut également renvoyer à un savoir rationnel
Démontrable: qui peut-être démontré.
Démonstration: a) elle doit être distinguée de la « monstration »: montrer c'est établir la vérité d'une affirmation à partir d'une expérience sensible b) démontrer c'est établir la vérité d'une affirmation à partir d'un raisonnement.
Le terme moyen est ici la notion de raisonnement: certaines croyances (celles qui sont rationnelles) pourraient relever du raisonnement et d'autres pas.
III- L’élaboration de la problématique
La problématique : il s’agit de l’unité cohérente que forment les définitions des termes du sujet à partir de laquelle est déduit le(s) problème(s) philosophique(s) du sujet .
Il est possible de formaliser la problématique sous forme syllogistique :
Soit A = la notion majeure
Soit B = la notion mineure
Soit M = le terme moyen
On obtient une problématique qui a la forme suivante :
A est m
Or B est m ou y
Donc B est-il m et donc A ou B est-il y ?
Exemple: La richesse est-elle source de bonheur ?
Soit A= le bonheur
Soit B = la richesse
-
Le bonheur est un état de satisfaction durable et complet à la fois du corps et de l’esprit
-
Or, la richesse est constituée de biens matériels
-
Donc la richesse qui est constitué de biens matériels ne me permet-elle d’atteindre qu’un bien être physique ou la richesse peut-elle me permettre d’atteindre le bonheur complet, la fois physique et moral ?
Soit A= la richesse
Soit B = le bonheur
-
La richesse est constituée de biens matériels.
-
Or, le bonheur suppose un bien être matériel, mais il semble également impliquer un bien être moral
-
Donc, le bonheur complet peut-il être atteint uniquement par des biens matériels ou nécessite-t-il pour être complet des biens spirituels ?
Néanmoins, la formulation du sujet invite plutôt à retenir la première formulation de la problématique.
Le problème : le problème philosophique s’énonce comme le fait qu’une même notion peut être conceptualisée deux manières possibles qui sont antinomiques.
Une conception : Chaque conceptualisation d’une même notion renvoie à des conceptions philosophiques différentes.
( Au niveau de la didactique des conceptualisation philosophique, il est possible d'en élaborer des grammaires: celles-ci consiste à combiner des éléments de base de manière à construire des systèmes cohérents dont la logique se comprend à la fois par leur structure interne et par les relations d'antinomies qu'elles entretiennent avec les autres conceptualisations).
Par exemple, le fait de conceptualiser le bonheur comme pouvant être accessible uniquement à partir des biens matériels et donc comme pouvant être atteint pas la richesse laisse supposer que l’être humain est réductible lui-même à de la matière, qu’il ne possède pas d’esprit irréductible à la matière, donc que tout pourrait être réductible à des valeurs économiques susceptibles de combler des besoins uniquement matériels, les besoins « spiritiuels » n'étant alors que des besoins dérivés en réalité des besoins matériels et seraient donc susceptibles d'une quantification économique.
Synthèse :
1. Une relation problématique : Un sujet de dissertation met en relation deux notions que nous avons appelé notion majeure et notion mineure. Comme il s’agit d’une relation, il est possible de faire peser la problématisation sur l’une ou l’autre des notions, mais la formulation du sujet indique généralement une notion à problématiser de manière privilégiée. Nous appelons cette notion, la notion problématique. Cette relation est problématique car la notion problématique peut se situer à l’intérieur ou à l’extérieure en totalité ou en partie de l’ensemble conceptuel que constitue la notion majeure.
2. L’analyse des termes du sujet : L’analyse des termes du sujet doit faire apparaître le caractère ambivalent de la notion problématique par rapport à la notion majeure. Elle doit montrer comment cette notion peut se situer à l’intérieure ou à l’extérieure de l’ensemble conceptuel de la notion majeure ou ne remplir qu’une partie des critères nécessaires.
Les relations entre la notion problématique et la notion majeure peuvent être explicités à partir de trois éléments : a) le terme moyen : celui-ci permet de montrer comment il y a une relation d’inclusion entre la notion problématique et la notion majeure b) L’opposé de la notion majeure (non-A) : permet de montrer comment la notion problématique peut-être incluse dans l’opposé de la notion majeure c) Soit en montrant comment la notion majeure et la notion problématique peuvent contenir des sous-ensembles qui ne se recoupent peut-être qu'en partie.
3. La problématique : La problématique est l’unité logique formée par la définition des termes à partir de leurs liens avec le terme moyen et qui permet de déduire le problème philosophique. La problématique peut être formalisée sous la forme d’un syllogisme.
La première prémisse est constituée d’une conceptualisation de la notion majeure en lien avec le terme moyen.
La deuxième prémisse montre le caractère ambivalent de la notion problématique dans son rapport au terme moyen et à la notion majeure. Par exemple en montrant l’ambivalence de la notion majeure par rapport au terme moyen qui est inclus totalement dans la notion majeure ou en partie dans la notion majeure.
La conclusion du syllogisme formule sous forme interrogative comment la notion problématique pourrait être : a) être incluse dans la notion majeure et dans son opposé b) être incluse en partie seulement dans la notion majeure ou c) remplir seulement une partie des critères de la notion majeure.
Enfin, le fait que la notion problématique puisse constituer un ensemble complexe (composés de plusieurs critères et donc de plusieurs ensembles) peut conduire à construire plusieurs problèmes philosophiques à partir du même sujet.
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philo (dimanche, 17 juin 2012 17:48)
Vraiment tres precis,ca aide beaucoup les "esprits cartesiens"