L’opposition entre théorie et expérience est l’une des distinctions structurantes de la philosophie que l’on peut essayer d’analyser en mettant en relief les sous-distinctions qu’elle implique.
1) La théorie comme point de départ:
Lorsque l’on part de la théorie, il est possible d’en distinguer deux types.
La théorie comme intuition intellectuelle: une première forme de la théorie consiste dans l’intuition intellectuelle des premiers principes. La connaissance trouve alors son fondement dans une vision, une contemplation (theoria) des premiers principes qui fondent la connaissance.
La théorie comme raisonnement: la seconde, la théorie comme raisonnement, c’est-à-dire comme ensemble d’opérations computationnelles, peut trouver son fondement dans la première ou au contraire se présenter comme un ensemble d’opérations formelles cohérentes qui n’auraient pas besoin de fondement, ce sont les opérations logiques de raisonnement.
L’expérience scientifique peut apparaître comme le produit d’une théorie, c’est-à-dire qu’elle ne trouve son origine ni dans l’observation sensible, ni dans la pratique quotidienne, mais dans un dispositif élaboré à partir d’une théorie.
2) L’expérience comme point de départ:
Lorsqu’on part de la notion d’expérience, il est possible de distinguer deux formes: l’expérience sensible et l’expérience pratique.
L’expérience sensible: On peut considérer que toute connaissance dans sa matière (empirisme) ou même dans les opérations mentales qu’elle implique (sensualisme) trouve son origine dans l’expérience sensible. Dans ce cas, c’est à partir de la passivité de la réceptivité des sens que les philosophes entendent penser l’activité de l’esprit. Une telle approche insiste sur le caractère acquis du savoir et des opérations mentales et donc leur relativité aux circonstances.
L’empirisme et l’utilitarisme en sont des formes dérivées, dans la mesure où les opérations de raisonnement - identifiées en particulier aux opérations de calcul - sont des structures innées de l’esprit humain. A l’expérience sensible qui provient des sens s’ajoutent donc des opérations de l’entendement qui sont elles innées dans leurs formes.
L’expérience pratique: On peut faire dériver la connaissance de l’expérience acquise au cours de l’action pratique. La connaissance est donc liée à l’expérience accumulée au cours de la vie et se trouve mettre en jeu la survie de l’individu. Cette expérience prend ainsi son origine dans l’instinct de survie de l’individu, dans une tendance qui le pousse à se maintenir en vie. Néanmoins, l’expérience pratique suppose que cette tendance naturelle innée puisse être complétée par des éléments acquis au cours de l’existence et des circonstances. Il faut que cette tendance innée soit susceptible de plasticité. Dans sa forme la plus immédiate, l’expérience pratique est issue de l’action.
Dans sa forme plus élaborée, l’expérience pratique devient expérimentation. L’expérimentation consiste dans le fait de tester des hypothèses relativement à une situation et de mesurer leur validité à leur conséquence pratique.
Les règles de la rationalité que permet d’acquérir l’expérience pratique ne sont pas des structures innées, mais sont relatives aux circonstances dans lesquelles elles ont été induites. Ce sont des règles vraisemblables.
Dans ces deux cas de figure (expérience sensible et pratique), la théorie est issue de l’expérience.
Annexe:
On obtient les principales positions philosophiques suivantes
Expérience: Théorie:
Immédiat: |
Sens -> Sensualisme |
Action -> pragmatisme |
Intuition intellectuelle -> Idéalisme |
Faculté de raisonnement |
Médiat: |
+ raison -> empirisme -> utilitarisme |
+ temporalité: expérimentation -> expérimen - talisme |
+ raison = idéalisme rationaliste |
Raisonnement -> rationnalisme formaliste |
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vivant |
vivant |
esprit |
matière |
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