Lojkine Jean, Une autre façon de faire de la politique

Le temps des Cerises, 2012, 235 p., 18 euros.

 

            L'ouvrage de Jean Lojkine s'organise en deux parties: la première porte plus particulièrement sur le capitalisme informationnel tandis que la seconde s'intéresse à la notion d'autogestion.

 

            La première partie, consacrée au capitalisme informationnel, se divise elle-même en deux chapitres. Le premier porte sur la crise économique considérée comme systémique et le second sur les transformations dans la fonction publique. L'auteur s'attache en particulier à distinguer la notion de capitalisme informationnel, qu'il avait déjà introduite auparavant avec La révolution informationnelle (PUF, 1992), d'autres théorisations, comme par exemple celle de capitalisme cognitif. Il considère certes que le capitalisme actuel a connu une profonde mutation par rapport au capitalisme industriel avec une économie du savoir et de l'information. C'est cette tension entre production matérielle et capitalisme informationnel qui serait à l'origine de la crise économique que nous vivons. Celle-ci conduit ainsi à détacher les travailleurs intellectuels de la classe capitaliste. Néanmoins, il continue, à la différence d'autres auteurs, à s'inscrire dans une analyse de la société en termes de rapports sociaux de type marxiste. Concernant les transformations au sein de la fonction publique, Jean Lojkine adopte une position qui tente de concilier une critique des réformes néo-libérales et la nécessité de rendre plus efficace l'organisation administrative.

 

            La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à l'espoir autogestionnaire. Trois chapitres organisent cette réflexion. Le premier porte sur la critique de la représentation, le second sur l'épuisement du modèle du Front populaire et le dernier sur l'analyse d'expériences autogestionnaires entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1980. L'auteur revient en particulier sur les conditions de possibilité technique du capitalisme informationnel dans la mise en place de formes de communication qui valorisent l'horizontalité comme en ce qui concerne l’Internet. Il inscrit néanmoins cette critique de la représentation dans une réflexion plus large sur l'articulation entre démocratie directe et démocratie représentative et sur l'autogestion des entreprises. Il revient ainsi sur les différences de positionnement durant les années 1970 et les années 1980 entre le Parti Socialiste et le Parti communiste, et entre la CFDT et la CGT. Il rappelle ainsi les réticences qui ont marqué le Parti communiste et la CGT, durant les années 1970, vis-à-vis de la notion d'autogestion, mais également comment, à partir de l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, le Parti socialiste abandonne très rapidement l'idéal autogestionnaire pour une vision technocratique. L'auteur en appelle à une nécessaire réarticulation de l'alliance entre les mouvements sociaux et les partis politiques, mais sous une forme différente du schéma léniniste, qui accordait une place privilégiée au parti.

 

            L'ouvrage de Jean Lojkine présente l'intérêt de présenter une analyse originale du capitalisme et de ses crises. Les nouvelles formes de contestation se trouvent connectées à ces transformations du capitalisme. Au moment où la crise actuelle conduit à reposer la question de l'autogestion des entreprises, cet ouvrage permet d'éclairer des éléments de l'histoire de la réception en France. Il serait néanmoins possible de discuter le fait de savoir si le système capitaliste n'est traversé que d'une contradiction entre le travail et le capital. On pourrait en effet soutenir que l'Etat et le capitalisme sont traversés par une contradiction entre ceux qui maîtrisent les techniques du capitalisme informationnel et ceux qui y sont soumis. Or l'autogestion peut n'apparaître pas seulement comment une collectivisation de la propriété des moyens de production, mais également comme une remise en cause de la hiérarchie dans la division technique du travail.

 

Irène Pereira

 

 

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