Les analyses de Proudhon prennent appui sur une physique sociale. Une des notions qui la caractérisent est celle de force, et plus particulièrement de “force collective”, qu’il utilise entre autre dans ces deux ouvrages: Qu’est-ce que la propriété ?et De la création de l’ordre dans l’humanité.
1- La force collective dans “Qu’est-ce que la propriété ?”
Un des aspects de la critique que Proudhon effectue de la propriété porte sur le fait que le salaire paie individuellement chaque travailleur mais non leur force collective. En effet, l’union de la force des travailleurs ne peut être réduite à la simple somme de la force d’un travailleur. Proudhon propose donc une théorie de l’exploitation économique différente de celle de Marx, qui repose sur l’extraction de la plus-value:
“Séparez les travailleurs l'un de l'autre, il se peut que la journée payée à chacun surpasse la valeur de chaque produit individuel : mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Une force de mille hommes agissant pendant vingt jours a été payée comme la force d'un seul le serait pendant cinquante-cinq années ; mais cette force de mille a fait en vingt jours ce que la force d'un seul, répétant son effort pendant un million de siècles, n'accomplirait pas : le marché est il équitable ? Encore une fois, non : lorsque vous avez payé toutes les forces individuelles, vous n'avez pas payé la force collective ; par conséquent, il reste toujours un droit de propriété collective que vous n'avez point acquis, et dont vous jouissez injustement.”
La force collective n’est pas plus la somme des forces individuelles que le talent ou le savoir d’un individu ne tient qu’à son mérite individuel. C’est pourquoi la force collective est ce que Proudhon appelle une “résultante”:
“De même que la création de tout instrument de production est le résultat d'une force collective, de même aussi le talent et la science dans un homme sont le produit de l'intelligence universelle et d'une science générale lentement accumulée par une multitude de maîtres, et moyennant le secours d'une multitude d'industries inférieures.”
2- La force collective dans De la création de l’ordre dans l’humanité
Dans cet ouvrage, Proudhon lie plus explicitement force collective et division sociale du travail:
“Qu’une montre soit exécutée dans toutes ses parties par un seul et même ouvrier, ou qu’elle soit le produit de cinquante ouvriers différents ; l’unité de l’œuvre n’en sera pas le moins du monde affectée: ce sera toujours un produit un et identique. C’est comme si, au lieu d’être fabriquées par un seul individu successivement, les diverses parties de la montre avaient été produites simultanément par un ouvrier à cinquante têtes et cent bras. Ainsi, division du travail est synonyme de multiplication de l’ouvrier : division du travail et force collective ou communauté d’action sont deux faces corrélatives de la même loi.”
Proudhon exprime dans cet ouvrage une thèse concernant la division sociale du travail que l’on retrouvera chez Durkheim (et qui est déjà présente chez Platon ou Aristote), à savoir que la division du travail est l’expression d’une solidarité sociale. Elle crée une interdépendance entre les individus. L’apport de Proudhon porte sur le lien qu’il établit avec la force collective. La division du travail permet une augmentation de la force sociale. En effet, la force collective n’est pas une simple somme des forces individuelles. Mais en même temps, elle est l’expression d’une solidarité sociale puisque les travailleurs ont besoin les uns des autres pour réaliser leur production:
De ce principe, démontré par voie d’équation sérielle, on a déduit les corollaires suivants :
1o Que, par le fait de la division du travail, devenue puissance collective, les travailleurs étaient en rapport d’association naturelle et respectivement solidaires ;
2o Que cette qualité d’associés co-responsables faisait disparaître entre eux le principe, la possibilité même de la concurrence ;
3o Que la force collective de cent travailleurs étant incomparablement plus grande que celle d’un travailleur élevée au centuple, cette force n’était pas payée par le salaire de cent individus ; conséquemment qu’il y avait aujourd’hui erreur de compte entre ouvriers et maîtres, et que la loi sur les coalitions était à refaire ;
4o Que les plus beaux talents étant, soit dans leur développement, soit dans leur exercice, des effets de la force collective, soumis, comme les moindres fonctions, à la loi de solidarité, et de beaucoup plus redevables envers la société que ces dernières, toutes prétentions à des appointements exagérés se trouvaient singulièrement réduites ;
5o Que le salaire des travailleurs n’étant au fond que l’échange de leurs services, l’égalité des fonctions associées entraînait l’équivalence des conditions entre les travailleurs, autant du moins que le permettent les anomalies physiques, intellectuelles et morales qui affligent l’espèce humaine, anomalies que les principes de division et de force collective, la théorie de la loi sérielle et les réformes à introduire dans l’éducation et l’hygiène, doivent progressivement faire disparaître
[...]
L’association est le corollaire de la division du travail ;
La solidarité est le corollaire de la force collective ;
La personnalité du travailleur et la liberté individuelle sont le corollaire des lois de spécification et de composition ;
De même la responsabilité du travailleur résulte de l’idée de salaire.
[....]
Nous avons parcouru et dessiné à grands traits le champ de l’Économie politique dans sa première et sa seconde division. Il reste la troisième, la science du Droit ou science de la distribution des instruments de travail et de la répartition des produits. C’est là qu’on verra comment, par le fait du salaire et de l’échange, double expression de la division du travail et de la force collective, la production est socialisée, la solidarité universelle fondée, la garantie mutuelle créée, la justice assise sur une base inébranlable, et l’égalité hors d’atteinte.
Conclusion: Proudhon et le solidarisme
Il y a dans la pensée de Proudhon des éléments qui peuvent le rapprocher des thèses solidaristes. En effet, pour lui, le lien social, n’est pas seulement basé sur l’utilité, mais il crée également des relations morales. C’est ce qu’indique la notion de solidarité.
Néanmoins, Proudhon se distingue des auteurs solidaristes par le fait qu’il ne cherche pas à rétablir l’unité sociale en acceptant ses inégalités.
En effet, Durkheim, dans De la division du travail social, s’oppose au syndicalisme. Ce qui est également le cas de Proudhon qui ne défend pas la stratégie syndicale et les grèves.
Pour Durkheim, il s’agit de mettre en place des corporations professionnelles de métier dans lesquels se retrouvent patrons et ouvriers autour des valeurs liées à leur métier (amour du travail bien fait, la qualité du travail...). La redistribution devient alors la clé pour les solidaristes de la limitation des inégalités sociales.
Proudhon ne préconise pas l’alliance de la bourgeoisie et des ouvriers. Mais au contraire il défend la séparation et la constitution par les ouvriers de coopératives qu’ils gèrent collectivement ou individuellement par eux-mêmes. Il s’agit alors de constituer par le mutuellisme et le fédéralisme, une organisation économique et politique, alternative au capitalisme et à l’Etat.
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