Extrait commenté de Hubert Lagardelle, Syndicalisme et socialisme (1908)
1- Une aporie du mouvement socialiste:
Le mouvement socialiste est confronté à la dissociation entre pragmatisme et radicalité, entre améliorations immédiates et action révolutionnaire. L’un semble exclure l’autre:
“Par là, vous le voyez, se résout l'opposition de l'action pratique et de l'action révolutionnaire, qui a été pour les partis socialistes le problème de la quadrature du cercle. L'action quotidienne, humble, patiente et difficile, était restée jusqu'ici frappée de discrédit le socialisme traditionnel la considérait comme stérile, du moment qu'elle s'exerçait dans l'ambiance bourgeoise et qu'elle ne brisait pas du coup les cadres de la société présente. L'action révolutionnaire, par contre, était reléguée dans la splendeur de la catastrophe finale où doit sombrer le système capitaliste. Entre les deux il n'existait pas de compromis ou l'une ou l'autre”.
2- Trois écueils:
- L’écueil de la voie pragmatique: la recherche des améliorations immédiates, mais avec une absence d’orientation révolutionnaire, conduit à obtenir des améliorations qui ne permettent pas de préparer une transformation radicale de la société et qui de manière générale ont perdu de vue une telle orientation. Par conséquent, l’action se limite à un simple réformisme.
- L’écueil du dogmatisme révolutionnaire: Cet écueil est double.
a) L’attitude proclamatoire: Elle consiste à camper sur des positions radicales et révolutionnaires, mais en refusant de penser tout lien avec la situation immédiate. En effet, toute revendication immédiate est perçue comme une déchéance par rapport à la pureté révolutionnaire.
b) Le réformisme: La seconde forme de dogmatisme consiste à dissocier deux formes d’action: l’action immédiate et l’action révolutionnaire. Il n’y a pas de continuité entre les deux. En définitif, le dogmatique se trouve confronté au même écueil que le pragmatique.
“Il en est résulté une dissociation de plus en plus grande de la pratique et de la théorie. Les esprits soucieux de réalité, las d'attendre une révolution toujours fuyante, se sont détournés d'un socialisme purement abstrait et se sont consacrés à des tâches positives. Mais, sans guide et sans principe, ils ont été absorbés par le milieu capitaliste et ils ont perdu tout sens socialiste. Quant aux autres, aux défenseurs du dogme, ils ont eu beau affirmer désespérément la valeur révolutionnaire de leurs formules, ils ont été impuissants à rendre la vie aux idées mortes, et,
comme je l'ai rappelé plus haut, leur pratique désorientée est venue se confondre avec l'activité des réformistes. De sorte que, conduits au pur démocratisme par leur fraction réformiste et à l'abstraction » dogmatique par leur fraction révolutionnaire, les partis socialistes se sont trouvés acculés à une impasse dont ils ne sortiront pas, du moins en suivant les errements traditionnels.
3- La voie syndicaliste révolutionnaire: un pragmatisme radical
Le syndicalisme révolutionnaire résout cette contradiction entre pragmatisme et radicalité en faisant de l’action directe, sous la forme de la grève, sa tactique.
La grève est d’abord grève partielle qui permet d’obtenir des améliorations immédiates.
Mais les grèves partielles ne sont pas que cela, elles constituent un entraînement régulier à l’action révolutionnaire, puisque c’est la généralisation de la grève qui constitue la rupture révolutionnaire. Cette entraînement, c’est la “gymnastique révolutionnaire”.
Il y a donc une continuité entre les méthodes employées pour parvenir aux améliorations immédiates et la méthode employée pour provoquer la révolution.
“Pour le syndicalisme, la pratique et la théorie se confondent, et c'est l'action et non plus la phrase qui est révolutionnaire. Il s'agit ici d'une conduite immédiate et non d'une attente paresseuse. Les hommes se classent selon les actes et non selon les étiquettes. L'esprit révolutionnaire descend du ciel sur la terre, il se fait chair, se manifeste par des institutions, s'identifie avec la vie. L'acte quotidien prend seul une valeur révolutionnaire, et la transformation sociale, si elle vient un jour, ne sera que la généralisation de cet acte.
C'est pourquoi l'idée de la grève générale s'est si naturellement substituée, dans l'esprit des masses ouvrières, à l'idée de la révolution politique.”
Conclusion: Le syndicalisme révolutionnaire comme exemple permettant de dégager la grammaire d’un socialisme radical.
Caractéristiques grammaticales:
- Critique de l’exploitation du travail et du déni de reconnaissance (travailleurs, racisés, femmes...)
- Existence d’une lutte des classes
- Organisation d’un mouvement social autonome (SR, Black Panthers, MLF...)
- Démocratie directe et action directe
- Abolition des rapports sociaux de classe
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