La notion de méritocratie est problématique car elle recouvre des acceptions diverses et des présupposés discutables.
La notion de méritocratie désigne un système social dans lequel les places sont déterminées par le mérite de chacun. Le présupposé qui gouverne l’école et les sociétés démocratiques modernes serait le caractère juste de la méritocratie.
Les études qui mettent en relief la reproduction des inégalités à l’école souligne ainsi son caractère en réalité non-méritocratique. Il faudrait ainsi introduire une égalité des chances pour que le système devienne alors méritocratique.
Néanmoins, la notion de méritocratie liée au système scolaire renvoie à trois réalités différentes: a) l’élève mérite par son travail de passer dans la classe supérieure b) les plus méritants intègrent une filière sélective ou réussissent les concours c) les titres scolaires des plus méritants leur assurent les meilleurs postes au sein de la société.
Les deux derniers cas posent une première difficulté, c’est le lien entre méritocratie et lutte des places. Ainsi, lorsque la compétition sociale se renforce, alors il faut plus de “mérite” pour accéder à un poste que par le passé. C’est le problème de l’élévation des titres scolaires et de leur dévaluation en corollaire. Cela tient au fait que dans un tel système, qui est inégalitaire, même si tout le monde était méritant au même titre, il n’y aurait pas de place pour tout le monde. On voit donc apparaître ce qu’il pourrait y avoir de contradictoire et injuste entre mérite et inégalité sociale.
Dans les faits, le problème ne se pose pas car d’une part, la “compétition méritocratique” est biaisée par l’inégalité des chances avant même l’entrée dans le jeu scolaire et qu’elle est biaisée également à sa sortie par les différences de capital social qui font que le rendement social des diplômes est inégal en fonction du milieu social.
La seconde difficulté tient au fait que la méritocratie, sur laquelle reposerait l’ascension scolaire et la lutte des places, ne sont pas intrinsèquement liées. On peut imaginer un système scolaire sans filières sélectives et sans concours. On peut même aller plus loin en supprimant toute forme de classement à l’école. Car en définitive le système de classement n’est lié qu’à la nécessité de mettre en place des repères pour se positionner dans le cadre de la future lutte des places.
Enfin dernier élément, la notion même de mérite pose problème sur le plan philosophique dans la mesure où il est difficile de déterminer ce qu’est le mérite. Le mérite semble être lié à l’importance de l’effort personnel accompli par le sujet. Or si, par exemple, la capacité à faire des efforts est innée ou est liée à l’éducation transmise par le milieu social, dans ce cas, les différences de mérite entre les sujets sont discutables.
ANNEXE:
Compétences scolaires et inégalités sociales.
On sait que les système scolaire français reproduit les inégalités sociales au lieu de les corriger. Mais plus précisément, les compétences scolaires sont également socialement distribuées.
Classes moyennes supérieures et maîtrise du langage:
Avant l’entrée en primaire, les enfants des classes moyennes supérieures ont un niveau de vocabulaire (nombre de mots connus) supérieur à celui des classes populaires.
Genre et compétences scolaires
Les filles ont en général une meilleure maîtrise du langage et les garçons une meilleure maîtrise des compétences visuo-spatiales.
Les garçons sont meilleurs que les filles aux évaluations en mathématiques à 15 ans.
Élèves intellectuellement précoces et classes sociales
Les enfants intellectuellement précoces sont plus souvent des garçons issus des classes moyennes supérieures. Lorsque l’on observe la composition des tests: compétences verbales et raisonnement perceptifs (visuel) y occupent une bonne place. Cela est congruent avec les compétences socialement développées par les garçons de ces classes sociales.
Conclusion:
Sachant que la mémoire sémantique est le facteur le plus corrélé à la réussite scolaire, il est certainement important que le système scolaire relativement aux enfants des classes populaires s’attache à:
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dès la maternelle: à développer le vocabulaire et l’inférence chez les enfants des classes populaires
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en primaire et dans le secondaire: encourager la lecture car elle est la seule activité de loisir significativement corrélée à la réussite scolaire. Elle permet aux élèves de compenser les inégalités sociales.
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