C'est sous la forme de la science-fiction qu'est bien souvent distillé l'imaginaire techniciste transhumaniste auprès du grand public. Présenté parfois sous une forme dystopique, c'est au contraire bien souvent comme une allégorie positive qu'il est mis en scène comme le montre trois récents exemples cinématographiques.
Avec les films Her (de Spike Jonze, sortie en France en mai 2014), Transcendance (Wally Pfister, juillet 2014) et Lucy ( de Luc Besson, août 2014), ce sont trois utopies technologiques qui sont mises en scène. Mais ce ne sont pas les seules récentes productions qui appuient l'omniprésence de l'imaginaire transhumaniste et techniciste...
Dans Her, il s'agit de l'intelligence artificielle de l'ordinateur parvenu à la conscience et à la capacité d'éprouver des sentiments. Dans Transcendance, il s'agit de l'utopie consistant à transférer l'esprit humain comme un logiciel qui serait placé sur un hardware. Avec Lucy, on retrouve une thématique déjà mise en scène avec le film Limitless, à savoir celle de l'individu qui a absorbé une substance chimique qui décuple ses capacités intellectuelles et physiques...
Les blockbusters produits par Hollywood reposent principalement actuellement sur la science-fiction ou sur le super-héros de comics, qui est une autre forme de l'humain augmenté.
Parallèlement à cela, il ne se passe par une semaine, sans que les magazines ou d'autres media, ne fassent un sujet sur l'avancé des nouvelles technologies : ma vie connectée, apprendre à vivre avec les robots, commander des jeux video par la pensée, lunette de réalité augmentée, voiture sans pilote, génération selfie ou génération clics....
Les univers décrits dans les films diffusés au cinéma n'apparaissent plus dans un tel contexte comme une possibilité lointaine, mais comme une version d'un proche futur. Le monde du numérique se met en scène comme le cœur de la réalité.
Ce qui se joue, c'est l'effacement par la société du spectacle de la réalité et du virtuel. Si Paul Virilio ou Hartmut Rosa ont mis en avant l'accélération du temps dans les sociétés contemporaine, il faudrait plutôt désormais parler de l'effacement de la distinction entre le présent et le futur. Le futur est sans cesse présenté comme déjà là dans le monde de l'économie numérique.
Le monde du numérique se donne à voir comme le cœur de l'économie et de la réalité du monde actuel. Baudrillard avait affirmé la mort du réel tué par les représentations. Mais, c'est là où réside l'illusion et l'erreur de la postmodernité : le réel continue d'exister dans sa matérialité.
C'est au contraire l'idéologie techniciste qui laisse à croire à sa disparition : réalité virtuelle ou augmentée, humain augmenté...viennent s'opposer au caractère limité des ressources naturelles, à l'existence des inégalités sociales et à la mortalité des êtres humains dans des guerres qui ne sont pas virtuelles.
Le rêve des entreprises au sein de l'économie capitaliste serait bien de produire l'intégralité de la réalité de l'individu, de le faire vivre dans une réalité virtuelle, qu'ils pourraient contrôler. Ne peut-on pas imaginer plus formidable utopie capitaliste que celle où les individus travaillent et achètent dans le monde virtuel. Ainsi certaines entreprises du numérique l'ont bien compris, elles font travailler des prolétaires de l'économie numérique et les paient sous forme du bons d'achat qu'ils peuvent dépenser sur les sites pour lesquels ils travaillent.
Le monde de l'économie spectaculaire marchande laisse à voir également parfois dans certaine de ces productions la technique comme rapport social comme dans Elysium ou Time Out par exemple. Ce qui est mis alors en scène, c'est l'inégalité de richesse que suppose l'acquisition de ces technologies. Mais en revanche, n'est pas mis en scène les inégalités de capital culturel que suppose le rapport à la machine entre ceux qui occupent les activités de conception - qui maitrisent les technologies - et ceux qui occupent les activités d'exécution ou qui sont éliminés du circuit de production par les technologies.
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