La victoire posthume d’Oussama Ben Laden
CNRS Editions, 2014, 60 p., 5 euros
Jacques Follorou est journaliste au monde: il a en particulier travaillé sur les documents communiqués par Edouard Snowden lors de l’affaire des écoutes de la NSA. Dans ce petit opuscule, il prend partie pour les libertés publiques contre l’obsession sécuritaire de la lutte anti-terroriste.
L’ouvrage est divisé en deux parties. Il vise à fournir des informations factuelles plutôt qu’à fournir des explications ou une réflexion sur les raisons de fond de cette vague sécuritaire.
La première partie de l’ouvrage “l’Etat de droit victime d’une société “ultra-préventive”” revient sur plusieurs dimensions de la lutte anti-terroriste. L’auteur souligne tout d’abord qu’il s’agit d’une “guerre sans frontière” pour le gouvernement américain. Il se penche ensuite sur l’une des modalités de cette guerre à savoir l’existence de prisons secrètes réparties dans le monde entier et cela dès la présidence Clinton. En outre, il faut ajouter des opérations d’assassinat, de capture et l’usage de la torture. Bien évidement, l’auteur rappelle que ces méthodes sont contraires aux conventions de Genève.
L’auteur concentre ensuite son analyse sur le JSOC (Joint Special Organisation Command): ce sont les forces spéciales américaines. Ces forces sont intervenues en particulier pour mener la stratégie d’assassinats ciblés entrepris par les Etats-Unis depuis 2001.
L’auteur s’interesse après cela à un autre instrument de la réalisation de la politique anti-terroriste américaine: les drones militaires. Il rappelle en particulier deux problèmes liés à l’usage de ces technologies. D’une part, le fait qu’il n’existe pas de réglementation internationale concernant leur usage. D’autre part, les dommages collatéraux (sur les civils) qu’occasionnent l’usage de ces avions sans pilotes.
Enfin, l’auteur étudie le rôle de deux autres états au côté des Etats-Unis à savoir la Grande Bretagne, qu’il qualifie “d’avant-garde du non-droit” et la France à qui il attribue la fonction de “force supplétive”.
La deuxième partie de l’ouvage s’intitule “les libertés victimes d’une surveillance d’Etat”. L’auteur rappelle comment avec les nouvelles technologies du numérique, la surveillance effectuée, au nom de la lutte anti-terroriste, est devenue une surveillance de masse. C’est ce qu’à montré l’affaire des écoutes de la NSA révélée par Edouard Snowden. L’ampleur de ces écoutes montre que la surveillance débordait largement l’objectif de la lutte anti-terroriste.
L’auteur rappelle également que la NSA a travaillé en étroite collaboration avec les services secrets français et britanniques pour mener à bien ces écoutes. Ce sont également des entreprises privées qui ont prêté leurs concours à ces opérations de surveillance comme Orange. L’auteur souligne comment tout cela échappe en grande partie au contrôle des élus qui sont sensés pourtant représenter le pouvoir démocratique de la population.
Mais en outre, souligne l’auteur, cette surveillance globale s’avère relativement inefficace pour lutter contre le terrorisme. En effet, les auteurs d’attentats, comme Mohammed Merah ou Mehdi Némmouche, étaient absents d’Internet et des réseaux sociaux.
En définitif, l’auteur s’interroge sur la disproportion entre l’atteinte aux libertés publiques et la probabilité de danger réel que constituent les attentats terroristes si l’on compare par exemple avec les accidents de la route. Il souligne enfin un amalgame couramment effectué entre djiadiste et terroriste. Les personnes parties combattre au nom du djiad en Syrie ne sont pas toutes liées aux mêmes organisations et toutes ne prônent pas le recours à des actions terroristes sur le sol européen.
On peut cependant regretter que le format de l’ouvrage ne permette pas une analyse de fond des raisons et des conséquences de ces orientations politiques liberticides effectuées au nom de la lutte anti-terroriste.
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