On trouve chez certains auteurs, comme Jean-Claude Michea, la thèse que la mondialisation néolibérale actuelle pourrait être comprise sous l’angle d’une association étroite entre libéralisme économique et culturel. Néanmoins, cette vision du capitalisme est trop europeanocentrée et manque l’analyse radicale du capitalisme.
Mondialisation capitaliste et libéralisme culturel
Marx avait montré que le capitalisme ne peut être pensé uniquement sous l’angle de ses effets culturels, mais doit être analysé radicalement comme un rapport d’exploitation marqué par une logique économique qui est celle de l’accumulation du profit pour le profit.
On peut considérer en effet comme contestable l’association qui est faite entre la mondialisation capitaliste néolibérale et le libéralisme culturel. Il s’agit là d’un regard européanocentré et limité du capitalisme. Dans bien des régions du monde, le capitalisme s’est implanté en se développant sur la base d’autres formes culturelles.
Le Japon en constitue un exemple de longue date. Le capitalisme s’y est implanté et le libéralisme culturel y a certes gagné du terrain, mais sans que les structures culturelles communautaires s’y soit dissoutes.
Ainsi, l’entreprise capitaliste japonaise repose sur une conception puissante de la solidarité qui ne valorise pas de manière excessive l’individualisme. L’organisation du travail, appelée Kaisen, suppose que chaque employé, y compris l’ouvrier de base, peut apporter des améliorations et faire preuve d’une créativité qui peut servir l’entreprise conçue comme une communauté.
L'islam fondamentaliste des Emirats du Golfe et Saoudien ne s’est pas non plus montré culturellement incompatible avec le développement du capitalisme. Des régimes politiques autoritaires et une religion, moralement rigoriste, ne constituent pas des obstacles infranchissables à l’implantation de l’économie capitaliste.
Il n’est jusqu’aux structures de l’appareil d’Etat bureaucratique chinois avec lequel le capitalisme ne s’est hybridé. La limite sur laquelle on peut s’interroger, c’est si effectivement la forme bureaucratique - par exemple de l’enseignement - qui est certes compatible avec un capitalisme industriel, peut être compatible avec le capitalisme cognitif.
Ainsi, il est possible d’avancer que la critique du libéralisme culturel ne permet pas d’atteindre la base du capitalisme. Elle constitue une forme superficielle de la critique qui reste limitée à la critique du capitalisme cognitif qui semble avoir besoin pour se développer de cette forme culturelle. C’est du moins par exemple la thèse de Richard Florida, sur la classe créative: cette classe productrice d’une croissance endogène serait liée à un certain style de vie: tolérance sexuelle, diversité immigratoire, présence d’artistes...
L’entrepreunariat social et le capitalisme
Les tenants de l’entreprenariat social défendent la thèse qu’une évolution de la société prenant davantage en compte des dimensions éthiques permettra la remise en cause de capitalisme pour passer à une économie coopérative. C'est par exemple la thèse de la Troisième révolution industrielle de Jérémy Rifkin.
Cette conception du monde associe libéralisme culturel et coopération sociale. Elle repose sur ce que le sociologue Paul Ray et la psychologue Sherry Anderson appellent les créatifs culturels. Ce groupe social se caractérise pas quatre traits: ouverture aux valeurs féminines, aux valeurs écologiques, à la justice sociale et au développement personnel.
Les créatifs culturels apparaissent comme une frange de la population productrice d’innovation. De fait, elle intéresse les entrepreneurs du capitalisme de l’innovation. Cette frange est susceptible de produire des innovations qui peuvent générer de la croissance endogène. Il s’agit ensuite de trouver un modèle économique qui permet de dégager de la plus-value.
De leur côté, les entreprises de l’économie sociale et solidaires sont contraintes soit de constituer un réseau de consommation fonctionnant sur des bases éthiques et non pas marchandes (c’est-à-dire optimisation rationnelle de l’intérêt du consommateur), soit d’être aussi performantes que les entreprises fonctionnant sur le modèle capitaliste classique, ce qui veut dire de se soumettre à la concurrence capitaliste.
Conclusion:
Il est possible de remarquer que le capitalisme industriel aussi bien que le capitalisme cognitif cherchent à former des travailleurs performants. Les méthodes utilisées sont différentes: dans un cas, il s’agit d’être capable de répéter à la perfection, dans un autre cas d’être créatif. Le travail n’a pas de valeur en soi, seul compte le travail performant. Que ce soit dans les écoles Kung fu en Chine ou dans l’école 42 de Xavier Niel, il s’agit de ne faire aucune erreur, d’être le premier (ou le leader)... Cette recherche de perfection s’inscrit dans une logique concurrentielle. Il ne s’agit pas seulement de faire de son mieux. Il s’agit de faire toujours plus haut, plus fort, que les autres.
Le capitalisme, comme l’avait déjà remarqué Proudhon, a besoin de s’appuyer sur la puissance de coopération des travailleurs et non uniquement sur la concurrence.
Le capitalisme japonais ou chinois n’a pas besoin de s’appuyer sur une valorisation de l’individualisme. Cela lui vaudrait néanmoins comme point faible de ne pas suffisament favoriser la créativité.
Du côté du capitalisme cognitif, il serait faux de penser que seul l’individualisme et la compétition sont valorisés. Car il est également exigé que les travailleurs soient capables de travailler entre eux et de collaborer au sein de l’entreprise pour s’appuyer sur l’intelligence collective et les avantages économiques générés par le management coopératif.
Néanmoins, quelle que soit le forme prise par le capitalisme (industriel ou cognitif), il s’agit toujours d’augmenter le taux de profit et de soumettre les travailleurs à cette logique, que ce soit par une taylorisation du travail ou un “feel good management”. Cette logique pouvant conduire à l’épuisement professsionnel: mort par surtravail, burn out, Karoshi...
Annexe:
Le capitalisme chinois et la pédagogie autoritaire:
Documentaire: Les filles du dragon - les école chinoises de Kung fu:
https://www.youtube.com/watch?v=TA08GPzA_OU
Le capitalisme de l’innovation et les créatifs culturels:
Documentaire: La démocratie c’est nous.
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