Les enseignants, comme la plupart des anciens élèves, ont intériorisé un curriculum caché durant leur scolarité. Se pose alors la question de savoir par quel moyen il est possible de l’expliciter et de le déconstruire.
Spontanéité et finalité de l’apprentissage
L’éducation nouvelle s’est appuyée sur l’idée que l’élève est spontanément actif et donc qu’il cherche spontanément à apprendre. Cette thèse semble trouver une confirmation dans le fait que la plupart des enfants de maternelle, mais également de primaire, éprouvent une appétence pour les apprentissages et se montrent participatifs.
La finalité de l’apprentissage aujourd’hui le plus souvent admise est qu’il s’agit de former des apprenants autonomes et actifs face à leurs apprentissages.
Néanmoins le paradoxe, c’est qu’alors que les élèves semblent actifs durant le primaire, ils perdent au cours de leur scolarité secondaire leur motivation intrinsèque et adoptent une attitude plus passive vis-à-vis des apprentissages.
On a pu incriminer plusieurs causes à cela: les notes, les programmes, les pratiques pédagogiques des enseignants…
Le socioconstructivisme s’est orienté vers une réponse consistant à rendre par les pratiques pédagogiques l’élève acteur de ses apprentissages. Néanmoins, il s’agit sans doute surtout de ne pas éteindre sa curiosité et son intérêt pour les savoirs.
Déconstruire le curriculum caché des enseignants
Néanmoins on peut émettre l’hypothèse que ce sont les pratiques pédagogiques des enseignants, reflet de leur rapport au savoir, qui conduisent à cette attitude de passivité de la part des élèves.
Force est de constater que nombre d’étudiants, lorsqu’ils se retrouvent, en situation d’apprenants dans le cadre de leur formation initiale, des enseignants, reproduisent les attitudes des élèves: centration sur la note plutôt que sur les apprentissages, attitude passive et manque de curiosité et d’esprit critique intellectuel…
La formation des enseignants peut donc avoir comme fonction l’explicitation de ce curriculum caché par la constitution d’un conflit socio-cognitif où le formateur fait émerger le caractère paradoxal de l’attitude des enseignants en situation d’apprenant.
Il rend visible les paradoxes comme par exemple :
- Comment un enseignant éloigné des pratiques de lecture légitimes peut-il inciter les élèves à entrer dans la culture lettrée ?
- Comment un apprenant qui est lui-même passif peut être un enseignant qui rend les élèves actifs ?
- Comment un enseignant qui éprouve des difficultés à être dans une attitude de secondarisation vis-à-vis des savoirs peut-il construire cette attitude auprès des élèves ?
- Comment un enseignant qui n’est pas lui-même engagé peut-il inciter les élèves à s’engager dans la vie publique comme cela est demandé dans les programmes ?
Le formateur n’est pas là pour conforter les futurs enseignants dans leurs habitudes, mais pour les interroger sur leurs idées reçues. La capacité à former l’esprit critique est en effet une capacité requise pour les enseignants vis-à-vis de leurs élèves. C’est donc également par la confrontation avec des formateurs critiques que les enseignants peuvent travailler leur compétence professionnelle à l’esprit critique.
Conclusion:
Le socioconstructivisme met en avant le fait que ce sont les dispositifs qui doivent primer et que ceux-ci doivent rendre l’élève acteur de ses apprentissages.
Mais il est plutôt possible de considérer que c’est le type d’interaction que crée l’enseignant avec ses élèves qui favorise la construction d’une activité cognitive qui est celle qui correspond au cadrage instruit.
Le langage courant résume cela par: “c’est un enseignant qui nous fait réfléchir” ou qui “nous force à réfléchir”. L’enseignant doit provoquer par ses interactions avec les élèves des attitudes de secondarisation et de distanciation intellectuelle critique. Mais cela suppose que l’enseignant soit lui-même capable d’un tel rapport au savoir.
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Mahamadou Antché (samedi, 10 décembre 2022 22:38)
Livre sur la motivation des enseignants