L’école peut être analysée comme un espace d’intériorisation de l’aliénation technocratique.
1- L’aliénation anté-scolaire
La structure de la modernité est la technocratie. Celle-ci est rendue possible par l’émergence d’un rapport au monde basé sur la calculabilité.
La rationalité computationnelle rend possible la production de techniques différentes de la technique traditionnelle : c’est l’ère des technosciences.
Elle introduit un rapport social de domination entre ceux qui dominent la machine et ceux qui sont au service de la machine comme le met en évidence Simone Weil dans son analyse de la technocratie.
La technocratie se manifeste d’abord sous une forme bureaucratique: c’est l’Etat administratif bureaucratique et le taylorisme dans le capitalisme industriel.
Mais la technocratie actuelle prend une forme techno-managériale. Le management par projet transforme aussi bien les formes d’organisation du capitalisme dans les économies post-industrielles que de l’Etat avec le nouveau management public.
Les élèves, pour leur part, n’arrivent pas comme des pages vides à l’école. En particulier par le contact avec les produits de la société spectaculaire marchande, les enfants ont déjà intériorisé les rapports sociaux de genre et les logiques utilitaristes du capitalisme.
2- L’aliénation scolaire technocratique et le capitalisme bureaucratique industriel
La forme scolaire traditionnelle - l’école caserne - a été en homologie structurale avec l’organisation de l’Etat administratif bureaucratique et du capitalisme industriel.
L’école traditionnelle est décrite par Michel Foucault comme une institution de contrainte disciplinaire:
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les châtiments corporels y sont pratiqués
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l’école impose un rythme et des règlements qui rappellent le régime de la fabrique: horaires, contrainte d’être enfermé dans une classe, récréation…
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exercices scolaires taylorisés
2- L’aliénation cognitive technocratique à l’école
L’organisation technocratique de l’école impose une aliénation cognitive aux enseignants et aux élèves.
Les enseignants sont recrutés sans qu’on leur demande de s’interroger sur le sens philosophique de leur action à l’école. Ils doivent connaître les programmes et les appliquer.
Les élèves, sous l’effet de l’enseignement qu’ils ont reçu, sont capables de réaliser des procédures techniques, mais incapables de discuter le sens de ce qu’ils font.
La micro-sociologie de la vie scolaire indique comment celle-ci est un lieu d’intériorisation de la soumission à l’autorité et du conformisme social. Le harcèlement scolaire constitue un exemple de l’intériorisation de ces mécanismes.
L’ensemble de la vie scolaire contribue à construire ces mécanismes psycho-sociaux sur lesquels se nourrissent la banalité du mal en particulier en entreprise.
Il s’agit d’appliquer des règles techniques sans s’interroger sur le sens de ses actions.
3- L’aliénation technocratique à l’école à l’ère techno-managériale
Néanmoins, les formes de la contrainte bureaucratique sont l’objet d’une critique dans le capitalisme par projet.
Le management par la pression en entreprise s’avère une forme de gouvernementalité économiquement coûteuse.
Le discours sur le bien-être en entreprise recouvre l’objectif de parvenir à un contrôle “soft” des travailleurs. Il s’agit d’exercer une “tyrannie douce”, une contrainte invisible.
Pour cela, la contrainte ne doit pas être directement exercée par des êtres humains dans un rapport hiérarchique, mais à travers des “dispositifs” technologiques (Foucault).
L’école 42 fondée par Xaviez Niel constitue un bon exemple de cette nouvelle forme de gouvernementalité scolaire. La contrainte n’est pas exercée par un enseignant ou un supérieur hiérarchique, mais par des dispositifs techniques.
Ces dispositifs techniques contraignent les individus à coopérer pour produire. Ils les contraignent à produire dans un temps donné.
La surveillance n’a pas disparu, mais elle n’est pas exercée directement par un être humain, mais au travers de caméras.
Les dispositifs pédagogiques, où l’enseignant s’efface et laisse l’élève en autonomie, peuvent relever des mêmes technologies de contrôle. L’enseignant devient une sorte d’ingénieur pédagogique. Son rôle est de mettre en oeuvre des dispositifs pédagogiques.
C’est pourquoi ces méthodes pédagogiques sont appréciées dans le nouvel esprit du capitalisme.
On remplace le gouvernement des hommes par les hommes par un apparent gouvernement des hommes par les choses.
C’est le passage de l’école comme institution disciplinaire (société bureaucratique) à l’école de la société de contrôle (nouveau management et technologie numérique).
Conclusion:
La résistance à l'intérieur de l’ordre scolaire doit d’abord être une résistance à l’aliénation cognitive par la colonisation des manières de penser et d’agir par la rationalité technique. Cette aliénation cognitive constitue une cage d’acier intellectuelle.
Cette aliénation se caractérise par:
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ne mettre en avant que l’efficacité technique sans réfléchir sur les finalités de l’action
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la colonisation des manières d’être par la logique spectaculaire marchande et l’utilitarisme marchand, par la logique algorithmique, par la logique administrative managériale...
La résistance à l’aliénation cognitive suppose de développer une pensée critique qui s’interroge sur le sens des savoirs, qui interroge les mécanismes de reproduction des inégalités sociales et de soumission sociale.
Cette résistance effectue la théorie critique de l’ordre scolaire et cherche à élaborer les tactiques de résistance à l’aliénation technocratique à laquelle participe la forme scolaire.
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Rigane (dimanche, 19 mars 2017 08:54)
Super article
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