Les enseignants disposent d’une liberté pédagogique qui leur est reconnue par les textes. Mais les évolutions des politiques publiques en faveur d’une évaluation des pratiques peut amener quelques changements à ce sujet.
L’évaluation quantitative, une tendance lourde du management public
Les nouvelles formes de management public, comme dans le privé, tendent à chercher à appuyer la légitimité de leurs actions sur des méthodes d’évaluation issues de l'épidémiologie médicale.
Cela conduit à chercher à orienter les politiques publiques et les pratiques enseignantes en les appuyant sur des expérimentations issues de la recherche.
Le risque c’est que cela conduise à imposer de l’extérieur des standards de pratiques professionnelles jugées efficaces.
Cette tendance à standardiser et à normaliser les pratiques professionnelles est une réalité qu’ont connue d’autres professions comme les professions médicales. Mais cette perte d’autonomie professionnelle vers une standardisation des pratiques ne va pas sans engendrer de la souffrance chez les salarié-e-s qui y sont contraints.
(voir par exemple: Fatéma Safy-Godineau, « La souffrance au travail des soignants : une analyse des conséquences délétères des outils de gestion », La nouvelle revue du travail [En ligne], 3 | 2013. URL : http://nrt.revues.org/1042)
La nécessité de préserver l’autonomie professionnelle des enseignants
Les méthodes d’évaluation des pratiques enseignantes efficaces ne prennent pas en compte l’importance de l’effet pygmalion (1) dans l’enseignement. Celui-ci est traité comme un effet halo. Cela signifie que l’on considère qu’il faut que les croyances individuelles de l’enseignant sur ses propres pratiques n’interviennent pas dans l’expérimentation. Il s’agit de déterminer quelles sont les pratiques les plus efficaces en général.
Mais il faut tenir compte du fait qu’un enseignant, du fait de l’effet pygmalion, peut obtenir de bien meilleurs résultats avec les pratiques professionnelles auxquelles il croit.
Par conséquent, l’enjeu n’est pas tant de faire en sorte que tous les enseignants utilisent les mêmes pratiques, mais faire en sorte que les enseignants utilisent les pratiques qui sont les plus efficaces pour eux.
Mais afin d’obtenir un tel résultat, il est nécessaire que les enseignants puissent avoir connaissance et expérimenter des pratiques qui ont été jugées efficaces par la recherche.
Il faut en outre qu’ils aient les moyens d’évaluer l’efficacité de ces pratiques par rapport à leur propre activité et qu’ils puissent les ajuster et les modifier en fonction de leur réalité de terrain.
Construire des instruments d’auto-évaluation
Par conséquent, ce qui s’avère le plus utile ne consiste pas à établir des instruments d’évaluation valables pour tous, mais à construire des instruments qui permettent aux enseignants, en tenant compte de leurs contraintes professionnelles, d’objectiver leurs pratiques et de les auto-évaluer, de manière à pouvoir les ré-ajuster.
Les méthodes qui peuvent être mises en place ne sont pas des copies des méthodes de la recherche fondamentale car l’objectif est en premier lieu de tenir compte des contraintes professionnelles de l’enseignant.
Mais à l’inverse, il faut tenir compte du fait que l’enseignant est en immersion plus longue sur le terrain. Il peut donc recueillir des informations en amont et en aval de l’expérimentation qui lui permettent de la mettre en perspective d’une manière que ne permettent pas les méthodes d’évaluation standardisées.
Il peut en outre utiliser plusieurs méthodes de recueil de données pour les croiser et pouvoir ainsi recouper ses résultats ou les compléter par d’autres informations qui peuvent être pertinentes.
Conclusion:
Une démarche qui peut permettre aux enseignants d’améliorer leurs pratiques d’enseignement peut bien consister dans une méthode quasi-expérimentale, mais adaptée aux contraintes du terrain professionnel.
L’enseignant peut s’inscrire dans une démarche d’amélioration progressive de ses pratiques pédagogiques par une expérimentation contrôlée d’ajustements pédagogiques.
On obtient le modèle suivant:
Situation professionnelle -> Problème professionnel -> Etat de la recherche sur la situation professionnelle -> Formulation d’hypothèses à tester -> Expérimentation des hypothèses -> Recueil et interprétation des résultats -> Formulation de nouvelles hypothèses
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L’effet pygmalion a été mis en lumière lors de nombreuses études en psycho-sociologie. Il s’agit d’une capacité de l’enseignant à améliorer les résultats de ces élèves relativement à ces croyances et en particulier relativement à la croyance qu’il a de particulièrement bons élèves devant lui.
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