La pédagogie critique des normes (norm-critical pedagogy) est un courant scandinave de la pédagogie critique qui émerge à partir des années 2000 et qui vise à rendre visibles les normes, à les problématiser et à les changer.
L’approche de la pédagogie critique des normes consiste à considérer que l’école est un lieu de reproduction de la normativité, et participe ainsi à la discrimination de certains groupes sociaux, en contribuant à définir le normal et l’anormal.
La pédagogie critique des normes constitue un courant de lutte contre les préjugés et les stéréotypes qui affectent: les femmes, les minorités sexuelles, les immigrés, les personnes en situation de handicap et de manière générale toutes les personnes socialement marginalisées. La perspective adoptée est intersectionnelle.
Le site Internet de l’Institut Royal de technologie de Suède distingue deux étapes principales dans une pédagogie critique des normes: rendre visibles les normes et les interroger afin de lutter contre les discriminations.
La pédagogie critique des normes se centre sur les normes dominantes et non pas sur les personnes déviantes, à la différence de la pédagogie de la tolérance qui se donne pour objectif d’augmenter l’acceptation de la déviance. En effet, c’est la norme dominante qui crée la déviance. De fait pour déconstruire cette norme, il est nécessaire d’en prendre conscience et de l’analyser, et non pas de la concevoir comme une évidence.
La pédagogie critique de la norme met en évidence les privilèges sociaux que créent l’existence de normes dominantes discriminatoires. Ceux qui correspondent à la norme se trouvent donc socialement privilégiés sans avoir nécessairement conscience des privilèges qui sont attachés à leur position sociale. Il s’agit donc d’obtenir une attitude d’auto-réflexion critique de la part des personnes qui bénéficient de privilèges sociaux.
La pédagogie critique des normes met également en évidence les liens entre les normes dominantes et leurs conséquences discriminatoires: blagues, remarques, regards insistants, violences verbales ou physiques, harcèlement…
La pédagogie critique de la norme scolaire
La pédagogie critique des normes se centre sur les normes dominantes qui sont reproduites par l’école, mais on peut également s'intéresser à l’école en tant qu’elle est productrice de normes.
L’école produit effectivement une norme qui est celle de l’échec et de la réussite scolaire. Cette norme joue dans la sélection des élèves et leur hiérarchisation en vue du marché du travail. La scolarisation de la société désigne la place centrale qu’a pris l’école sous l’effet de l’emprise des diplômes devenus une condition sine qua non de l’accès à l’emploi.
Pour cela, l’école met en place une compétition scolaire qui repose sur un classement des élèves en fonction des notes qu’ils obtiennent aux évaluations. Mais en outre, cette évaluation porte sur des savoirs particuliers, considérés comme des savoirs scolaires. Ceux-ci sont liés à la culture scripturale issue de la culture bourgeoise. En outre, au sein de ce système, les mathématiques, considérées comme une matière plus “masculine” sont instituées en discipline sélective par excellence.
Sont donc définis comme anormaux ou comme inférieurs: ceux/celles qui ne maîtrisent pas ou n’ont pas le goût de la culture scolaire scripturale, ceux/celles qui n'excellent pas dans les matières scientifiques et mathématiques, ceux/celles qui n’obtiennent pas des “bonnes notes”.
Dans ce cadre, l’organisation d’une compétition scolaire sanctionnée par des notes occupe une place normative centrale. En effet, au lieu d’orienter l’école vers la réussite de tous dans l’acquisition des savoirs scripturales, elle met en oeuvre un système de sélection et de tri. En outre, les notes, au lieu de favoriser la motivation intrinsèque des élèves pour les savoirs scolaires, les conduisent à développer des buts de performance et non de maîtrise.
L’école produit, avec la norme des notes, une norme paradoxale qui, au lieu de conduire les élèves à développer un amour du savoir, les conduit à développer des logiques utilitaristes orientées vers la note. Ainsi, l’école est susceptible de produire deux types d’échec scolaire: l’échec de celui/celle qui ne parvient pas à acquérir les savoirs scolaires, l’échec de celui/celle qui ne s'intéresse pas aux notes mais à une maîtrise en profondeur des savoirs intellectuels.
Bibliographie:
The Living history forum, Break the norm (2009). URL:
http://www.includegender.org/wp-content/uploads/2014/02/BreakTheNorm.pdf
Devieilhe Elise, Représentations du genre et des sexualités dans les méthodes d’éducation à la sexualité élaborées en France et en Suède, Thèse, 2014.
URL: http://www.includegender.org/wp-content/uploads/2014/02/BreakTheNorm.pdf
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