Le système scolaire reproduit la norme de “l’étalon majoritaire” (Deleuze). Mais se pose la question de savoir par quels dispositifs matériels l’institution scolaire produit cette reproduction. Il n’est pas besoin pour cela de supposer une quelconque intentionnalité à l’oeuvre dans ces dispositifs, mais de constater les conséquences de leur fonctionnement. Il ne s’agit pas non plus de supposer que l’école soit le seul espace de reproduction des normes de domination, mais de l’analyser comme un des lieux de production de cela. La reproduction sociale par l’institution scolaire s’appuie bien évidemment sur des fonctionnement sociaux qui lui préexiste.
Les dispositifs d’institution d’une culture scolaire de classe moyenne
La forme scolaire impose des comportements qui sont la condition de possibilité du devenir élève ainsi que des contenus. Ceux-ci sont considérés par des sociologues, comme Pierre Bourdieu, comme entretenant une proximité plus grande avec la culture des classes moyennes.
Les règlements intérieurs, la discipline organisée par l’enseignant dans la salle de classe ou encore le contenu des programmes scolaires sont autant de dispositifs qui contribuent à imposer comme norme scolaire une culture dont les codes sont proches de la culture de la classe moyenne.
Ces dispositifs contraignent les élèves de milieux populaires à s’y adapter ou à se retrouver exclus de l’ordre scolaire et stigmatisés comme élèves ayant des problèmes de comportement.
De ce point de vue, la socialisation de genre différenciée entre fille et garçon conduit à favoriser un rapport distinct aux normes de comportement scolaire.
La norme du comportement scolaire est telle que son non-respect peut donner lieu à un étiquetage sauvage, de la part des enseignants, en élève “hyperactif” renvoyant le comportement déviant à l’ordre de la pathologie.
Le système d’évaluation, en particulier, par une notation chiffrée
La normativité du système scolaire repose sur une évaluation permanente. Le système scolaire français se caractérise en particulier par la tendance à évaluer très souvent les élèves. Au coeur de ce système d’évaluation figure en particulier la note chiffrée qui permet de hiérarchiser les élèves en faibles, moyens et bons élèves.
L’existence des notes peut générer des malentendus socio-cognitifs chez les élèves en favorisant un rapport utilitariste au savoir et des buts de performance, plutôt que de maîtrise. L’élève se centre sur l’acquittement de la tâche et un apprentissage de surface.
La socialisation des familles de classe moyenne aide l’élève à éviter de réduire uniquement son rapport au savoir à un conformisme scolaire afin de pouvoir acquérir un sens du “jeu scolaire” qui est propre aux classes moyennes supérieures qui leur permet de jouer avec la règle du jeu scolaire: l’appliquer, tout en se situant au-delà des attendus scolaires.
L’orientation scolaire et l’existence de filières professionnelles genrées
Le système de l’orientation scolaire constitue un dispositif dans lequel les préjugés sociaux, classistes et ethno-raciaux, des enseignants s’expriment en reproduisant les inégalités sociales. Les enseignants sur-orientent, à notes égales, les élèves de milieux populaires et immigrés dans les sections spécialisées (type SEGPA) et les sections professionnelles.
En outre, l’existence de matières connotées avec des stéréotypes sexistes, puis de filières professionnelles et technologiques qui correspondent à des stéréotypes de genre, favorisent l’orientation des filles et des garçons dans chacune de ces filières en fonction de leur genre.
Conformisme sociale et pression de groupe
L’existence de matières auxquels sont attachés des stéréotypes de genre favorise l’identification des élèves à des rôles sociaux de genre au sein de l’école. En outre, avec la valorisation des mathématiques, comme matière permettant la sélection, l’école favorise le maintien de la domination masculine.
Le déroulement des cours dans un cadre collectif consolide le maintien des stéréotypes du fait de la pression sociale du groupe élève qui peut amener à sanctionner par l’exclusion ou le harcèlement la transgression des normes de genre.
Réussite scolaire et pathologisation de l’échec scolaire
La place centrale qu’a prise la certification scolaire, dont l’Etat a le monopole dans la définition de la norme avec en particulier le baccalauréat comme condition de l’accès au marché de l’emploi et aux études supérieures, mais également l’existence de diplômes nationaux, a conduit à donner une place sociale centrale à la réussite scolaire.
Les élèves en difficulté scolaire - lecture, écriture, calcul…- sont soupçonnés de relever d’une pathologie non encore diagnostiquée appelée “trouble de l’apprentissage” (en particulier les différents troubles dys-).
De la production du comportement disciplinaire au comportement néo-libéral.
La forme scolaire classique visait à produire un type d’ethos qui soit adéquat au système industriel. Mais l’économie néo-libéral et le capitalisme par projet, requierent un ethos néo-libéral: autonomie, créativité, sens de l’initiative…. Il faut devenir entrepreneur de soi-même.
Les nouvelles pédagogies peuvent être alors considérées comme des dispositifs adéquats pour produire ce type d’ethos néo-libéral.
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