Pourquoi les homme militants et intellectuels blancs se sentent dispensés de s’informer et de lire les auteurs femmes et racisé-e-s
qu’ils critiquent ?
A l’heure de l’hyper-accessibilité en ligne de l’information sur Internet, je ne cesse de m’étonner qu’un certain nombre de personnes - généralement des hommes blancs - critiquent des thèses de
militant-e-s et d’auteur-e-s sans semble-t-il prendre la peine de faire des recherches sur le sujet ou de lire les auteur-e-s concernées ?
J’ai été confronté à cette attitude à plusieurs reprises ces derniers temps d’une manière qui ne me cesse de m’étonner lorsqu’elle vient de personnes faisant profession d’universitaires rigoureux
ou de militants se considérant comme de gauche.
Quelques exemples:
Un universitaire écrit un article pour critiquer la non-mixité afro-féministe et il met cela en lien avec des questions épistémologiques. A aucun moment au cours de sa critique, cet auteur ne
cite les épistémologues femmes noires américaines, comme Patricia Hill Collins qui ont travaillé sur le sujet. Cet auteur écrit un article sur non-mixité féministe et épistémologie et semble-t-il
à aucun moment il ne se renseigne sur le fait qu’il existe une très vaste littérature d’épistémologie féministe.
Un autre intellectuel écrit sur l’appropriation culturelle. Là encore, il ne cite que quelques anecdotes parmi les plus ridiculement controversées sur le sujet. En revanche, rien n’est dit de la
campagne contre l’appropriation culturelle qui a été menée par exemple une organisation de peuples autochtones au Canada. De même, aucune des distinctions conceptuelles faites entre échange
culturel et appropriation culturelle ou encore avec l’appropriation culturelle n’est mis en évidence. La littérature universitaire qui peut exister - en pour ou en contre sur le sujet - n’est pas
citée.
Un autre exemple m’a été fourni par le comportement d’un militant. Constatant la mauvaise réception en France du décolonial, je décidais d’écrire un petit article de vulgarisation sur le
féminisme décolonial. Sans même l’avoir lu, une personne fit un commentaire selon lequel il s’agissait d’un féminisme sexoséparatiste au service des intégrismes religieux. Or l’article ne portait
absolument pas sur les polémiques qu’ils pensaient y trouver sur l’islam.
J’ai aussi assisté à une attitude similaire alors que je présentais des travaux étrangers qui n’étaient pas connus en France. Au lieu de me poser des questions pour comprendre les thèses, les
auditeurs se mirent à immédiatement à prendre la parole pour juger du sujet à l’aune de leurs positions antérieures sur la question.
Quelques remarques:
J’ai pu remarquer que la plupart des cas où j’ai été confronté à ces situations c’était de la part d’hommes blancs.
J’ai pu également constater que lorsque je proposais à certains de lire des textes écrits par des militant-e-s ou des auteur-e-s sur le sujet ils les jugeaient très rapidement là également sans
approfondissement par des lectures complémentaires. Parfois, ces jugements sont produits à partir de références d’ailleurs assez vagues qui leurs permettaient néanmoins de savoir selon eux de
quoi il en retourne.
Il me semble néanmoins que la rigueur intellectuelle de l’universitaire et la position que devrait adopter un militant à l’égard des groupes socialement minorés consiste d’abord à s’informer et à
lire. Cette injonction à s’informer est très bien mise en avant par les tutoriels “Comment être un bon allié-e ?”, il est souvent rappelé qu’un allié s’éduque et lit sur le sujet. Cela d’autant
plus qu’Internet fournit un accès rapide et facile à une large information sur le sujet.