L'école et la distribution sociale inégale sur le marché de l'emploi

 

 

Pour comprendre la construction des inégalités sociales à l’école, il ne s’agit pas seulement de partir comme l’a fait bien souvent la sociologie de la situation familiale antérieure de l’élève (milieux socio-culturel d’origine, origine migratoire, sexe…). Cette démarche semble imputer en particulier les inégalités sociales finales au sein du système scolaire à un destin social qui serait déterminé par l’origine sociale de l’élève et qui a pu même tomber dans ce que l’on a appelé de manière critique la théorie du handicap socio-culturel, vu comme un travers des théories de Bernstein et de Bourdieu.

 

Plus qu’à la socialisation primaire des élèves, il est peut être nécessaire, pour comprendre le fonctionnement de l’école, de s’intéresser à la manière dont l’école participe à la distribution des élèves sur le marché du travail. En effet, s’il n’y a pas de concordance mécanique entre le niveau scolaire de l’élève et sa place ultérieure dans le marché du travail, néanmoins l’école joue bien un rôle dans cela et s’insère dans le processus social qui distribue les individus sur le marché de l’emploi.

 

Or le marché du travail capitaliste, distribue les individus inégalement et les discriminent en fonction de caractéristiques sociales. Ces mécanismes permettent de constituer une armée de réserve de prolétariat (chômage), mais également d’extraire davantage de plus-value (à travail égal, salaire inégal). Il est ainsi possible de voir fonctionner l’ensemble des discriminations sociales dans le cadre capitaliste du marché. Ainsi, à lui seul le marché capitaliste du travail permet d’étudier l’imbrication de l’ensemble des rapports sociaux. De ce fait, l’étude du marché de l’emploi capitaliste peu acquérir une certaine centralité dans l’analyse de l’imbrication des rapports sociaux.

 

Cartographie des discriminations et des inégalités sociales dans le marché du travail :

 

* Les principaux mécanismes : la reproduction sociale, le sur-chômage, la discrimination à l’embauche, le planché collant, le plafond de verre, la ségrégation du travail, les violences discriminatoires au travail.

 

- La classe sociale : marquée par un fort mécanisme de reproduction sociale qui distribue les personnes en fonction de la place occupée par les parents antérieurement sur le marché de l’emploi soit dans des emplois d’exécution, soit dans des emplois de conception. La construction des difficultés scolaires et les orientations scolaires participent de cette reproduction sociale sur le marché du travail.

 

- Le sexe : Les femmes sont confrontés à de la ségrégation genrée de l’emploi, à des discrimination à l’embauche et à des inégalités salariales. En fonction, de leur niveau d’emploi, elles doivent faire face au plancher collant ou au plafond de verre. Elle peuvent aussi être victimes de violences sexuelles au travail. Les stéréotypes sexués qui ont été également construits à l’école et les orientations scolaires participent de cette distribution des femmes sur le marché du travail.

 

- La sexualité : Les personnes homosexuelles et/ou trans* peuvent être confrontées à des discriminations à l’emploi ou à des violences au travail. Selon des études, les hommes homosexuels perçoivent des salaires qui est inférieur aux hommes hétérosexuels, tandis que les femmes homosexuelles ont en général un salaire qui est supérieur aux femmes homosexuelles. Là encore, il est possible de s’interroger sur la place qu’à pu prendre la scolarité dans la construction de ces différences relativement aux stéréotypes touchant à l’homosexualité ou au genre.

 

- L’origine migratoire et la religion : En fonction de leur origine migratoire et de leur religion, les personnes ont des trajectoires professionnelles différentes : sur-chômage et discrimination à l’embauche pour les personnes issues des immigrations africaines (pays de la périphérie), ségrégation ethnique sur le marché du travail (immigration portugaise – semi-périphérie), mobilité ascendante vers les professions de cadre (immigration originaire du sud-est asiatique assimilé au centre économique). Discrimination à l’embauche des personnes juifs pratiquantes et musulmanes pratiquantes (en particulier femmes voilées) (pour la religion, voir étude de 2015).

Là encore, les orientations scolaires des élèves ont préparé en amont cette distribution sur le marché du travail, auquel s’ajoutent la diffusion de stéréotypes négatifs dont l’école peut participer à la propagation (voir le rapport de l’ECRI).

 

- Le handicap : les personnes en situation de handicap connaissent un sur-chômage, de la discrimination à l’emploi et des inégalités salariales.

Là encore, la non-application de la loi de 2005 et des dispositions sur l’école inclusive favorise cette situation sur le marché du travail.

 

Il n’est pas possible d’étudier les discriminations et les inégalités sociales dans le système scolaire sans tenir compte de la manière dont les personnes en fonction de leur caractéristiques sociales sont distribuées sur le marché de l’emploi. De fait, les stéréotypes sociaux, plus ou moins conscients qu’ont intériorisés le personnel scolaire, sont liés à ces répartitions sociale inégales sur le marché du travail : ethno-racialisation du travail (voir N. Jounin), division sexuée, division sociale du travail entre intellectuels et manuels….