Paulo Freire est connu pour son approche dialogique problématisante en enseignement ayant pour objectif le développement de la conscience critique des élèves. Mais comme le montre l’ouvrage Medo e Ousiadas, il ne l’oppose pas à un enseignement explicite des stratégies d’apprentissage.
La finalité de l’éducation: le développement de la conscience critique
Pour Paulo Freire, la finalité de l’éducation ne se trouve pas seulement dans une acquisition de savoirs et de savoirs faire, mais va au-delà, elle se trouve dans le développement d’une conscience critique:
“Je suis favorable à ce que l’on exige du sérieux intellectuel pour connaître un texte ou un contexte. Mais pour moi, ce qui est important, et indispensable, c’est d’être critique” (Medo e Ousiadas)
Néanmoins l’approche critique de l’enseignement ne veut pas dire que l’enseignant renonce à son autorité de compétence: “Pour moi, l’important c’est qu’un professeur démocratique jamais, réellement jamais, ne transforme l’autorité en autoritarisme. Il ne pourra jamais cesser d’être une autorité, ou d’avoir de l’autorité. Sans autorité, il est très difficile de former la liberté des étudiants. La liberté nécessite de l’autorité pour devenir libre. C’est un paradoxe : mais c’est la vérité”.
L’enseignant critique n’est pas un maître ignorant, il se caractérise par une autorité de compétence tant dans le contenu des savoirs que dans l’organisation didactique des apprentissages.
Cours transmissif et conscience critique.
Paulo Freire ajoute: “ La question n’est pas de savoir si les leçons introductives sont des pratiques « banquaires » [transmissives] ou non, ou si l’on ne doit pas faire de leçon en début de cours”. La question est plutôt la suivante: “Comment est-il possible de provoquer une attention critique en parlant ? Comme développer un certain dynamisme dans le mouvement de son discours ?”.
La solution proposée par Freire est la suivante: “Ensuite la classe transforme la parole du professeur en un objet de réflexion. Vous amenez votre parole comme une sorte d’analyse du problème, qui est est ensuite problématisée par les élèves et par vous. C’est cela qui est très critique”.
L’enseignant doit animer auprès des élèves et des étudiants une dynamique de problématisation critique de ce qu’il enseigne. Cela peut passer par des questions ouvertes du type: “Pensez-vous que …?”, “Etes vous d’accord cela… ?”; “Pourquoi…”, qui vise à dynamiser un dialogue critique dans le cadre du cours.
Freire oppose ainsi l’enseignant critique et l’enseignant manipulateur: “Vous comprenez ? C’est l’alternative que nous avons : être manipulateurs ou être radicalement démocratiques. Cela signifie qu’il faut accepter la nature directive de l’éducation. Il existe une directivité de l’éducation qui ne lui permet pas d’être neutre. Nous devons dire aux élèves comment nous pensons et pourquoi nous le pensons. Mon rôle n’est pas de me taire. Je dois convaincre les élèves de mon rêve, mais pas les conquérir à mes plans personnels”.
L’enseignement explicite dans le cadre d’un processus dialogique critique
L’enseignant critique peut assumer une posture d’enseignement explicite, mais il le fait dans une perspective critique:
“Vous faîtes des résumés pour leur montrer comme faire un résumé. Toutes ces choses sont contenues dans votre action dialogique comme un exemple d’activité critique. […] Vous devez attirer l’attention des élèves vers le fait spécifique du résumé, comme moment de leur éducation, et sur en quoi consiste cette tâche de résumer. Cela constitue la réflexion spécifique du professeur sur le résumé, il dirige l’attention critique des étudiants, en leur révélant la façon de le faire. (...) En premier lieu, vous pourriez leur demander ce que veut dire un « résumé ». Et à la fin de la discussion leur demander « pourquoi on fait un résumé ? ».
Il incite à une réflexion métacognitive sur ce que l’on fait en classe, pourquoi on le fait. L’étude des stratégies d’apprentissage est abordée comme un dévoilement des stratégies cognitives qui permettent de maîtriser les opérations cognitives qui sont réalisées à l’école et ainsi de permettre l’accès à des savoirs émancipateurs.