La pédagogie critique se donne pour objectif de faire de la salle de classe une communauté de recherche critique. Mais pour cela, il est nécessaire de construire explicitement avec les apprenants les capacités critiques.
La pédagogie critique repose sur un développement de la conscience critique par le dialogue. Cela présuppose qu’entre l’enseignant et les apprenants se met en place une communauté de dialogue critique. Néanmoins pour que les apprenants interviennent de manière critique dans le cours, il est nécessaire que l’enseignant-e explicite quelles sont les opérations mentales que suppose une réflexion critique. En effet, il n’est pas possible de présupposer chez les apprenants des capacités que l’on a pas construit explicitement avec eux au risque sinon de creuser les inégalités entre ceux/celles qui les maîtrise déjà et les autres.
Les moments d’explication ont leur place en pédagogie critique. L’enseignant pour Paulo Freire n’est pas un « maître ignorant ». Il doit au contraire avoir une compétence scientifique. Comme le souligne Paulo Freire, il sait être simple sans être simplificateur. C’est ce que l’on appelle la « clarté cognitive » de l’enseignant.
Lorsque l’enseignant-e présente un contenu, il s’agit pour les apprenants critique de :
a) Le relier avec leurs connaissances antérieures.
Pour cela, l’enseignant-e peut aider les apprenant-e-s à mettre en lien le nouveau contenu avec les connaissances antérieures, en les réactivant au début de l’apprentissage.
Ces connaissances antérieures, si elles ne renvoient pas à une leçon qui a été vue auparavant, peuvent-être liées à la mémoire auto-biographique de l’apprenant-e.
Dans la pédagogie critique, l’enseignant-e assume un moment inductif consistant à prendre appui sur les connaissances des apprenant-e-s sur le sujet.
b) Dégager des structures ou « patterns » du contenu expliqué par l’enseignant-e.
Il s’agit de repérer également si dans le contenu que présente l’enseignant-e se dégage des structures implicites qui organisent le contenu.
Le rôle de l’enseignant-e consiste d’ailleurs en grande partie à repérer lui/elle-même des structures qui permettent d’organiser le contenu de manière à le rendre plus facilement assimilable et à attirer l’attention des apprenant-e-s sur ces structures.
c) Effectuer des inférences
De manière générale, le fait de relier l’information nouvelle avec des connaissances antérieures, cela permet d’effectuer des inférences. Ces inférences permettent de dégager des dimensions qui peuvent être implicitement contenues dans les propos de l’enseignant-e, voire même des conclusions qu’il/elle n’avait pas lui-même tiré.
L’enseignant-e peut poser des questions qui aide les apprenants à faire eux-mêmes ces inférences et les entraîne ainsi à le faire.
d) Dégager les présupposés du discours
Les présupposés se sont les conditions implicites qu’il est nécessaire d’accepter pour être d’accord avec le discours développé par l’enseignant-e.
e) Dégager les enjeux de son discours
Lorsqu’un contenu est présenté, il s’agit de se demander pourquoi et quel est l’intérêt. Ces enjeux se trouvent au-delà du discours lui-même.
La question des enjeux n’est pas présente seulement dans la thématique générale de l’enseignement.
Elle est à l’œuvre par exemple lorsque l’enseignant insiste sur certains points dans son discours. Pourquoi insiste-t-il là-dessus ?
Les enjeux de ce qui est dit par l’enseignant peuvent aussi prendre sens en les reliant à ce que l’apprenant sait sur la société.
L’apprenant doit viser à dégager les enjeux de ce qui lui est présenté qu’ils soient cognitifs ou sociaux.
Mais de son côté, l’enseignant-e – lorsqu’il/elle enseigne un programme doit également dégager les enjeux. Pourquoi cela figure-t-il dans le programme ? Cela exprime-t-il un curriculum caché ? Quels sont les enjeux sociaux de cette partie du programme. L’enseignant doit attirer l’attention critique des apprenant-e-s sur ces dimensions.
f) Formuler des objections
Apprendre à rechercher des objections à ce qui vient d’être présenté permet d’essayer de mieux en comprendre la logique et de vérifier la consistance du discours qui a été présenté, à savoir sa capacité à résister aux objections.
g) Prendre position
L’ensemble des opérations mentales qui ont été effectuées auparavant permettent d’aider l’apprenant à se faire un avis argumenté concernant les contenus présentés par l’enseignant, en particulier lorsque ces contenus comprennent des controverses.
h) Formuler de nouvelles idées à partir du contenu proposé
Par inférence, l’apprenant peut en mettant en lien les connaissances qu’il/elle a acquise antérieurement et les contenus qu’il vient d’entendre des idées qui vont plus loin que ce qui a été exposé par l’enseignant-e pour vérifier la consistance de ces idées qu’il/elle a produit pas inférence.
Cela permet par la même occasion pour l’apprenant de tester sa bonne compréhension du contenu de cours présenté.