Un rapport social est un conflit autour d’un enjeu qui constitue deux groupes. On peut se demander si aujourd’hui pour un certain nombre de groupes, cette tension n’est pas la vie même.
Quel est l’enjeu des rapports sociaux ?
Marx a défini l’enjeu des rapports sociaux autour du travail. Les courants foucaldiens actuels définissent l’enjeu du pouvoir autour de la vie: c’est la biopolitque.
La difficulté c’est non seulement qu’il y a une multiplicité de rapports sociaux: de sexe, de classe, de racisation…
Mais la difficulté tient au fait que l’enjeu n’est pas le même pour tous les groupes sociaux ou même pour toutes les personnes dans ces groupes sociaux.
Quelles sont ces vies qui ne comptent pas ?
Les féminicides: Dans le monde, y compris en France avec les violences conjugales, ces vies qui ne compte pas, ce sont les vies de femmes comme dans le féminicide de Ciudad Juarez.
Les personnes trans et homosexuelles: qui sont tuées du fait de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.
Les personnes racisées: les jeunes hommes racisés tués par la police, les migrants que l’on laisse se noyer en méditerranée…
Les travailleurs qui meurent de pollution chimique ou d’autres mauvaises conditions de travail: Ce sont par exemple ces personnes qui ont intenté un procès contre Monsanto à cause du caractère cancérigène de leur produits.
Les animaux dans les abattoirs: qui sont tués industriellement
La destruction de la biodiversité:
Quelles revendications ?
Les philosophies qui font de la vie l’enjeu du pouvoir peuvent considérer, à un niveau plus général, que les revendications peuvent se centrer sur les conditions d’une vie décente, par exemple avec la revendication d’un revenu d’existence.
Quelle perspective matérialiste ?
La perspective matérialiste sur la vie porte sur la question du travail reproductif qui permet de maintenir la vie. Il a été étudié sous l’angle de sa division et de son exploitation.
La question est pourquoi dans la matrice du pouvoir, certaines vies comptent et d’autre pas. L’approche matérialiste permet d’essayer d’aller plus loin dans l’analyse des dynamiques qui conduisent à rendre inutiles certaines vies.
Car si certaines vies ne comptent pas, c’est qu’elle n’ont pas de valeur. Or c’est qu’elles ne sont pas considérés comme rentables du point de vue de la raison calculante qui domine la matrice du système monde-moderne capitaliste/étatique/colonial.
Il est possible de se demander si à l’opposé de ce travail reproductif ne se trouve pas des logiques mortifières - thanatiques - au sein des systèmes d’oppression qui ne visent pas seulement l’exploitation de la force de travail, mais la destruction de la force de travail qui ne s’inscrit pas dans le “principe de rendement” (Marcuse).
Les vies considérées comme inutiles dans la matrice du pouvoir pour la production capitaliste ou le travail reproductif, le vies considérées comme surnuméraires, celles que l’on désire contrôler par la terreur de la mort….
La dynamique des rapports sociaux
Au fond de la dynamique psychologique des rapports sociaux, il y a le désir de faire faire par autrui le travail que l’on ne souhaite pas faire: soit en le faisant travailler à sa place, soit en lui réservant les tâches que l’on ne souhaite pas faire.
Lorsque des groupes d’individus sont considérés comme inutiles, ils perdent leur valeur sociale qui était une valeur économique.Quand ils ne se plient pas au rôle sociaux qui leur étaient assignés, il s’agit de les contraindre par la force à s’y maintenir.
On peut également leur refuser la possibilité même d’avoir à une activité qui leur permette de vivre. Car à travers le travail c’est la condition de la reproduction et donc de la conservation de la vie qui se trouve posée. En effet, le “principe de réalité” (Freud) impose le travail comme condition de conservation de l’existence.
L’occultation, par la critique sociale de ces dynamiques d’exploitation conduit à un verbalisme de la critique. Elle décrit au mieux la surface des phénomènes, au pire elle occulte leur dynamique profonde.
Bibliographie:
Agamben Gorgio, Homo Sacer, le pouvoir et la vie nue
Butler Judith, Ce que fait une vie
Foucault Michel, Naissance de la biopolitique (cours au collège de France)
Le Blanc Guillaume, Vies ordinaires, vies précaires
Marcuse Herbert, Eros et Civilisation