Obligation de neutralité et droits humains

 

 

"Que quelqu’un devienne machiste, raciste, qu’il méprise les classes sociales dominées (...) il s’assume comme transgresseur de la nature humaine. (...) Toute discrimination est immorale, et lutter contre elle est un devoir" (Paulo Freire)

 

Les enseignants dans l’Education nationale sont tenus à une obligation de neutralité. Mais jusqu’où peut et doit aller cette obligation ?

 

L’obligation de neutralité des fonctionnaires inclus quatre dimensions : philosophique, économique, politique et religieux.

 

Néanmoins, on assiste depuis ces dernières années en France, mais également hors de France, à des prises de positions de personnalités politiques et d’organisation militantes qui peuvent être sexistes, racistes ou encore homophobes par exemple…

 

Ainsi l’ECRI (Commission européenne contre le racisme et l’intolérance) recommande à la France dans un rapport de 2016 de prendre des mesures pour remédier à l’exploitation du racisme en politique.

 

Quelle peut-être la position des enseignant-e-s face à la montée des extrêmes droites dans le monde et des propos à caractère discriminatoires ? L’obligation de neutralité suffit-elle à définir la position que doivent prendre les enseignants face à ces questions ?

 

Si on lit le référentiel de compétences des enseignants, on constate qu’il est fait obligation aux enseignants de refuser toutes les discriminations (item n°1 du référentiel).

 

Les conventions internationales des droits humains posent l’égalité en droit de toutes les êtres humains et a contrario le refus de toutes les discriminations.

 

Le droit européen concernant la non-discrimination condamne les discriminations en raison de l’orientation sexuelle ou encore de la race, de l’origine ethnique, de la couleur, de la religion par exemple…

 

Il semble tout à fait contestable que le principe de neutralité du fonctionnaire puisse être utilisé pour empêcher les enseignant-e-s de défendre des principes qui se trouvent au-dessus du droit national qui sont les droits humains fondamentaux reconnus par les traités internationaux.

 

Que l’on puisse refuser que les enseignant-e-s de l’Education nationale dans le cadre de leurs fonctions prennent partie dans les débats partisans politiques entre droite et gauche : on peut le comprendre.

 

En revanche, il serait tout à fait incohérent que le principe de neutralité leur soit opposé lorsqu’il s’agit pour eux de défendre des principes bien supérieurs aux débats partisans, à savoir les droits humains fondamentaux et le refus de toutes les discriminations qui leur est lié.

 

De même, il est tout à fait important de se rappeler que les droits humains se situent au-dessus même des valeurs de la République. En effet, le jour où un gouvernement d’extrême-droite arrive au pouvoir et décide de faire accepter des discriminations à l’égard de certaines minorités comme compatibles avec les valeurs de la République, cette situation pourrait-elle être acceptable ?

 

Elle ne pourrait l’être au regard des droits humains fondamentaux. On peut très bien imaginer qu’un gouvernement puisse changer les valeurs de la République. Mais on ne peut pas concevoir qu’un seul gouvernement national ait le pouvoir de changer les conventions internationales des droits humains.

 

C’est pourquoi la mission de l’enseignant est une mission profondément humaniste. Car l’horizon de l’enseignement n’est ni le débat politique partisan, ni le droit national. Les enseignants regardent bien au-delà de cela. L’horizon qui doit guider leur action, c’est la défense des droits humains fondamentaux. Ces droits qui font l’humanité et la dignité de l’être humain.