Différenciation pédagogique, équité et genre à l’école

 

 

La différenciation pédagogique dans le premier degré est bien souvent pensée comme une évidence sans que soit interrogée ses dimensions sociologiques et philosophiques.

 

On entend par exemple assez souvent l’injonction suivante proposée aux enseignants:

 

Il faut faire progresser tous les élèves. Certes il faut faire progresser les élèves en difficultés, mais il ne faut pas oublier les bon élèves. Il faut également les alimenter sinon les parents vont partir dans le privé”

 

Qui sont ces bons élèves ?

 

La notion d’élève en difficultés et de bons élèves renvoie tout d’abord à des inégalités scolaires. Mais l’on sait qu’en France, plus que dans les autres pays de l’OCDE, les inégalités scolaires et les inégalités sociales sont fortement corrélées. De fait, on peut supposer déjà que pour une grande partie les bons élèves sont de classes moyennes supérieures et les élèves en difficulté plutôt de classes sociales populaires.

 

Mais il n’est pas certain que ces bons élèves soient en réalité neutres du point de vue du genre. En effet, ces bons élèves qu’il s’agit d’alimenter sont souvent plutôt des garçons qui sollicitent plus les enseignant-e-s que les filles en réussite scolaire. Ces élèves sont également identifiés à des élèves qui si on les délaissent, s’ennuient en classe et risquent de perturber le fonctionnement de la classe.

 

La question d’un rapport différencié à l’attention de l’adulte dans l’éducation des filles et des garçons est une dimension qui remonte à loin dans l’éducation des enfants. Les adultes ont tendance à laisser pleurer les filles et à répondre plus rapidement lorsqu’il s’agit d’un garçon. A l’école, les enseignants ont tendance à plus interagir avec les garçons qu’avec les filles. Lorsqu’on leur demande de rééquilibrer, ils ont l’impression de délaisser les garçons et les garçons ont l’impression qu’on se désintéressent d’eux.

 

Voir: L’école du genre - http://www.ecoledugenre.com/#EP4_l'ecole

 

De ce fait, il ne s’agit pas d’alimenter tous les bons élèves, mais surtout d’alimenter les bons élèves du fait également de caractéristiques liées au genre des élèves.

 

Éthique de la différentiation

 

En réalité, il est nécessaire de s'intéresser en profondeur à l'éthique de la différenciation pédagogique. Il est nécessaire tout d’abord de rappeler que le droit administratif repose sur un principe de base qui est l’égalité de traitement de tous face au service public.

 

Le deuxième point est l’injonction qui est faite que chaque élève atteigne le niveau minimum du socle ce qui n’exclut pas la possibilité de le dépasser. Sachant que l’idée de pouvoir dépasser le socle commun semble avoir été en particulier mise en avant pour rassurer les familles de classes moyennes supérieures.

 

Enfin, les études internationales types PISA montrent que ce sont les pays où les niveaux d’inégalités scolaires sont les plus faibles qui sont également ceux qui ont le niveau de performance scolaire le plus élevé.

 

Or en différenciant de manière à alimenter les bons élèves, on ne réduit pas les inégalités scolaires, mais on les creusent. La volonté de diminuer les inégalités scolaire supposerait au contraire de mettre en avant une discrimination positive en faveur des plus en difficultés.

 

La réduction des inégalités scolaires peut se justifier par le fait que de trop grandes inégalités scolaires peuvent être un facteur d’accroissement des inégalités sociales et donc de ce fait d’affaiblissement, voire de rupture, de la cohésion sociale.

 

Que faire des bons élèves garçons dans une classe en élémentaire ?

 

Il est sans doute différentes manières de penser la différenciation pédagogique.

 

L’étude PISA sur la collaboration en classe montre que les élèves garçons éprouvent plus de difficultés à coopérer que les filles. Il est donc possible de travailler sur la coopération chez les élèves en les formant au tutorat.

(PISA: OCDE (2017), PISA 2015 Results (Volume V) : Collaborative Problem Solving, PISA, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264285521-en.)

 

Les études, comme celle d’Alain Lieury et al., sur les loisirs montre que la lecture est le loisir le plus corrélé à la réussite scolaire et que c’est une activité plutôt investie par les filles.

(Lieury, Alain, Sonia Lorant, et Françoise Champault. « Loisirs numériques et performances cognitives et scolaires : une étude chez 27 000 élèves de la 3e des collèges », Bulletin de psychologie, vol. numéro 530, no. 2, 2014, pp. 99-125.)

 

En cela, proposer aux élèves garçons, ayant un bon niveau, des activités qui demandent de s’occuper sans l’attention de l’enseignant-e peut être positif dans la mesure où cela libère de l’attention pour les élèves en difficultés scolaires et que cela apprend à ces élèves garçons à se priver d’une attention de la part de l’enseignant-e qu’ils vont perdre en partie au collège.