Parmi les effets de la glottophobie à l’école, on mentionne souvent l’attitude vis-à-vis des élèves allophones ou plurilingues, mais il est sans doute aussi intéressant de intéresser également aux préjugés des enseignants.
La glottophobie a été définie par Philippe Blanchet : elles désignent les discriminations fondées sur la langue (Discriminations : combattre la glottophobie, Textuel, 2016). La loi sur les discriminations de 2008 sanctionne les discriminations fondées sur la capacité de s’exprimer dans une autre langue que le français.
Les travaux fondés sur les discriminations soulignent comment à l’origine des discriminations se trouvent bien souvent des préjugés et des stéréotypes (Morchain, Pascal. Tous racistes?: petit précis des déterminants psychosociaux du racisme et de la discrimination. Editions L'Harmattan, 2012.)
Les immigrés et la maîtrise du français à l’arrivée en France :
L’étude Trajectoires et Origines (INED, 2010) s’est intéressé à la maîtrise de la langue française par les immigrés à leur arrivée en France :
« L’influence de la francophonie des pays d’origine se traduit directement sur le niveau de connaissance à l’arrivée. Ainsi, très peu d’originaires du Portugal (3%), de Turquie (3%), d’Espagne et d’Italie (8%) et d’Asie du Sud-Est (9%) ont déclaré être très à l’aise avec la langue française à leur arrivée en France. Eu égard au maintien de la francophonie dans les pays anciennement sous administration française du continent africain, la connaissance de la langue française est déjà très élevée au moment de la migration pour les immigrés d’Afrique guinéenne ou centrale (77%), sahélienne (53%) et du Maghreb (44%). Dans une situation intermédiaire se trouvent les migrants européens, autres que de l’Europe du Sud, qui sont assez nombreux à maîtriser le français avant leur arrivée en France : c’est notamment le cas des femmes (36%) ». (TeO, Premiers résultats, p.33)
On constate donc que les immigrés portugais et turcs sont parmi ceux qui maîtrisent le moins le français à l’arrivée en France.
Les enseignants et les préjugés concernant la maîtrise du français par les élèves.
Dans Les enfant d’immigrés à l’école (2018), Mathieu Ichou se sert de l’étude du panel de 1995 pour savoir s’il existe un biais de jugement dans l’évaluation des enseignants selon l’origine des élèves.Il s’agit de savoir si les enseignants évaluent plus faiblement le niveau en mathématiques ou en français d’un élève comparativement à sa performance réelle opérée lors des évaluations nationales en 6e. Voici ce qu’il en conclut : « Trois cas apparaissent dans lesquels le « résidu discriminatoire est d’une magnitude non négligeable. Il s’agit du jugement professoral sur le niveau en français des des enfants d’immigrés turcs (résidu négatif, mais non significativement différent de zéro, le niveau en français des enfants d’immigrés portugais (résidu significativement négatif) et le niveau en mathématiques des enfants d’immigrés d’Asie du Sud-Est et de Chine (résidu significativement positif) (…) « dans deux cas seulement, l’existence d’un « résidu discriminatoire » est statistiquement significative (négativement pour les élèves d’immigrés portugais en français et positivement pour les enfants d’immigrés asiatiques en mathématiques) ».
On peut émettre l’hypothèse que ce préjugés négatif concernant le niveau en français des élèves d’origine portugaise est lié au fait que leurs parents sont plus souvent allophones que ceux d’autres origines migratoires.
Enfin, à la fin du collège, on observe une sur-orientation des élèves garçons d'origine portugaise dans les filières professionnelles courtes (voir l'enquête TeO)