Bien souvent lorsqu’un enseignant a des difficultés avec un élève, il voit l’élève comme le problème. L’approche systémique évite la réduction à une lecture individualisante et trop psychologisante des difficultés.
Avoir une approche systémique des difficultés rencontrées avec un élève consiste à voir l’élève non pas comme un individu isolé, mais comme une personne en relation avec d’autres personnes. L’approche systémique critique essaie d’intégrer ces questionnements dans une réflexion en lien avec les rapports sociaux de pouvoir : les privilèges sociaux et les oppressions sociales.
Questions :
- Quelle est la place de chaque acteur/actrice au sein des systèmes sociaux de privilèges et d’oppression ?
Il est possible de se demander quelle est la place de l’enseignant, de l’élève ou des parents de l’élève dans le système des privilèges sociaux.
(Voir : http://pedagogie-antidiscrimination.fr/mod/page/view.php?id=18)
Sociologiquement, les enseignant-e-s appartiennent à la classe moyenne supérieure et ce sont bien souvent des femmes.
Sylvie Ayral, dans La fabrique des garçons, rappelle que 80 % des sanctions disciplinaires sont tournées contre des garçons. Et l’on peut supposer que parmi ces garçons, ceux de milieux populaires sont sur-représentés.
Il existe donc bien souvent une distance sociale entre les deux protagonistes et des rapports sociaux de pouvoir croisés.
- Quelle est la relation de l’enseignant avec l’élève ?
L’enseignant-e a-t-elle/il tendance à construire l’élève en déviant scolaire ? L’élève est souvent rappelé à l’ordre pour ses transgressions ce qui produit un effet d’étiquetage (voir : Goffman, Becker).
Est-il possible d’établir un autre type de relation entre l’élève et l’enseignant-e reposant sur le renforcement des comportements positifs, plutôt que sur le rappel à l’ordre des comportements problématique et leur sanction ?
- Quelle est la place de l’élève au sein du groupe classe ?
Utilisé pour étudier les dynamiques de groupe et pouvoir former des groupes de travail, le sociogramme de Moreno peut être aussi étudié pour mettre en lumière certains rapports sociaux de pouvoir dans la salle de classe.
Qu’est-ce que le sociogramme de Moreno ?
Le sociogramme de Moreno a été adapté par Fernand Oury sous la forme du sociogramme express pour étudier la dynamique de groupe dans une classe. Il repose sur deux ou trois questions du type:
avec qui je voudrais travailler en classe
avec qui je ne voudrais pas travailler…
par qui je souhaite être choisi pour ce travail.
Voir l’exemple suivant: http://francois.muller.free.fr/manuel/Gererlesrelations/pratiques.htm
2. Le sociogramme et l’analyse des rapports sociaux de pouvoir.
Le sociogramme permet de déterminer les affinités entre élèves, mais aussi qui sont les élèves les plus populaires et ceux au contraire qui sont rejetés par les autres.
Il est alors possible d’analyser cet état de fait en utilisant des dimensions sociologiques:
Ces élèves sont-ils des filles ou des garçons ?
Sont-ils de milieux populaires, de classes moyennes ou de classes supérieures ?
Sont-il des élèves qui ont de bonnes notes à l’école ou au contraire de mauvaises notes ?
Il est possible de se poser encore d’autres questions sur ce qui explique leur situation de popularité, de rejet ou au contraire d’affinité…
Par exemple, Martine Court (Sociologie des enfants. La Découverte, 2017) souligne comment dès la maternelle les affinités des élèves sont en fonction de leur milieu social.
De leur côté, Lignier, W., & Pagis, J. (L’Enfance de l’ordre-Comment les enfants perçoivent le monde social. Le Seuil, 2017) soulignent comment les enfants qui sont rejetés dans une classe sont souvent ceux qui n’ont pas de bons résultats scolaires. Or en France, il y a souvent une corrélation forte entre le milieu social et la réussite scolaire.
Sur la base de cette connaissance des rapports sociaux dans le groupe classe, il peut être possible de travailler à les atténuer et à les déconstruire.
- Quelle est la relation de l’enseignant avec les parents de l’élève ?
Cela suppose de prendre en compte le milieu social et l’origine migratoire des parents. L’enseignant-e a-t-il des préjugés négatifs vis-à-vis des parents ?
Peut-être est-il nécessaire de ne pas être dans le jugement dans la relation avec les parents, surtout lorsque ceux-ci sont de milieux populaires, en situation de pauvreté, ou encore immigrés économiques…
Conclusion : L’approche systémique critique consiste à voir les problèmes de comportement des élèves non pas comme étant une caractéristique inhérente à un individu, mais comme étant la résultante d’interactions sociales au sein d’un système social plus large.
Sur l’approche systémique :
Curonici Chiara et McCulloch Patricia, Psychologues et enseignants- regards systémiques sur les difficultés scolaires, De Boeck, 1997.
Garcia, M., Kosutic, I., McDowell, T., & Anderson, S. A. (2009). Raising critical consciousness in family therapy supervision. Journal of Feminist Family Therapy, 21(1), 18-38.