La résistance éthique englobe un ensemble de démarches qui vise à remettre l’éthique au coeur de l’agir professionnel contre les logiques de la pure efficacité économique et technique.
Qu’est-ce que la résistance éthique ?
La résistance éthique désigne une attitude du ou de la professionnelle qui considère que les considérations éthiques doivent être supérieures aux logiques orientées uniquement vers la domination de la rationalité instrumentale : l’utilitarisme, la performance, la concurrence, la rentabilité, l’efficacité technique…
Il ne s’agit pas de dire que ces dimensions là n’ont pas de place dans l’action humaine, mais qu’elles ne doivent pas primée sur toute autre considération, y compris dans le domaine professionnel.
La nécessité d’une conscience éthique professionnelle
L’émergence de cours d’éthique professionnelle et de comités d’éthique dans de nombreux domaines montre néanmoins que l’existence humaine ne saurait se suffire de considérations uniquement techniques et quantitatives.
Dans son ouvrage Souffrances en France, Christophe Dejours a bien analysé comment des professionnels recevant des ordres contraire à la conscience morale pouvait laisser primer des considérations de performances et d’objectifs économiques. Cette attitude a pu alors conduire à pousser des subordonnés à la dépression, voire au suicide.
La récente reconnaissance du statut de lanceur d’alerte, avec en outre désormais une directive européenne à ce sujet, vient amplifier la mise en valeur que l’action professionnelle ne peut pas se limiter à la prise en considération uniquement d’une logique technocratique.
Pistes pour une résistance éthique
Il est possible de proposer quelques pistes de réflexion pour une résistance éthique.
La première résistance est la lutte contre le « voile technologique » (Adorno) : « Les hommes ont tendance à prendre la technique pour la chose elle-même, comme une fin en soi, possédant sa force propre, et ils oublient ainsi qu’elle est le prolongement du bras de l’homme. Les moyens – et la technique est l’ensemble des moyens visant à la conservation de l’espèce humaine – sont fétichisés, parce que les fins, une vie digne de l’homme, sont cachées et séparées de la conscience de l’homme ». La résistance au voile technologique consiste à s’interroger systématiquement sur les finalités de l’action en relation avec la question d’une « vie digne de l’homme ». Il s’agit alors de systématiquement s’interroger et interroger les collègues et la hiérarchie sur la finalité de ce qui est demandé.
Une deuxième piste de résistance éthique consiste à s’interroger sur l’éthicité des moyens : est-ce que la fin justifie tous les moyens ? L’efficacité des moyens n’est pas la seule considération à prendre en compte dans l’action. Se pose alors la question du respect des êtres humains, des vivants et de la nature dans l’action. Il s’agit alors de systématiquement faire part de ses cas de conscience face aux moyens qui sont proposés pour parvenir à une fin.
La troisième piste est le refus du solutionnisme technique. Cette conception consiste à considérer que tout problème peut être formulé sous une forme technique et que tout problème peut donc recevoir une solution technique. Il s’agit de s’entraîner systématiquement à reformuler les problèmes sous une forme éthique et à proposer systématiquement ces formulations.
L’agir de la résistance éthique
Le ou la professionnelle qui est une résistante éthique fait savoir pourquoi il ou elle « ne préférerai pas » faire cela... Elle est un grain de sable moral dans le rouage de la machine technocratique. Il s’agit d’être des Bartleby de l’éthique...
Le résistant éthique peut choisir dans certaines circonstances de passer le pas est de devenir un-e désobéissant éthique, mais le plus souvent il se situe en deçà d’une telle attitude.
Il/elle rappelle le fait que le cadre déontologique de sa profession lui impose une éthique. Par exemple pour les enseignants, il s’agir « d’agir en éducateur responsable selon des principes éthiques ».
Donc par oral ou par écrit, dans le respect du cadre déontologique, il/elle fait part – individuellement ou collectivement - de ses interrogations éthiques concernant les conditions professionnelles qui lui sont imposés. Le ou la résistante éthique exerce la compétence éthique que suppose l’exercice de sa profession.
Conclusion :
La résistance éthique n’est pas une option. Elle défini le ou la professionnelle dans la mesure où l’activité professionnelle suppose une éthique. De fait, le ou la professionnelle a le devoir même d’interroger ce qui lui est demandé non pas uniquement sous un angle technique, mais systématiquement sous un angle éthique.
Références :
Adorno, T. (1984). Éduquer après Auschwitz. Payot. Modèles critiques, 235-251.
Dejours Christophe, Souffrance en France, Seuil, 1998.
Rafaelo Alain, « Qu’entend-on par désobéissance éthique ? ». URL : http://alternatives-non-violentes.org/Revue/Numeros/160_Desobeir_par_ethique_professionnelle/Quentend-On_par_desobeissance_ethique
Référentiel de compétence des enseignants, 2013.
LOI n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires