L’Ethique de la critique contre l’hégémonie de l’éthique utilitariste

 

 

L’éthique de la critique développe un discours contre-hégémonique face à la colonisation de l’ensemble des sphères de l’existence par la logique utilitariste.

 

Les formes de l’hégémonie utilitariste :

 

Parmi les critiques qui ont été portées à la domination de l’éthique utilitariste, on trouve la théorie critique de l’école de Francfort sous la forme de la critique de la raison instrumentale. On trouve également les critiques portées par le Mouvement du MAUSS (voir la Revue du Mauss). La logique utilitariste se caractérise par la recherche de l’efficience à savoir le calcul d’un optimum d’efficacité (temps/coût). L’utilitarisme se distingue des formes traditionnelles de l’utilité dans la mesure où il se caractérise par une obsession de l’optimisation des choix et des actions par la rationalité calculante.

 

La domination de la raison instrumentale :

Les philosophes de l’école de Francfort ont caractérisé la modernité par la domination de la raison instrumentale. Celle-ci caractérise aussi bien l’État moderne bureaucratique que le système capitaliste. La domination de la raison instrumentale consiste dans un calcul d’optimisation des moyens relativement à la finalité. Le philosophe Jurgen Habermas a également insisté sur le fait que la domination de la raison instrumentale tend à coloniser également le monde vécu, le monde de la vie quotidienne.

Avec l’expansion des technologies numériques, il est possible de parler d’une accélération (voir H. Rosa) de la domination de la raison instrumentale. Le numérique permet d’optimiser encore davantage la recherche d’efficacité par une puissance de calcul accrue.

 

L’éthique utilitariste :

L’utilitarisme est un courant de la philosophie morale qui considère que l’être humain est mu par le calcul de l’optimisation de son plaisir. L’utilitarisme essaie de produire une théorie morale à partir d’une définition du bonheur commun conçu comme un optimum du plaisir. (voir Peter Singer, L’altruisme efficace)

 

La théorie néoclassique en économie :

La théorie économique néoclassique est la base des théories économiques visant à justifier le fonctionnement du marché entre autres dans sa forme néolibérale. L’individu y est considéré comme un homo oeconomicus qui calcule son utilité à partir d’un optimum entre peine et plaisir (voir : D. Cohen, Homo oeconomicus prophète des temps présents)

 

Les conséquences de l’hégémonie de l’utilitarisme :

 

- Le devenir marchandise du monde : Avec la domination de l’éthique utilitariste, on assiste à un risque de transformation de toute réalité (nature, être humain…) en marchandise et la transformation des relations humaines en contrat marchand. (voir M. Sandel, Ce que l’argent ne saurait acheter).

 

- L’hégémonie de l’éthique utilitariste : L’éthique utilitariste entre en contradiction avec d’autres éthiques comme l’éthique du care (sollicitude) ou encore l’éthique déontologique (valeur absolue de la dignité de la personne humaine).

 

- La colonisation de l’ensemble des sphères de l’existence : La logique utilitariste qui s’est imposé avec la centralité accordée par l’économie néolibérale au marché entre en contradiction avec les logiques de désintéressement qui sont sensés régir d’autres sphères d’activités : l’art, la recherche scientifique…

 

- La destruction des formes non-utilitaristes de l’économie : La logique utilitariste consiste à concevoir l’économie comme un calcul d’utilité. Néanmoins, il existe d’autres conceptions de l’économie pouvant reposer sur le don/contre-don (Mauss avec le potlatch) ou encore la solidarité (le solidarisme de Léon Bourgeois) ou encore le mutuellisme (Proudhon).